Qu'est-ce qu'un jeu vidéo ? Ce débat sans fin qui n'a ni queue ni tête. Vous savez quoi ? J'aime les défis donc je vous propose une réponse qui ne va nul part, n'apporte aucun éclaircissement définitif. Ça n'aura ni valeur théorique ou scientifique, ni valeur universaliste. Ça sera juste moi vous expliquant ce que j'en pense et qui n'a pas plus de valeur que ce que vous en pensez (sauf si vous êtes l'un des crétins finis qui ont commenté mon Flop 10 sur facebook auquel cas je vous enjoins à quitter les lieux sans délais avant que j'appelle la sécurité...allez on se bouge là, c'est pas pour vous ce blog. Tu crois que je t'ai pas vu toi à te cacher derrière ? SÉCURITÉ!!!).

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Le débat revient souvent quand on parle de la propension qu'a Quantic Dream à amener beaucoup d'influence cinématographique, voire beaucoup de code narratifs propres au cinéma dans leurs jeux. Certains se demandent encore si Heavy Rain ou Beyond c'est du jeu vidéo ou pas. Je passerais sur le fait qu'on oublie systématiquement Fahrenheit qui est peu ou prou la même chose que Heavy Rain mais avec moins de paillettes. Et bien sûr je passerais sur Beyond : Two Souls auquel je n'ai pas joué et dont je me garderais bien d'avoir un jugement trop hâtif. Je pense que la cible choisie pour poser la question n'est pas vraiment la bonne. À mon sens, certains titres comme Proteus ou Dear Esther mérite beaucoup plus qu'on s'intéresse à eux quand on se pose la question des limites du jeu vidéo. Ce que j'en pense, c'est qu'il y a en gros deux façons de voir la chose.

 

1 - Ceci n'est pas du jeu vidéo.

La première chose consisterait à exclure des titres comme Proteus ou Dear Esther et pourquoi pas Beyond, si l'interaction y est vraiment limitée. Pourquoi ? Parce qu'on peut considérer à l'instar du cinéma qu'il y a le cinéma et l'art vidéo séparé du cinéma. Ce serait une vision exclusive qui ne me semble pas particulièrement mauvaise en elle-même. Dans Dear Esther, il n'y a pas vraiment d'interaction au sens où on l'entend habituellement (je vais y revenir). On avance et c'est un peu comme une randonnée avec de temps à autre un narrateur qui s'exprime pour nous parler de je ne sais quoi (ma sauvegarde a buggé je dois recommencer au début...). Dans le même genre, Proteus lui propose de la génération aléatoire à la fois de l'environnement physique (là on progresse le joueur) et de l'environnement sonore ; de la même manière, à part bouger, on ne peut rien faire. On pourrait donc prendre ces deux titres (ou d'autre) comme des non-jeux, des expériences interactives qui ne se servent du joueur que pour déclencher des triggers ou des systèmes de création aléatoire. Ça a déjà été fait dans l'art vidéo. Je ne me souviens plus dans quel contexte, mais je me souviens clairement lors d'une exposition avoir appuyé sur des boutons reliés à un écran qui formait alors des couleurs variables en fonction de mes inputs. Je ne me suis pas dit sur le moment « tiens c'est du jeu vidéo ».

Je pense que cette première vision est catalysée par quelque chose de particulier qui est tout simplement la volonté du joueur. En gros, ce qui sépare Proteus et Dear Esther et certaines séquences de Heavy Rain ou Fahrenheit d'autres titres ''limités'' sur la quantité d'interaction que le joueur peut y mettre, comme le récent Gone Home, c'est que le joueur ne sait pas ce qu'il va faire quand il fait ce qu'il fait. Quand dans une bagarre de Heavy Rain je fais un quart de cercle avec le joysick puis je presse le bouton triangle, je ne sais pas ce qui va se passer : tout au plus, je sais que je vais éviter le pire. En revanche quand dans une séquence de poursuite, on me demande clairement de tourner à gauche ou à droite, je sais que le résultat de mon input sera que le personnage va tourner à gauche ou à droite. Dans Dear Esther, je ne sais jamais à quel moment je vais déclencher quelle séquence narrative. Dans Proteus, je ne sais jamais ce que le jeu va jouer en fonction de où je vais et quel monde il a créé. Bref, je n'ai pas le contrôle absolu, ou je n'ai pas la sensation que c'est par ma volonté que le jeu produit ce que je vois à l'écran.

 

2 - Ceci n'est pas une pipe. Ceci est du jeu vidéo.

L'autre façon de voir le jeu vidéo serait donc inclusive avec comme connexion entre tous les jeux vidéo (y compris l'exposition que j'ai décrite plus haut) l'interaction. À partir du moment où quelqu'un a codé une machine de manière à ce qu'une télévision ou un écran quelconque puisse afficher une image qui réagit au input du joueur, c'est un jeu vidéo. Dear Esther ne donne pas son récit (sauf la toute première phrase) si le joueur ne fait aucun input. Si on avance pas, le narrateur ferme juste sa mouille et il ne se passe rien. Le jeu est donc influencé, même sans l'interaction directe, consentie ou voulue de la part du joueur. Il y a interaction, c'est un jeu vidéo. Du coup, pratiquement tout même Photoshop pourrait être du jeu vidéo.

 

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Alors le problème de cette manière de catégoriser, c'est que même en prenant en compte plutôt la volonté imprimé par le joueur comme facteur décisif ou non, il reste que le nom ''jeu vidéo'' recèle diverses définitions et que c'est un débat qui va bien au-delà du jeu vidéo, mais regroupe le jeu d'une manière générale. Le jeu de rôle mis en place dans une reconstitution de bataille par exemple ; c'est du jeu ou pas ? On sais déjà qui va gagner, mais le divertissement est présent et il y a un but sous-entendu, celui d'être le plus convaincant, le plus proche de la réalité recréée. Pour ma part, le jeu vidéo est précisément là. Si c'est divertissant et qu'il y a interaction, c'est du jeu vidéo. Si je n'ais pas la sensation que j'apporte quelque chose au jeu par mes inputs, ça n'est pas du bon jeu vidéo, ou plutôt ça n'est pas le jeu vidéo que j'aime. Je n'ai rien a priori contre Dear Esther ou Protheus et pour être honnête au delà du fait que je vous balance une narration sans queue ni tête avec mes Chère Esther, j'apprécie pas mal la randonnée qu'est le titre. Seulement je suis au Canada et des vraie randonnée j'en fais. Si j'ai envie qu'un vieux britannique me raconte sa vie pendant que je marche avec du vent dans tronche, j'irais en Écosse. Toujours est-il que je me place donc plutôt dans la seconde catégorie. Et pourtant je fais une nette différence entre Cinéma et Art Vidéo...comme quoi on est jamais à une contradiction près.

(pour finir sur une douceur visuelle, une petite image de Screenshot Simulator 2012)