Je n'ai pas souvenir d'avoir joué autant à une démo. Je ne suis pas un joueur de démos. Je n'aime pas ça. Ce sont des jeux amputés et remaquillés pour l'occasion, qui doivent convaincre, façon entretien d'embauche ou speed-dating, jamais très loin du next blasé du joueur à qui on ne la fait pas. Les démos crient « achète-moi ! » quand les images ou les trailers suscitent chez le joueur un « Je te veux ! ». Dans le monde professionnel, c'est la différence entre postuler et être chassé ; dans les relations amoureuses, entre draguer et laisser le charme agir. Une question d'objet et de désir.

Proposer une démo pour The Wonderful 101 avait tout de l'exercice périlleux, en raison de la nature hybride du jeu et de la difficulté qu'ont les joueurs et les journalistes à le décrire et à l'expliquer. Sur ce blog, j'ai écrit un post pour en parler et mis en ligne cette vidéo remarquable par sa qualité didactique.


La démo de The Wonderful 101 ne prendra aucun joueur par la main, pire elle fera fuir en 1 minute chrono les joueurs les moins intéressés, à la base par le jeu. Il ne faut pas 20 secondes pour être assailli par des ennemis nombreux et pour certains aussi véloces et agressifs que les Grace & Glory de Bayonetta. On y ajoute un HUD chargé comme une mule et défiguré sur la gauche par des explications écrites ou schématiques et le joueur pourra très vite croire au traquenard surtout quand ses 20 Wonderful voleront comme des fétus de paille aux quatre coins de l'écran. The Wonderful 101 a tout sauf le sens de l'hospitalité.

Et c'est brouillon alors ?

Au début oui ça pique un peu. Disons le temps de comprendre le chaos dans lequel le jeu a plongé votre écran HD.

En haut à gauche, vous avez votre barre de vie, votre compteur de Wonderful, qui définira la taille et la puissance des armes que vous pourrez matérialiser, et juste en dessous, votre de barre de batterie, qui vous donnera l'énergie suffisante pour créer vos Unite Morph, les transformations du jeu.

Vous contrôlez un seul personnage, le leader, les autres suivent automatiquement derrière. Vous courrez, ils courent, vous sautez, ils sautent.

Le bouton Y permet de courir. B de sauter. X déclenche la Team Attack. A valide les différentes transformations. La gâchette gauche basse permet de bloquer, la gâchette droite basse d'esquiver. Les deux autres gâchettes activent le zoom/dézoom dans certaines situations. L'écran tactile ou le stick droit servent à tracer les formes de vos armes (Unite Morph). Tracer un cercle et vos Wonderful formeront un poing, faîtes une ligne pour l'épée, un angle droit pour le gun...Une transformation se valide avec A et sans forme tracée, cette touche matérialisera votre dernière transformation en date.

La Team Attack est un élément important du jeu. En appuyant sur X, vos Wonderful attaqueront comme un seul homme un adversaire, avec pour effet de recharger votre jauge de batterie et de déclencher une Climb Attack qui étourdira votre adversaire et vous laissera tout le temps de déclencher l'Unite Morph de votre choix sur le stick droit ou l'écran tactile.

Quand vous déclenchez une Unite Morph, avant de la valider avec A, le temps ralentit, à la manière du Witch Time de Bayonetta, et la ligne que vous tracez prend la couleur de l'arme en question (rouge pour le poing, bleu pour l'épée et vert pour le gun - les 3 armes disponibles dans le mode Histoire de la démo). Une pression sur A et l'arme se matérialise. Plus vous aurez de Wonderful, plus votre arme sera grosse : d'un simple gun, vous passerez vite au bazooka version Super Scope.

De l'enfer au paradis

Passées ces premières minutes où le joueur semble perdu au milieu d'Apocalypse Now, TW101 offre un fun indéniable. Le jeu est rapide, frénétique, fluide, porté par une DA qui fera frémir tout amateur de sentai, de super-héros et de robots géants (il faut voir ces mini héros avec leurs blousons coruscants !) et une musique épique collée au cerveau. Pour un jeu d'action, du genre BTA, TW101 est beaucoup plus varié dans son système que Bayonetta, essentiellement centré sur le combat. Il faudra recruter des citoyens en traçant des cercles, actionner des mécanismes grâce aux Unite Morph, éviter un bombardement, se protéger avec un bouclier, créer des échelles... Kamiya a autant pioché dans Viewtiful Joe ou Okami que dans Bayonetta et DMC. Il y a un plaisir presque enfantin à dessiner ses formes et à les voir se matérialiser à l'écran. J'ai pu y jouer jusqu'à 3 joueurs et nous avons passé de longues minutes dans le mode Missions juste à faire apparaitre nos armes et objets, comme des gamins, fascinés par un petit deltaplane en Wonderful !

Tactile ou stick droit ?

Les deux auront leurs supporters. Et sur les 5 armes à disposition (le mode Missions permet de jouer Pink et Yellow), les deux fonctionnent à merveille après un court temps d'adaptation au stick droit. En mode Histoire avec le temps qui ralentit, choisir l'un ou l'autre n'handicapera personne. Par contre, en multijoueur, à moins de squatter le Gamepad, il faudra apprendre à jouer au stick, sur le Wii U Pro Controller ou le Wii Classic Controller.

Je joue principalement au stick droit pour ne pas être trop loin de l'esquive mais certains passages de la démo sont propices au tactile.

Un système de combat agressif

Si TW101 dépasse le simple genre BTA, il reste néanmoins un jeu PlatinumGames et surtout un jeu d'Hideki Kamiya. A savoir un jeu hardcore quand on veut le pousser à fond, un jeu à score quand on veut obtenir les plus hautes notes et un jeu à style quand on veut faire le show. Là où Bayonetta s'imposait comme un jeu passif agressif avec le Witch Time qui ouvrait des fenêtres pour les combos, TW101 est beaucoup plus agressif. L'esquive semble davantage utile en dernier recours et le bloc, très efficace, repousse les ennemis assez loin. On peut bien sûr immédiatement dasher vers l'ennemi étourdi par le bloc mais c'est déjà le signe d'un système agressif où le joueur est poussé à agir plutôt qu'à attendre. Un peu à manière de ce que Vanquish avait fait avec le TPS à cover, ajouter un slide pour faire un jeu de mouvement et d'action et plus du tout un jeu de murets. TW101 encourage, de la même manière, le mouvement et le jeu agressif. Une Team Attack entraînera une Climb Attack et offrira la possibilité de « lever » l'ennemi via l'attaque rising (B et tout de suite A) dont disposent toutes les armes du jeu (du moins les 5 disponibles ici). On sait Kamiya friand de combos aériens depuis DMC, et TW101 offre beaucoup de possibilités dans ce domaine avec switch d'armes et reprise. On peut littéralement faire sortir un ennemi de l'écran par le haut.

Les 5 armes disponibles dans la démo montrent tout le savoir-faire de Platinum et de Kamiya dans la variété et l'équilibre. L'épée est très efficace mais lourde à porter, le gun nettoie l'écran mais fait peu de dégâts, la masse a des coups très lents mais est rapide à déplacer... C'est impressionnant de voir comment Kamiya après 3 jeux d'action arrive encore à surprendre là où Santa Monica n'est pas foutu de créer une seconde bonne arme après les Lames du Chaos (allez ok je fais cadeau des poings de GOW3)  jusqu'à complètement renoncer dans Ascension.

Cette démo dévoile un potentiel vraiment intéressant côté système de combat là où on n'attendait pas forcément TW101. Il faut ajouter les 2 armes principales restantes (les griffes et la bombe), les techniques à acheter ou à débloquer (la démo n'offre que le Stiletto, une charge utilisable au sol et en l'air), les armes des ennemis (le fulguropoing number one !) et encore je ne vous ai même pas parlé des Multi Unite Morph qui permettent de matérialiser, en même temps à l'écran, jusqu'à 4 transformations.  

Les joyaux de la couronne

La démo se révèle d'une richesse assez incroyable. Elle diffère de celle que j'avais pu essayer au Paris Games Week tout en reprenant certains éléments comme le hangar. Il y a énormément de choses à découvrir et de secrets particulièrement bien cachés. On trouve pêle-mêle des statuettes planquées, des dossiers confidentiels, des succès, des missions secrètes, des Wonderful Ones à récupérer dont le déjà célèbre Wonder Bière, des clins d'œil à Nintendo (un tuyau qu'aurait aimé un certain plombier...). On peut même s'essayer au mode Missions jusqu'à 5 joueurs.

A plusieurs c'est encore meilleur ?

Le mode multijoueur est une bonne surprise de cette démo. C'est toujours bon signe quand, après 3 missions, les joueurs se regardent pour se dire « Plus ça aurait pas été de refus ». Basique dans son concept (des vagues d'ennemis à éliminer), le mode Missions mêle coopératif et compétitif. La barre de vie est commune à tous les joueurs mais le nombre de Wonderful pour matérialiser les armes est propre à chacun. Il faudra donc recruter plus vite que le voisin pour espérer engranger les citoyens et faire le plus de dégâts et de points possibles. La médaille finale est commune mais chaque joueur aura son score. Les meilleurs joueurs auront à la fois leur satisfaction personnelle et œuvreront pour le collectif.

Même à 3 joueurs à l'écran (chacun sa couleur), le jeu reste fluide et rapide. Le résultat passera pour chaotique mais indubitablement fun surtout que la variété des ennemis oblige à des stratégies différentes.

Verdict

On aurait tort de considérer The Wonderful 101 comme un petit jeu, bon pour patienter en ces temps de disette sur Wii U ou en attendant Bayonetta 2. Après plus de 8 heures passées sur la démo, The Wonderful 101 met une claque à tout amateur de BTA et de jeu d'action, au point même de faire germer dans mon esprit l'idée qu'il s'agit du meilleur PlatinumGames. On attendra de voir l'équilibre général du jeu, de jauger de la variété des situations et de la pertinence de l'utilisation du Gamepad mais le système de jeu convainc totalement et dévoile même un formidable potentiel, un jeu fun et profond où la replay value ne sera pas sacrifiée sur l'autel d'un premier run qu'on annonce pourtant entre 15h et 20h. Le 23 août en Europe et au Japon et le 15 septembre aux US, un jeu résistera à l'envahisseur, au cataclysme que Rockstar s'apprête à déclencher sur la planète JV.

They can do it...They can do it...
'Cause they're Super Sisters and Bros!
THE WON-STOPPABLE, WONDERFUL, WONDERFUL ONE-DOUBLE-OH!