Le 12 février 1809, le Comté de Hardin dans le Kentucky voyait la naissance de celui qui allait être le 16ème président des État-Unis. Abraham Lincoln restera dans l'histoire pour sa prise de position dans la Guerre de Sécession qui aura lieu sous son mandat. Lorsqu'il sort victorieux sous le drapeau de l'Union, il ajoute à la Constitution Américaine le 13ème amendement qui malgré son rang ne portera pas malheur. On se souviendra donc essentiellement de lui comme de l'homme qui a fait abolir l'esclavage aux États-Unis d'Amérique avec un superbe collier de barbe que Robert Hue ne renierait pas. Plus récemment, il a été remis sur le devant de la scène pour ses exploits cachés auprès des forces obscurs. Armé d'une hache forgée d'argent et entraîné par un croisement entre Hugh Jackman et un chanteur de comédie musicale française, on a découvert les talents de Abe dans le domaine de la chasse aux vampires dans le sus-nommé Abraham Lincoln : Chasseur de Vampires. Certains auront ri de la qualité du film, de l'idée même qu'il existe, au même titre qu'on l'on esquissera un rictus devant l'affiche de Cowboy & Alien. Pourtant à y regarder, cette transposition du personnage historique dans un univers loufoque réinterprétant l'Histoire est un bon divertissement, avec quelques séquences d'action joliment mises en scène.

Que vous connaissiez Lincoln à travers la réalité où les milles réinterprétations fictionnelles qui ont pu être faites sur sa personne (Bioshock Infinite récemment) vous connaissez sans doute Abraham Lincoln. Enfin vous croyez le connaître. Car dans un monde hollywoodien où l'originalité prend la forme du dirigeant de la plus grosse puissance mondiale se frittant contre des entités sataniques, il existe le doppelgänger. Si vous n'avez pas appréciez Abraham Lincoln : Chasseur de Vampire avec une hache, attendez de voir Abraham Lincoln : Tueur de Zombies avec une faux...

Comme tout prodige de contrefaçon cinématographique de cette envergure, l'œuvre dont je vais vous proposer la critique ici est issue de l'asile des génies mentaux : The Asylum. Si vous n'êtes pas amateurs de films tragiquement drôles, ou drôlement tragiques, que vous voulez vous y mettre en douceur, je vous déconseille fortement de commencer par les Weng-Weng et autres demake turcs de vos films préférés de Spielberg un peu trop âpre pour les novices. En revanche, je vous propose de plonger dans la folie des « films que vous connaissez mais en différents » que nous propose donc The Asylum.

Pure genius!

Cette boîte américaine, créée en 1997 dans le seul but de faire de la thune avec des DVD de mockbuster dans les supermarchés, s'est élevée au fil des années comme la référence absolue de la copie filmique de qualité douteuse pour le cinéphile, mais brillante pour le nanardeur ; une sorte de Gameloft du cinéma. On retrouvera ainsi produit par cette boîte les grands The DaVinci Treasure, Transmorphers (sorti avant Tranformers...bel exploit), 2012 Ice Age, Alien VS Hunter ou encore, celui dont je vous parle immédiatement Abraham Lincoln : Tueur de Zombies.

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Alors qu'il rentre chez lui en courant, le tout jeune Abe Lincoln découvre au premier étage de sa petite maison en bois son père qui vient de se suicider. Enfin pas tout à fait, puisque de tout évidence, rempli d'émotion, l'homme n'a réussi qu'à se faire mal à la joue, ce qui ne l'empêche de saigner abondamment par voie buccale ; une première séquence d'un réalisme à couper le souffle qui va donc jusque dans le détail de nous rappeler qu'au 19ème siècle, la dentisterie n'est pas très répandue et qu'un abcès peut vite tourner au cauchemar.

Mais bref passons. Si l'homme a mis fin à ses jours, c'est parce que sa femme est de toute évidence très malade, voire morte, voire morte-vivante. Et comme l'homme, de son aveu même n'a pas eu le courage de mettre fin à ses jours (à sa femme, parce qu'à lui ça va pas de souci) il demande à son fils de 12 ans de le faire à sa place. Une confiance paternelle touchante.

Ce traumatisme d'enfance, s'il en est, donnera la force à Abraham Lincoln d'accomplir sa destinée et de devenir Président des États-Unis et c'est à ce poste qu'on le retrouve après une title card tellement folle que même toi avec windows movie maker tu fais pas cent fois mieux. Après une démonstration d'épisme total et des séquences de bastons qui ont sûrement été faite main avec des dizaines de figurants (ou voler dans des réunions d'amateurs de reproductions de séquences historiques) on est dans le bain pour comprendre les enjeux dramatiques de l'histoire : Abe est président et c'est la Guerre de Sécession qui ne cesse de ne pas cesser. Abraham discute avec une dame (oui je ne sais pas qui c'est) d'un discours qu'il doit donner et immédiatement, un haricot rouge coller sur son visage nous indique ses préférences culinaires.

Mais ce qui nous importe ici, c'est de comprendre l'éloquence dont va faire preuve Abraham durant tout le film. Car la réalisation de Richard Schenkman (quoi ?! vous ne connaissez pas Richard Schenkman!) tient d'abord la saveur unique à son scénario et au charisme de Lincoln. Au cours du film, on aura cinq plans ingénieusement élaborés par le président, tous qui se solderont par un échec, mais jamais vraiment par sa faute. Si seulement les IAs de ses alliés étaient mieux programmées. Nous auront également une petite dizaines de demandes diverses et variées qui se solderont également par des échecs, mais ce qui compte dans le débat, ça n'est pas de convaincre.

Quoi qu'il en soit, notre président est président et doit faire face à la guerre. Mais je n'ai toujours pas parlé des zombies qui sont dans le titre. En fait, le seul mec qui est revenu de la bataille désastreuse, c'est un soldat qui est zombifié, mais pas tout à fait. Après un splendide plan sur Washington DC, on se téléporte vers un hôpital où se trouve le bougre. Le spectateur comme Lincoln sait qu'il s'agit d'un zombie puisque le film nous a ingénieusement préparé à en voir plus tôt avec la poignante scène de meurtre de la mère de Aby. Quand le soldat laisse place au monstre mangeur de chaire, seul le président sait quoi faire et sort sa faux de sa manche trop courte pour une leçon de swing dans gueule.

Les gens pardonnent tout sauf la beauté et le talent.

À partir de là, le film va partir dans la mission sauvetage/enquête. On se dirige vers un fort avec une équipe bad'ass qui n'est pas sans rappeler Inglorious Basterds bien sûr. Composée d'hommes charismatiques et compétents (plus con que pétant ceci dit) on aura le droit à un plan qui ne se déroule pas sans accroc. Je le disais plus haut, Abe est prompt à faire des plans qui se soldent par des défaites lourdes, sans doute à cause de son équipe ; personne ne remettra en cause ses idées tactiques :

Plan #1 : Prendre le Fort Pulaski avec une petite équipe bien sapée (et un black qui s'appelle Monsieur Brown) et sécuriser la zone. Résultat : 

 

Plan #2 : Trouver un télégraphe pour demander de l'aide. Résultat :

 

Plan #3 : Trouver des armes silencieuses pour tuer tous les zombies sans rameuter la moitié de l'État. Résultat :

 

Plan #4 : Nettoyer la zone de l'infestation zombies. Résultat :

 

 

Plan #5 : Puisque tout a foiré, on fait exploser ce fort à la con. Résultat :

 

TOTAUX FINAUX:

Je ne vous dévoilerais pas l'ensemble de l'intrigue, à la fois passionnante et imprévisible. Les trahisons, les morts inattendues, les répliques cultes (« Oh mon AMOUR ! Tu m'as contaminé !!! ») ou les combats chorégraphiés par le cascadeur de Derrick. Non ça, je vous le laisse, c'est cadeau. Par contre, je suis obligé de parler de la réalisation aux petits oignons (spécial cacedédi à Pedrof).

 

Pour commencer, on peut s'attarder sur l'aspect photographique de l'ensemble. À la scène introduisant Abounet et la violente mort de son père d'une infection buccale, puis de sa mère par la faux de son fils (image somme toute explicite de la faux de la Mort elle-même et de l'œdipe mêlés) on remarque que l'image est quelque peu désaturée ; normal me dira-t-on, c'est un flashback et les flashback, c'est toujours en sépia-color. Par la suite, on remarque qu'en fait tout le film est comme ça ; c'est normal, c'est au 19ème siècle donc c'est un flashback par rapport à nous, donc c'est en sepia-color.

Mais plus que le directeur de la photographie sous l'influence d'une forte dose d'alcool, c'est le cameraman qui est ici à signaler. Contrairement aux productions actuelles, celui-ci nous évite les effets parkinsonien d'un Tranformers 2. Ici, la stabilité règne sans partage et les plans sont droits et juste. Les découpages des têtes parfaits. Je vous propose d'ailleurs le top 5 des plus beaux plans du film (non retouchés) :

Bien sûr, on ne doutera pas que le réalisateur est à l'origine de ces plans époustouflants. D'ailleurs, autre prouesse, la capacité d'intégration de personnages qui ne servent à rien dans toutes les scènes du film pratiquement sans exception. Allez, puisque c'est vous, un autre Top 5 cette fois-ci dédié aux mecs qui servent à rien et qui se font chier dans le décor :

 

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Ces tics de conception sont sans doute ce qui donnent ce goût si particulier à l'ensemble du chef-d'œuvre de Richard Schenkman. On trouvera nombre de fictions reprenant le tragique et légendaire destin de cet homme, de sa naissance à son assassinat de la main de John Wilkes Booth. Croyez moi cependant, aucune n'arrive à rendre hommage comme il se doit à ce héros américain comme Abraham Lincoln Tueur de Zombies parvient à le faire. Vive le cinéma et vive l'Amérique!