3 jours que je galère à mettre l'idée au clair...je poste quand même la réflexion on sait jamais que ça en intéresse certains.

Maintenant que j'ai attiré tous les hardcore détesteurs des DLC, jeux en kits, DRM, battlelog of duty, jeux qui sortent tous les ans et autres Kotickeries, je peux annoncer que non, je ne vais pas ressortir la classique mais justifiée complainte sur le fait qu'on nous prend de plus en plus pour des vaches à lait. Je voulais juste parler d'un aspect dans les jeux vidéos que je trouve très souvent raté et qui en ce qui me concerne à tendance soit dans le meilleur des cas à me faire dire « dommage » soit à carrément me tuer une partie du plaisir de jouer et de progresser.

Notre monde capitaliste nous a habitué à courir après une denrée rare, l'argent, souvent au détriment d'une autre denrée encore plus rare, le temps. Notre passion vidéoludique étant à l'instar d'autres médias un reflet de notre société, il n'est pas étonnant dès lors de constater que l'une des carottes favorites des développeurs de jeux vidéos soit l'argent. Les Gils, Rubis, Dollars, Septims, Crédits...quelque soit le nom donné à la monnaie locale, c'est une motivation comme une autre pour accomplir une mission ou quête.

Seulement si l'idée est loin d'être idiote ou saugrenue (je veux dire ça marche dans la vraie vie, alors pourquoi pas?) j'ai l'impression que les développeurs oublient la plupart du temps une chose...il n'y a pas autant de choses à payer dans les jeux que dans la réalité; question de contenu. Dès lors je me vois très régulièrement blasé de gagner très bien ma vie vidéoludique, car je ne peux rien faire avec ce que je possède. Comme me concernant, le plaisir d'avoir de l'argent ne vient pas...du plaisir d'AVOIR de l'argent, mais bien de le dépenser, je crois pouvoir affirmer que pratiquement aucun jeu n'a réussi à trouver un équilibre correct qui me satisfasse. Tantôt on est tellement pauvre que s'en est affligeant et frustrant, tantôt on est tellement riche que l'intérêt pécuniaire des quêtes ou missions s'en voient tout simplement effacé. Je vais prendre quelques exemples pour illustrer mon propos.

La première fois que j'ai remarqué cet effet de trop plein est relativement récente puisque c'était en jouant à Assassin's Creed 2 en 2009. Le système monétaire fonctionne au départ comme dans beaucoup d'autres jeux. Il y a de multiples sources de revenus; les missions principales, les quêtes secondaires du type assassinats et enfin les trésors disséminés à droite et à gauche en ville. Cela donne déjà beaucoup de moyens financiers qui malheureusement ne servent pas à grand chose puisque le jeu est relativement étroit en terme d'items à acheter. Des bombes, couteaux de lancers ou balles que l'on viendra chercher régulièrement; on peut noter au passage qu'il ne s'agit que d'un investissement destiné à réussir les missions qui nous redonneront l'investissement au centuple (c'est le serpent qui se mort la queue). De nouvelles tenues, ou pour être plus précis de nouvelles couleurs pour sa tenue; en ce qui me concerne ça ressemble déjà plus à ce à quoi doit servir l'argent du jeu, mais encore une fois on ne videra pas son porte-monnaie pour ces achats. Et puis...

Et puis un mec pas idiot a proposé un truc: et si on avait une énorme bâtisse qu'il fallait refaire? C'est ce que j'appelle personnellement une bonne idée, d'autant que la bâtisse (ou la ville pour être exacte) la petite Moteriggioni est une propriété familiale ce qui immédiatement offre un intérêt affectif (chose que si j'en crois le podcast Silence, on joue du 17 Novembre, n'est pas vraiment le cas dans Revelations). Refaire un quartier de sa ville est cher et redonne donc un intérêt à la collecte d'argent dans le jeu, si on ajoute à cela le fait que la décoration intérieure du manoir principal nécessite l'achat de tous les tableaux et armes, on arrive à des sommes qui donnent envie de gagner de l'argent, d'utiliser le système et de progresser. Cependant comme l'idée était trop belle toute seule, il a bien fallu qu'ils la ruinent avec une autre idée...plus on rénove Monteriggioni, plus la propriété nous rapporte de l'argent. Voilà comme le capitalisme tue l'intérêt dans l'œuf. Vers la moitié du jeu (avant même d'arriver à Venise) l'ensemble est quasiment autofinancé et on se retrouve avec un surplus dont on ne fait absolument rien...

C'est comme si les développeurs voulaient absolument récompenser le joueur d'investir son pécule dans la ville par autre chose que le fait de la voir rénovée. Le pire étant que dans l'absolu ce n'est pas complètement incohérent (du tout même) que cette propriété rapporte de l'argent puisque des commerces s'y trouvent et forcément doivent aux propriétaires un loyer.

Le souci devient plus embêtant de mon point de vue quand en plus de complètement ruiner l'intérêt d'accumuler de l'argent, la dite accumulation entre en contradiction avec l'histoire et/ou la cohérence de l'univers. De ce point de vue, le grief est à mettre à Rockstar Games entre autres. J'ai beau être fanatique des jeux de Dan et Sam Houser, il y a toujours eu depuis au moins GTA:San Andreas, un vrai fossé entre les problèmes de dettes présentés dans les cinématiques et ce que le jeu nous fournit réellement en fonds. Carl CJ Johnson est un jeune noir né dans un ghetto de Los Santos, Nico Bellic un émigré d'Europe de l'Est sans le sou et John Marston un fermier de l'Ouest des États-Unis à la fin du Grand Ouest sauvage. Aucun d'entre eux ne roulent sur l'or et pourtant en quelques heures de jeu, chacun d'entre eux se retrouvent avec plus d'argent que nécessaire pour régler une partie si ce n'est la globalité de leurs problèmes.

Il ne roule pas sur l'or si l'on puit dire.

Autant chez Marston, la question de l'argent n'est pas formellement abordée, autant elle fait pour moi surface et se voit mise en relief par des features de gameplay "mal venues". Dès les premières fameuses vidéos de gameplay, on nous annonçait la possibilité de chasser et de récupérer la peau ou les plumes pour les revendre, le narrateur insistant sur le fait qu'en fonction de l'endroit où l'on revendrait les dites peaux, elles seraient achetées plus ou moins chères à hauteur de la rareté de l'animal dans la zone. Vendre une peau d'ours en plein cagnard mexicain serait par exemple une idée fameuse. Mettre une telle feature en avant, c'est à mon sens implicitement dire que l'argent viendra à manquer et qu'effectivement, chasser aura une nécessité autre que de débloquer des succès. A l'arrivée, le fait est que même en dépensant de sacrés sommes au poker, en achetant une ou plusieurs monture et une ou plusieurs nouvelles armes, on se retrouve malgré tout avec encore une fois les poches bien remplies de billets verts qui n'auront rapidement plus d'utilité quelconque, enlevant au passage le charme et la tension de perdre aux dés ou aux cartes.

Comme je le disais, pour Red Dead Redemption, la question de l'argent n'est même pas spécialement prise en compte dans le scénario. On sait que le héros ne roule pas sur l'or, mais finalement qu'il rassemble ou pas de fortes sommes n'affecte pas l'issue de sa mission dont seuls les fédéraux ont les rênes. En revanche dans GTA San Andreas et IV, c'est une question cruciale pour les héros et d'autant plus pour Nico qui est gravement endetté et qui doit composer avec un Roman joueur, qui passe son temps sur les sites de cartes en ligne et dans des bars louches pour parier le peu d'argent qu'ils pourront mettre de côté.

Comment peut-on sincèrement prendre au sérieux une cinématique dans laquelle Nico et Roman se dispute à base de « Then stop gambling our money, you idiot! » quand dans le même temps on a déjà rassemblé 60000$ sur son compte en banque en allant régulièrement faire réparer sa voiture, en emmenant souvent ses contacts jouer au billard (en usant donc la partie sociale du jeu) et en achetant toutes les fringues disponibles à ce moment précis, bref en dépensant vraiment entre les missions. Cela affecte une partie de la dramaturgie que le jeu essaye de mettre en place dans les cinématiques et le déroulement des missions en créant un décalage entre les paroles scriptées et ce que possède effectivement le joueur. Pourquoi Nico se laisserait-il entrainer dans un braquage de banque en compagnie d'irlandais de toute évidence cinglés malgré leur connaissance du milieu du crime (ou à cause de leur connaissance du milieu du crime)? Pour s'en tirer avec 250000$? Oui mais cet argent ne serre à rien! Il ne disparaît pas pour payer les dettes, ce qui semblerait pourtant logique. Non il s'accumule en plus de ce que l'on a déjà mis de côté et le résultat c'est que si le braquage en lui-même est une séquence bien mémorable du jeu, les retombées sont inexistantes. En finissant la mission je me suis simplement dit: « Je me demande bien ce que je vais pouvoir faire de toute cette thune. ». Aucune satisfaction tirée du fait d'avoir tant d'argent au compteur alors que justement, si le jeu avait été bien géré de ce point de vue on pourrait sentir l'ascension du héros par sa course à l'argent.

J'ai probablement l'air de faire une montagne d'une colline, mais c'est malheureusement un problème que j'ai finis par voir à la longue partout. En fait ce n'est que le reflet d'un problème plus large qui est le système de récompense dans les jeu vidéo et je vous renvoie d'ailleurs à un article d'upselo sur la question. Après tout puisqu'on est entre amis, je vais vous faire la confidence suivante. Je suis tellement habitué au fonctionnement économique capitaliste tel qu'il est que ça affecte vraiment ma vision du fonctionnement économique dans les jeux. En somme, tous les jeux qui ont un système d'argent ou de récompenses par troc (comme Demon's Souls et ses âmes à double emploi) passent par un scanner automatique de ma part. Le seul jeu qui finalement m'a fait ressortir cette réflexion, c'est Skyrim qui de manière assez remarquable a trouvé un équilibre entre ce que l'on gagne, ce que l'on peut acheter et ce que l'on peut fabriquer; le jeu n'est pas trop radin, ni trop généreux. La seule chose qui encore une fois me chiffonne c'est que je ne trouve pas d'objet utile au jeu qui mérite vraiment d'investissement particulier. J'ai déjà un équipement parfaitement adapté à ma façon de jouer et quelque soit ce que l'on me donne, ça ne m'apporte rien d'un point de vue utilité et par conséquent je vends tout nouvel objet dans l'espoir d'acheter et de rénover une maison dans une nouvelle ville (actuellement Solitude).

En fait les seuls jeux qui pour moi ont tout compris à l'intérêt que peut vraiment avoir un système de porte-monnaie dans le jeu vidéo (si l'intérêt était nul, je ne prendrais pas la peine d'y réfléchir) datent de 1999 et 2002. Ce sont les deux seuls jeux qui ne sont pas contentés d'intégrer de l'argent comme moteur pour faire avancer le joueur, mais qui en ont fait un élément cohérent de l'univers décrit et quelque chose de l'ordre de l'obligatoire. Ces deux jeux, ce sont Shenmue et Shenmue II. Je ne répèterais jamais assez à quel point j'aime la série inachevée de Yu Suzuki pour de multiples raisons. La raison principale est l'aspect quotidien qui se mélange de manière habile avec le dépaysement et l'aventure. Shenmue est un jeu qui se vit. Ce qui vient avec le quotidien c'est évidemment la paye et le travail. Mais le plus intéressant, c'est que pour commencer, le travail rapporte quelque chose de substantiel en terme d'argent alors que par exemple, conduire un taxi pour Roman dans GTAIV rapporte des clopinettes en comparaison des missions principales bien trop généreuses. Surtout, malgré le fait qu'il n'y ait pas tant de choses que ça à acheter dans Shenmue, tous les prix sont dans le raisonnable mais couteux en rapport avec ce que l'on gagne, l'idée étant qu'on est vraiment envie d'acheter une super collection de figurines, de jouer à la salle d'arcade mais qu'on a toujours un doute sur le moment où cet argent pourra être utile en cas d'imprévu (comme la séquence du billet pour quitter le pays). Forcément il s'agit d'une tension qui ne marche que la première fois.

Seulement l'idée intelligente est de nous faire conserver tout cela pour la suite de l'aventure quand on arrive en Chine (originellement bien sûr, puisqu'il faudra avoir les deux jeux sur DreamCast). Le second volet apporte une plus grande importance au problème d'argent. Rapidement, Ryo se fait dépouiller et se retrouve donc sans le sou; et comme l'idée de dormir dans la rue ne lui sied guère, celui-ci doit de nouveau mettre un peu d'huile de coude pour payer sa chambre d'hôtel. Alors certes le mini-jeu du travail est chiant pour ce second volet comparé à la course de fenwicks du précédent, mais toujours est-il que créer cette dépendance relative est pour moi une très bonne idée et une façon de justifier aussi la présence d'un tel système monétaire qui clairement n'est pas nécessaire à la poursuite de l'aventure mais n'est qu'un moyen supplémentaire d'immersion.

La nécessité d'avoir de quoi payer sa nuit d'hôtel rend tout pari plus risqué...et à la fois plus profitable pour continuer sereinement en cas de victoire.

Alors quand je disais en préambule qu'aucun jeu ne m'avait satisfait avec son système économique, je mets bien sûr de côté les jeux qui tourne autour de l'idée de rentabilité ou qui sont pleinement axés sur ce principe de capitalisation, comme les STRs ou jeux de gestion, qui eux en général sont rôdés puisqu'il s'agit d'une vraie composante du gameplay et pas simplement d'une carotte (exemple: The Movies qui oblige à faire des investissements sur le long terme, à produire pleins de suites pour rentabiliser son studio de cinéma). Je pense simplement que la plupart du temps, ce qui pourrait être une manière ingénieuse de donner du poids à un univers, à un propos est utilisé de manière idiote et trop libertaire, au risque que cela gâche une partie du plaisir de la progression (comme dans AC2 donc) ou pire au risque que cela n'entre en contradiction avec le propos développé dans les cinématiques qui souffre déjà les affres des actes du joueurs qui ne sont pas contrôlés (comme dans les jeux Rockstar donc). La seule chose finalement que parvient à faire indirectement ce manque de réglage (parce que la plupart du temps il s'agirait simplement d'équilibrer tout cela) c'est de montrer que le capitalisme pour le capitalisme n'a pas d'intérêt...pas si mal que ça finalement.