On le sait, l'argent n'a pas d'odeur. Mais à notre époque il n'a même plus de consistance. Depuis le début de cette phrase, des millions de dollars ont été créés par simple spéculation et ont disparu aussitôt dans les abîmes des échanges de Wall Street et des autres places financières. Une véritable révolution, comparé à l'époque des pièces sonnantes et trébuchantes de nos ancêtres. Une révolution que l'on peut regrouper sous un simple terme : le dématérialisé. C'est l'essence de notre époque à venir et qui nous concernera de plus en plus. Il y a eu la musique, puis les films, puis les jeux. Maintenant, on commence à comprendre que les seuls biens matériels qu'il nous faudra seront les composants des imprimantes 3D. Afin de créer tout bien physique, et pourquoi pas, de la nourriture un jour ?

Mais avant même cela, le jeu vidéo semble en passe d'apporter autre chose. Jusqu'à présent en effet, il n'y avait qu'une transposition de biens qui existaient déjà de façon matérielle (un CD, un DVD, tout cela se trouve en données numériques aussi bien qu'en version boîte) vers les consoles ou les jeux. En tant que "bonus". Mais depuis peu, les jeux vidéos ouvrent une nouvelle voie : créer du contenu exclusivement numérique, et les mettre sur le marché. Et ainsi être financé par du pur virtuel ?

 

Les DLC - Dévaliser Les Clients  ou Développer Les Contenus ?

 

 

Tout le monde connait les mal-aimés DLC (pour Downloadable Content). Souvent accusés d'être des bouts de jeux présents sur le CD, mais vendu en dehors pour rapporter plus de profit. Et c'est sans doute vrai pour certains jeux (cf Catwoman de Batman Arkham City, à sa sortie).

Mais, et si nous faisions en fait l'erreur de rester dans une vieille mentalité ? Il faut sortir de l'idée des jeux en boîte, vendu sur CD. N'en déplaise aux puristes, cette époque est révolue et est dans un déclin impossible à remonter. Désormais les contenus sont virtuels. De ce fait on passe de l'esprit du jeu à 100% fini en version boîte à une nouvelle mentalité : le jeu jamais finalisé, toujours à 90%, avec 10% en construction, en patch, ou en DLC. D'où l'apparition de ces fameux "bonus" : des Skins (qui modifient l'apparence des personnages), ou bien des maps supplémentaires, et désormais carrément des missions en plus (cf Deus Ex : Human Link).

    On assiste chez les DLC à une dérive. On passe du jeu fini à sa sortie en boîte,
     à un jeu jamais terminé, toujours "potentiellement" améliorable. Dès lors, à       quoi bon payer pour le jeu à sa sortie ?...

 

Le triomphe du free-to-play : League of Legend et les mobiles

 

Il y a encore quelques années personne n'imaginait le système du F2P, le "Free-to-play". Du moins on Occident, car en Asie les MMO F2P rencontrent un beau succès. Mais chez nous il fallut attendre l'arrivée de League of Legends et des jeux mobiles. 
Le système est simple : on propose un jeu totalement numérisé (aucune version boîte) et en libre accès. Et là le jeu propose d'acheter du contenu supplémentaire. Un peu plus de boost en expérience, histoire de gagner du temps. Ou bien un skin pour rendre son personnage plus attirant. Ou encore un accès privé à certaines parties du jeu... Bref, cette fois,  tout le jeu est pensé pour son marché virtuel. Il ne faut pas se leurrer, les concepteurs des célèbres Candy Crush ou Plant vs Zombie savent ce qu'ils font. Il suffit qu'un certain pourcentage, par exemple 5 joueurs sur 100, achètent régulièrement du contenu pour être bénéficiaire.

 

C'est si... tentant non ? Autant de temps gagné...

 

Cela va au-delà du DLC, car ici le jeu repose sur son marché virtuel. Cela n'est plus un "bonus" pour les créateurs du jeu, c'est l'objectif premier. Pour la première fois on ne crée pas un contenu "physique". On peut penser que la différence est mineure, elle ne l'est pas. 

L'Homme a toujours vendu des contenus physiques, mais dans les jeux on vend du virtuel, soit de l'inexistant. 

C'est un peu comme si au lieu de vendre le charbon d'une mine, on vendait son odeur. Cela ne pèse rien, n'a pas de consistance, mais ça se vend et donc on se met à l'exploiter. 

 

Steam Market et autres Blizzard Store

La prochaine étape est déjà en marche, avec les vrais marchés virtuels.

Il y eut tout d'abord, de sinistre mémoire pour les fans de Diablo 2, l'hôtel des ventes de Diablo III. Le but était de détruire le marché noir qui aurait de toute façon régné sur le jeu. Mais l'avancée faite dans le sens des marchés virtuels était importante : cette fois on vendait des armes et de l'équipement. Soit, plus un "free to play", mais du "pay to win". Bien moins aimé des joueurs, l'hôtel des ventes va fermer ses portes d'ici quelques mois. 

Bientôt la fin de l'hôtel des ventes... Une bonne nouvelle ?

Mais Blizzard a tout de même mieux réussi sur ses autres supports. En effet du côté de World of Warcraft, on note la présence du Blizzard Store. Qui vend ici des ajouts purement cosmétiques (comme des casques pour Wow), ou des montures, ou des mascottes... Bref du bonus dans la lignée des DLC. Idem pour Hearthstone, le jeu de carte bientôt en Open Beta, qui propose d'acheter des paquets pour une somme modique. Sans aucune obligation autre que gagner du temps, pas de soucis donc.

La boutique de Hearthstone s'approche plus de l'approche des DLC ou de LoL, du contenu Bonus.

 Enfin, on notera le dernire exemple en date, et sans doute le plus en avance sur ce que va devenir le marché du jeu vidéo, avec le Marché Steam, ou Steam Market.

 

Ici, c'est le festival et les profiteurs sont les producteurs mais aussi et surtout les joueurs. C'est bien simple, on peut vendre à peu près tout et n'importe quoi, sans pour autant que le plaisir de jeu en soi dégradé. Par exemple avec CS GO, le dernier Counter StrikeDepuis qu'une mise à jour a apporté au jeu des skins différents pour les armes, le marché est envahi de ces différents modéles. Cela ne sert à rien d'autre qu'à se la ramener, mais ça marche ! Certes la plupart sont vendues à quelques centimes, mais certaines semblent prêts à y mettre le prix fort...

 

 Hallucinant, non ? Si seulement j'en lootais une...

 

Avenir sans support, mais avec du ressort

Le jeu vidéo est un média fascinant. Souvent décrié, il représente pourtant le miroir parfait de ce que sera notre société de demain. Le dématérialisé qui se développe ici de manière exponentielle n'est que l'indice de ce qui nous attend : la disparition des jeux en boîte d'abord, le renouveau du jeu vidéo ensuite. Fini les jeux construits d'un bloc. Chacun pourra peut-être personnaliser son expérience, et donc son achat. Et si je voulais juste faire le solo de Battlefield 4 ? (ok drôle d'idée). Et si je veux, pourquoi ne pas faire l'inverse et prendre tout le contenu de mon jeu favori, avec tous les personnages jouables ? Et si, et si ? ...

Vous l'avez compris, avec l'apparition de ces financements par le biais des marchés virtuels, le jeu vidéo va vers plus de morcellement, mais également, plus de contenu. A nous de les orienter vers la qualité plutôt que la quantité.