Comment faisaient les joueurs pour se renseigner sur les productions à venir et les futurs grands jeux à sortir sur consoles avant l'ère de la facilité et de l'Internet? Si cela peut paraitre aujourd'hui un brin désuet, le meilleur moyen de se renseigner alors, en dehors du bouche à oreille, était de se plonger, une fois par mois, au coeur des articles de la presse spécialisée. Previews, avant premières, couverture de salons à l'autre bout du monde, et autres tests ou reviews nous donnaient de très précieuses informations sur les futurs jeux que l'on souhaitait s'offrir à Noël ou pour notre anniversaire. Photos et textes de circonstance à l'appui, ces magazines nous permettaient de nous faire une idée plus précise de ce qui nous attendait dans les prochains mois, voire les prochaines années. Mais pour cela, encore fallait-il savoir vers quel magazine se tourner. Chacun ayant ses spécialistés, ses préférences, et ses auteurs dédiés, apportant une lumière parfois bien différente selon la console ou le genre de jeu étudié. Du coup, avec le temps, on choisissait ses parutions favorites, et l'on s'y tenait. Tout en jettant de temps en temps un oeil chez les coucurrents dès que l'occasion se présentait, afin de nous conforter, ou remettre en question nos choix. 

Top 5 oblige, nous allons évoquer aujourd'hui les magazines qui ont connu le succès commercial comme critique, et qui on permis aux joueurs de faire les meilleurs choix possible en matière de découvertes vidéoludiques. Ces périodiques qui se spécialisaient exclusivement sur les sorties de titre sur console, qui dépuis la fin des années 1980 ont le vente en poupe en France. Ainsi, pour ce classement, exit les magazines qui portaient leurs efforts sur les sorties de jeux PC, à l'image de l'émblématique Joystick, qui mériterait un article entier sur ce blog à lui tout seul, et qui figuerait sans trop de difficulté tout en haut d'une liste composée de journaux légendaires tels que Tilt ou Génération 4. Non, ici on va parler consoles, et uniquement consoles! Alors accorchez vous ceintures, et opérons dès à présent un retour vers le passé, au début des années 1990, ou la sortie de ces magazines bat son plein, et passons quelques instants à nous remémorer le Top 5 des magazines de l'âge d'or de la presse du Jeu Vidéo en France!

 

Numéro 5: Playstation Magazine entre 1995 et 2008

Arrivé un peu plus tard que ses petits camarades, Playstation Magazine va rapidement parvenir à s'installer dans le paysage vidéoludique dès sa première sortie, en 1995. En dehors de ses articles, rédigés par une équipe d'habitués ayant déjà sévi sur quelques magazines de référence, et sur lequel nous allons revenir, il a le bon ton d'être accompagné tous les mois, d'un CD, qui propose plusieurs démos de jeux tout juste sortis ou à venir. La large diffusion d'un média peu onéreux comme le CD permet en effet ce genre d'initiative, sous forme de vrai bonus, pour un tarif de vente à peine supérieur à celui d'un magazine papier classique. Chaque mois, on insérait ce CD dans notre bonne vieille PS1, et on s'essayait aux dernières nouveautés pendant quelques minutes, afin de se convaincre de la qualité des jeux proposés et de la toute puissance de la console de Sony. Mais Playstation Magazine, ce n'était pas que le CD bien sur, et ce support fort appréciable était assorti à un contenu papier de qualité. Présentation au départ plus sobre que la concurrence, le magazine trouve son style au bout de quelques numéros, et va acquérir dès fin 1996, un rythme de croisière pour des parutions mensuelles. Assez juste dans sa notation, selon les genres testés, même si les RPG notamment ne sont pas à la fête, et parfois un peu partisan et orienté au niveau de certains commentaires attribués aux pépites qui se succèdent alors sans interruption sur PS1, Playstation Magazine est peut-être bien le dernier journal de l'âge d'or à avoir connu le succès. Un succès pleinement justifié, si vous voulez mon avis, et qui constitue aujourd'hui un témoignage vivace de la révolution, technologique et dans les moeurs, qu'a constitué la première console de salon de Sony, s'orientant vers un public plus mature et en soif d'information toujours plus sensationnelles mais aussi plus préçises. La rédaction parvient à suivre les envies de son public, poussé par l'ingénieux marketing agressif de Sony, tout en conservant une liberté de ton suffisante et un humour en pointillé qui fait le charme des publications spécialisées de l'époque. Un amalgame savoureux qui lui vaut aujourd'hui sa place dans ce classement. Bravo à Jean-François Morisse et ses équipes pour cette transformation réussie!

 

Numéro 4: Super Power entre 1992 et 1997

L'absolu incontournable pour tout fan de Nintendo qui se respecte! Avec la disparition inéluctable du magazine Club Nintendo, pour des raisons économiques évidentes, les fans du plombier cherchent une bonne étoile vers laquelle se tourner. Et nombreux vont jeter leur dévolu sur ce journal au style enjoué, possédant une maquette colorée, qui attire l'oeil des joueurs. Jean-Marc Demoly et ses équipes sont des passionnés qui communiquent avec envie à leur public et cela s'en ressent! Dès l'été 1992, et la parution de son premier numéro, qui accompagne les premiers pas de la Super Nintendo en France, le style et le ton sont donnés, pour une aventure qui va durer 5 années, et couvrir les sorties les plus emblématiques, comme les plus annecdotiques portées sur les consoles Nintendo. Tout est passé à la moulinette, titres phares sortis en grande pompe en France, mais aussi les titres mineurs cantonnés au Japon, qui auront bien souvent le droit au moins à un entrefilet dans le magazine. Super Power est alors une porte ouverte pour découvrir tous ces titres nippons que seules quelques boutiques spécialisées en France vont importer à grand frais. Reportages depuis l'archipel, mise en avant de véritables phénomènes que sont les RPG, stars de la 16 bits de Nintendo, et autres déclinaisons de Dragon Ball Z en jeu vidéo, la rédaction sait se focalier et aborder les sujets qui plaisent aux affictionados. Elle est aussi capable de mettre en avant, en couverture, des jeux aussi niche qu'excellents tels que Hagane ou Skyblazer, un fait assez rare pour être noté, et qui le démarque un peu de la concurrence. Je retiendrais pour ma part une bonne humeur contagieuse, et des éloges parfois dithyrembiques concernant certains titres majeurs de la console, à l'image de ce test délicieux de Final Fantasy 6 du bien nommé Sushi, qui ressort tout juste d'une première expérience, tout en japonais, en compagnie de ce chef d'oeuvre, et nous fait partager son envie irrésistible de plonger à nouveau dans l'aventure, imméditement! Pour sa qualité d'ensemble et ces quelques pépites de texte exaltés, Super Power mérite amplement sa place ici.         

 

 

Numéro 3: Consoles+ entre 1991 à 2012

Quittons maintenant le monde merveilleux des magazines exclusifs à un constructeur, et intéressons nous aux grands noms de la presse spécialisée, qui ont eu le bon ton de s'attarder sur l'ensemble des jeux et donc des plateformes sur lesquels ceux-ci ont vu le jour. Sega, Nintendo, Sony, mais encore NEC, Atari ou SNK sont passés sous les Fourches Caudines des testeurs de Consoles+ entre 1991 et 2012. Un magazine à la longévité record, même si la formule a été largement modifiée, et ce à plusieurs reprises, au cours de son existence. On en retiendra surtout ses plus belles heures, sous la direction de Jean-Michel Blottière puis de l'inoxydable AHL, ou le journal allie reportages de qualité, couvertures aguicheuses, information et previews de première main obtenues de haute lutte au Japon, et délires visuels et narratifs qui prennent des formes aussi variées qu'un trombinoscope ou qu'un personnage fictif du nom de Ze Killer, dont le but premier est de descendre les mauvais jeux dans la joie et la bonne humeur. Un contenu sans nul doute d'une grande qualité, à mes yeux cependant entâché par la proportion un peu trop élevée de certains testeurs à passer parfois un peu à côté de leur sujet. Manque de temps pour tester les jeux dans leurs moindre détails? Goûts et couleurs trop différents des miens? Sans doute un peu des deux...Un exemple parmi tant d'autres pour illuster mes propos: Au sein du numéro 95 de Décembre 1999, le chef d'oeuvre Suikoden 2 est noté 88% d'une part, et dans le même magazine, par le même testeur, quelques pages plus haut, Dewprism un Action-RPG sympathique, se retrouve gratifié d'une note de 90%. Avec le recul ce genre d'approximation prête encore plus à sourire, mais il convient de préciser qu'elle est de loin contre-balancée par une écriture qui transpire la passion et des idées sans cesses foisonnantes pour renouveler le contenu d'un magazine qui ne s'essoufflera que rarement. Consoles+ étant un journal largement distribué sur cette période bénie du début des années 1990, il est en cela parfaitement dans son rôle: une vitrine en France pour le Jeu Vidéo, un média qui intéresse alors des passionnés de plus en plus nombreux et en soif d'information. Il est également déjà caractéristique de quelques uns de ses futurs excès, comme l'obligation de passer trop rapidement d'un jeu à un autre sans en profiter pleinement, afin de pouvoir être exhaustif, et ainsi, d'avoir l'opportunité de s'essayer à un maximum de jeu, sachant qu'il en sort toujours plus sur le marché. Pour résumer, Consoles+ reste un incontournable, dans l'air du temps, qui a su naviguer avec talent, et qui mérite logiquement sa place sur le podium aujourd'hui!

 

Numéro 2: Player One entre 1990 et 2000

Player One porte bien son nom puisqu'il a été, dès 1990, le premier magazine de jeu vidéo dédié exclusivement aux consoles, à paraitre en France. Et après quelques tatonnements de rigueur, le magazine trouve son style, son ton et son public, porté par l'immense succès de la NES qui attire alors tous les regards. Les premiers rédacteurs du journal, Crevette, Matt Murdock, ou Pedro vont faire le bonheur des adeptes du jeu vidéo sur console, en proposant, déjà, articles ciblés et dans l'air du temps, previews et autres tests de rigueur, sanctionnés par les notes exprimées en % qui vont devenir une norme au sein du journal, mais aussi chez les concurrents, pour de nombreuses années. Au-delà de son côté précurseur et la qualité de ses rédacteurs capable de détecter les tendances, l'autre grande force du magazine était le réél effort consenti au niveau esthétique et artistique, chaque couverture étant ornée d'une magnifique illustration faite maison. Ce sont ces même dessins qui ornaient abondamment le magazine pour égayer les différentes rubriques et faisaient de Player One un objet aux contours et au contenu généreux. Après un départ en trombe durant les premières années de son existance, le magazine va pourtant quelque peu rentrer dans le rang, devenir plus sage et plus lisse, se démarquant en cela toujours un peu moins de ses concurrents. Ajoutons à cela un parti pris assez flagrant pour Nintendo, qui certes s'accompagne d'une période dorée pour le géant de Kyoto, ou son aura et son génie créatif est alors à son zénith, mais déséquilibre cependant un peu les débats au sein d'une publication qui se dit généraliste. On retiendra malgré tout beaucoup de choses positives en se remémorant Player One, surtout celui des premières années, qui a motivé bien souvent nos premiers achats sur les consoles d'antan. Et on ne le remerciera jamais assez pour l'audace dont l'équipe à l'origine de sa création à fait preuve, participant à plein à l'essor et la démocratisation du jeu vidéo en France. L'un de mes plus beau souvenirs en guise de conclusion, restera sans doutes au coeur de l'année 1995, cette magnifique soluce de Shining Force 2 en quatre parties tout de même, qui malgré toute l'adoration portée par Player One à l'encontre de Nintendo, ne les a pas fait passer à côté de ce chef d'oeuvre de la Megadrive!    

 

Numéro 1: Joypad entre 1991 et 2011

S'il ne devait en rester qu'un, à mes yeux, cela serait indéniablement Joypad. De sa création fin 1991, jusqu'au début des années 2000, il a été à mes côtés afin de me faire connaitre, et vivre les plus belles expériences vidéoludique de la période. Dès les premiers numéros, le ton est clair, et à l'image de ce que sera Joystick pour les jeux PC, Joypad sera léger, enjoué, et coloré. Mais aussi à la pointe sur les derniers thèmes qui nous intéressent: jeu vidéo, voire même Anime et cinéma. Ils ont plus qu'aucun autre, étés capables de s'adresser à une population de joueurs jeune et passionnée, et ont réussi à saisir, pendant un certain temps tout du moins, l'évolution rapide de ce marché en mutation constante, mais aussi s'adapter aux goûts des joueurs qui, l'âge aidant devenaient de plus en plus exigeants. Les premières années du magazine sont indéniablement les plus belles, et les rédacteurs que sont Julo, Greg, TSR ou Trazom vont durablement marquer de leur empreinte ces premières années d'existance, ponctuées de moments d'anthologie. Quelques exemple en vrac, qui aujourd'hui encore, me font sourire en les évoquant: Le test fort à propos et absolument génial de Greg à l'occasion de la sortie japonaise de Final Fantasy 6, qui compare au passage la bande-son du RPG prodigue à celle d'Actraiser, et indique que cette dernière ressemble je cite "à de l'excrément de génisse en sueur". Comment oublier par ailleurs sa défense toujours sans faille du RPG nippon à la renommée balbutiante en France, lui qui n'hésite pas à nous indiquer, à grands renfort de superlatifs que The Legend of Xanadu ou Emerald Dragon sur PC-Engine CD sont de véritables merveilles. Comment oublier également les nombreux dossiers Dragon Ball Z, qui faisaient écho au véritable phénomène de société qu'était devenu l'anime en France. Et puisque nous en sommes à parler phénomènes de société, que dire des commentaires visionnaires de Gollum et Trazom à propos d'ISS Pro Evolution Soccer, crédité de la note parfaite de 10/10, et qui anticipe le succès retentissant que sera la série sur la génération de consoles suivante. Perdu au milieu de mes annecdotes, il me faut pourtant conclure pour le bien de ce billet, alors pour faire simple, Joypad se voit ici attribué la note de 10/10, ou plutôt de 100%, bravo à lui!

 

Difficile de réaliser ici un classement un tant soit peu objectif, vous l'avez compris, l'affect, les le ressenti, et le vécu, jouant forcément un grand rôle afin d'établir en toute subjectivité ce Top 5. On rentiendra tout de même un point commun à toutes ces productions: La volonté de surfer sur la base d'un média en pleine construction et en recherche de reconnaissance, qui bouscule alors les habitudes familiales. Il en découle un esprit caractéristique d'une époque, ou toutes les folies vidéoludiques étaient à inventer. Ces nouveaux miracles en construction, que les heureux testeurs et chroniqueurs à la barre de ces magazines se faisaient une joie de nous dévoiler en avant première. Témoins privilégiés d'un âge d'or, leur communication et leur enthousiasme étaient clairement contagieux, et bon nombre de joueurs, d'hier, et d'aujourd'hui doivent sans doute beaucoup à ces messagers. A ce titre, je ne peux que vous recommander de vous plonger dans le récent ouvrage Press Start édité par Omaké Books, et qui nous replonge avec délice au sein de cette période unique.

Saluons les une dernière fois en guise de conclusion, avant d'aborder les habituels recalés du classement. A commencer par Mega Force, pendant logique de Super Power, qui s'attardait lui sur les titres édités sur les consoles de Sega. En toute logique un peu moins en vue que son concurrent pro Nintendo, vu le parc de machines moins important distribué par Sega sur la période en France, il n'en demeure pas moins que nous avions à faire ici à un magazine qui s'adressait avec beaucoup de justesse aux joueurs fans de la marque au hérisson. Citons également Banzzaï et Supersonic, deux parutions qui prenaient non pas la forme de magazines mais plutôt de journaux, pour s'étaler sur des pages entières de test qui nous semblaient interminables et foisonnantes de détails délicieux! Enfin je suis obligé de faire une place au premier magazine en France dédié aux RPG: Le bien nommé Gameplay RPG, qui certes arrive un peu après l'apogée de tous les titres cités plus haut, ce qui lui coûte sa place dans ce classement, mais qui, en plus de posséder un style caractéristique incarné par la plume d'un Georges Jay Grouard survolté, est surtout une véritable lettre d'amour à l'attention de tous les amateurs de ce genre résolument à part.

N'hésitez pas à vous remémorer ici vos plus beaux moments en compagnie de ces magazines incroyables, et si vous avez comme moi, quelques trous de mémoire, je ne peux que vous orienter vers le site Internet d'Abandonware qui effectue un travail de conservation de toutes ces reliques du passé absolument prodigieux. Cela se passe par ici!

Et à très vite pour un nouveau Top 5 qui sortira du papier pour se replonger aussitôt dans un nuage de pixels bien sur!