Le sujet est sensible, casse-gueule, polémique. Pour la plupart d'entre eux, les articles consacrés nourrissent une réflexion tout sauf saine sur les préparatifs next gen de Nintendo. Avec le même aplomb clinique que les divers écrits techniques qui participent pas à pas à sa réputation de site intègre, Digital Foundry tente une synthèse des spéculations grouillant autour du successeur de la Wii U. Et comme pour écarter l'impression que DF cède lui aussi à la facilité, il annonce tout de go en préambule de son analyse :
 
« Il y a environ 18 mois, lors d'une conversation informelle avec une personne particulièrement bien placée dans le secteur de la fabrication de matériel, une petite bombe est tombée au hasard de notre entretien; Nintendo réceptionne d'ores et déjà les propositions des équipementiers [...] AMD et Imagination Technologies sont en lice ».
 
DF veut croire à la forte déception commerciale que représente la Wii U pour expliciter l'amorce des grandes manoeuvres lancée par l'ex numéro un mondial. Des indices objectifs existent et viennent conforter cette hypothèse. La récente décision de restructurer l'ensemble de son pôle R&D sur l'autel de la mise au point d'un logiciel commun aux deux consoles (portable et salon) d'ordinaire gérées par deux sections aux prérogatives spécifiques porte à ce titre un éclairage saisissant sur les ambitions du constructeur. Désormais, le développement des deux plates-formes est orchestré par un seul département piloté par Genyo Takeda, l'un des principaux artisans de la Wii. C'est en effet sous son impulsion qu'est né le refus de céder à la course à l'armement technologique au profit d'une console au concept affirmé.
 
À présent, un délicat challenge s'impose à lui, mais questionne plus largement l'avenir du fabricant. Poursuivre en parallèle le développement des deux formats, dresser des passerelles entre elles voire de les fusionner. « Auparavant, nos consoles de poche et de salon étaient élaborées séparément selon les exigences technologiques propres à chacune d'elles [...] (Elles) différaient grandement, conduisant à imaginer des architectures radicalement opposées avec pour conséquence l'élaboration de logiciels de développement divergeant » témoignait le PDG de Nintendo lors d'une session Q&R consacrée à la gestion de l'entreprise tenue au mois de mars 2014. Mais avec le concours du progrès technique, « il est devenu possible de parvenir à un certain degré d'intégration architecturale » jure le dirigeant, précipitant la décision de « fusionner nos deux équipes R&D ».
 
La production concomitante et éclatante de Super Smash Bros. sur le couple WiiU/3DS fait en apparence mentir le président sur les difficultés actuellement posées par cette organisation de travail. D'après Digital Foundry, ce titre possède « autant de différences que de similitudes », trahissant un processus de développement relativement dissocié l'un de l'autre. Tandis qu'un Mario Kart 7 sur 3DS partage une philosophie de travail commune avec le volet Wii U. Démonstration faite, le site s'attend à ce que Nintendo poursuive la création de titres adaptés à chaque machine, mais cette fois depuis un socle architectural analogue. Avec pour objectif primordial : « Il aidera à résoudre le problème de pénurie de jeux lors des phases de lancement », assure Iwata.
 
 
Bien que diabolisé par le fabricant, le marché iOS/Android est source d'inspiration. La frénésie hardware d'Apple ne gène en rien ou si peu les créateurs de jeux, car « il existe un moyen de programmation semblable à toutes ses plates-formes [...] appelées iOS » glisse le haut dirigeant. Identique fonctionnement vertueux pour le concurrent Android, la conclusion pour Satoru Iwata est donc claire comme de l'eau de roche, « en définitive, le fonctionnement de nos consoles devrait se conformer à cette perspective ». Cette flexibilité recherchée donnerait davantage de gages aux créateurs de jeux vidéo. Contrairement au segment iOS/Android, les machines de Nintendo offrent un environnement technologique plus stable que le tandem smartphone/tablette. Le fabricant proposera ainsi une large gamme de niveaux de puissance aux éditeurs (format de poche, de salon...) sans qu'ils aient la crainte d'être bousculés par les incessantes et pas toujours justifiées mises à jour annuelles des appareils.
 
D'autant que le contexte technologique s'y prête beaucoup. Le fondeur Nvidia a pensé la technologie Maxwell comme une architecture mobile avant de procéder à une mise à l'échelle technique pour les besoins des PC haut de gamme, très demandeurs en carte graphique puissante. Cette évolutivité est source d'opportunité pour le constructeur, elle consolide sa stratégie de synergie. Un prérequis indispensable toutefois s'impose au constructeur. Nintendo doit mettre un terme à sa politique de développement hardware jugée passéiste par la majorité silencieuse des éditeurs et studios de création. Les récentes déclarations d'Iwata sur la future rétrocompatibilité de la prochaine console de salon du fabricant japonais laissent supposer un abandon pur et simple de cette stratégie-système fondée sur la neutralité technologique.
 
Les premiers signes de cette petite révolution interne sont envoyés dans les médias à l'adresse de ses partenaires éditoriaux et techniques. Le PDG de la firme de Kyoto ne cache pas le problème cornélien que pose l'architecture exotique de la Wii U : « Nous ne reproduirons pas la même structure que la Wii U, cependant nous allons créer un dispositif capable d'assimiler notre console actuelle. » Difficile d'imaginer comment alors qu'AMD a délaissé cette conception technique (CPU multicoeurs et GPU séparé) depuis de nombreuses années. Le haut responsable de Nintendo reconnaît lui-même qu'une approche comparable serait contre-productive compte tenu des avancées considérables réalisées dans ce domaine.
 
Les outils de développement mis à disposition par Nintendo gagneraient eux aussi à se moderniser. « Horrible, maladroit, pas à jour et très lent », des propos assassins rapportés par Digital Foundry et recueillis auprès d'un programmeur chevronné. « Même la configuration asymétrique des puces est étrange [...] avec un CPU de puissance faible couplé à un GPU assez véloce », ajoute-t-il désabusé.
 
 
AMD et Nvidia sont donc en mesure de fournir les dispositifs nécessaires à l'optique intégrée vantée par l'homme fort de Nintendo. La technologie PS4/X1 est disponible à moindre échelle grâce à la puce Mullins produite par AMD tandis que Nvidia, candidate malheureuse à l'équipement en GPU de la 3DS, dispose des mêmes atouts technologiques uniformes. Cette option ne signifie pas pour autant une normalisation technologique de Nintendo, sa lecture de l'expansion technique restera campée « à quelque chose de secondaire, ce n'est pas seulement la puissance de calcul qui est importante, c'est la manière dont la technologie peut contribuer à l'accessibilité du divertissement pour l'utilisateur » explique Genyo Takeda. C'est donc une combinaison de technologies qui définit une console Nintendo, pas ses prétentions graphiques.
 
Une structure architecturale et logicielle à plusieurs niveaux échelonnables entre les différentes consoles (Wiiu2/3DS2) et dispositifs interactifs (Quality of Life) du fabricant l'éloignerait des errements stratégiques actuels. Un alignement technologique mettrait également fin à la conception folklorique du hardware sur lequel se heurtent et se découragent beaucoup de développeurs. La Wii U propulse Nintendo dans le monde de la haute définition. Sa prochaine plate-forme intégrée devra avec cet acquis, accélérer la complémentarité de ses jeux.
 
par Nintenboy