Cher Esther,

Prononcer ton nom ne fait que ramener à ma mémoire cette petite fille de cinéma que ses parents adoptifs auraient mieux fait de noyer dans l'eau qui m'entourre ou d'abandonner à son triste sort sur cette île vierge de toute compagnie depuis une éternité. Si je t'écris depuis mon PC, c'est parce que je suis venu tester le wifi qui a su étendre son réseau par delà ces eaux. Les nouvelles ne sont guère bonnes ; mon bateau a rendu l'âme. Non pas que cette barque eut été un jour un fier vaisseau, j'ai cependant bien peur de ne pouvoir revenir. Où ? Qu'en sais-je? Je ne suis qu'au début de cette randonnée. Marchons-un peu si tu le veux bien. Il n'y a plus que cela à faire.

   

   

 

Cher Esther,

Le sable est meuble et friable et si je trouve moyen de ne faire que des lapalissades, c'est parce que la solitude déjà me gagne. J'ai marché une poignée de minutes jusqu'à trouver une embouchure. Me mouillant de la tête au pied, je ne suis pas parvenu à passer de l'autre côté. Vexé comme un putois, j'ai donc rebroussé chemin jusqu'à retrouver les quelques marches que j'avais abandonné à leur sort quelques minutes auparavant. Pas plus rancunière que cela, elles me laissèrent les fouler sans geindre ; ceci étant dit, a-t-on déjà vu une marche se plaindre d'être foulée. Les chevilles se plaignent d'être foulée, mais les marches...qui fera la démarche de plaindre les marches. La vue est splendide si tu savais. Tu le sais probablement à vrai dire, puisque je ponctue mes phrases de photographies. Pour une raison qui m'est inconnue, je ne parviens à redresser mon appareil pour obtenir des clichés au format portrait. Un portrait de paysage m'aurait pourtant semblé plus romantique qu'un paysage de paysage pour le moins redondant.

   

 

Chère Esther,

Je viens de me rendre compte que j'ai sous-entendu par une grossière faute d'orthographe que ton sexe n'était pas l'opposé du mien...qui est un pénis. En parlant de pénis, j'entrevois une péninsule où s'est échoué un bateau. La mélancolie me gagne, ce qui est somme toute moins déprimant que la méchante colique. Et si je me sens soudainement si poète, c'est que le vent souffle trop fort dans mes oreilles pour que je puisse entendre mes propres âneries. Camion disait-on ? Poète, poète. Effectivement, je parle tout en écrivant. J'écris tout en parlant. Je marche tout en faisant les deux et je tombe parce que je ne regarde pas où je vais.