À l'époque où Rareware était encore la propriété de Nintendo, certains jeux de ce talentueux studio britannique ont connu des développements mouvementés. Ce fut le cas de Dinosaur Planet, une nouvelle franchise dont la réalisation marathon a débuté sur Nintendo 64 pour finalement aboutir sur GameCube. Entretemps, ce jeu d'aventure anonyme devenait par impératif marketing que l'on nommera Shigeru Miyamoto, Star Fox Adventures.
 
Les premières images enchanteresses circulant dans la presse papier ne faisaient pas de doute sur la nature du concept aventure en 3d vers lequel s'orientait ce nouveau jeu. À peu de choses près, selon les révélations d'un ex-membre de Rareware, Phil Tossell, dans la dernière livraison du mensuel RetroGamer : "ce devait être un amalgame entre un Diddy Kong Racing et un jeu d'aventure. L'ensemble des stages possédait son circuit, les courses étaient partie intégrante de l'histoire". Le développeur admet que ce changement soudain alors que l'élaboration de Dinosaur Planet était bien avancée, avait déstabilisé l'équipe en charge du projet. Mais la folle envie de travailler sur l'univers de cette célèbre licence l'avait emporté sur les premières craintes exprimées au donneur d'ordre : "Nintendo nous avait offert la chance de travailler sur ce génial avatar issue de cette immense franchise ! J'avais une préférence pour Dinosaur Planet, cependant j'adore le premier volet de Star Fox. Notre première préoccupation avait été de déterminer la façon dont nous allions l'intégrer à notre jeu".
 
Le succès de ce titre au Japon (200 000 exemplaires vendus) et un peu partout dans le monde (800 000 pièces écoulées d'après estimations) masque mal les difficultés qui ont émaillé cette production. C'est en effet le dernier jeu de Rareware à être réalisé sous pavillon Nintendo avant que celui-ci ne soit cédé à Microsoft pour la bagatelle de 375 millions de dollars. Les relations exécrables existantes entre les deux sociétés avaient inévitablement débordé sur l'ambiance de travail.
 
Phil Tossell avait rejoint le studio anglais en 1997 pour être immédiatement enrôlé "dans la phase finale de développement de Diddy Kong Racing", précise-t-il dans les colonnes du site NintendoLife.com. Sans tarder, il enchaîna sur un nouveau projet : "l'équipe de DK Racing avait été scindée en deux groupes [...] l'une s'occupa de Jet Force Gemini tandis que l'autre fut mobilisée pour les besoins de Dinosaur Planet." Tossell garde un souvenir confus sur l'inspiration du jeu, conséquence "des changements ininterrompus du concept à l'aune de son ébauche." L'idée de conter une histoire parallèle entre deux personnages (Sabre et Krystal) qui s'entrecroise par moments fut finalement arrêtée.
 
 
Lorsque le prototype fut soumis à Nintendo pour approbation, Shigeru Miyamoto opposa son véto, arguant que le design des personnages ressemblait fortement à l'écosystème de Star Fox. Sous la menace de l'abandon pur et simple du projet, l'équipe de Rareware changea contre son gré le concept du jeu (histoire et personnages) pour l'habiller du couvre-chef Star Fox, à la grande satisfaction de Miyamoto. Dans le même temps, la décision avait été prise de transférer ce qui désormais était un nouvel épisode de la licence Star Fox, de la vieillissante Nintendo 64 au Project Dolphin. L'état-major japonais convoqua l'équipe à son siège pour un briefing "d'une semaine pendant laquelle nous avions discuté des changements nécessaires [...] être attablé avec Myiamoto pour discuter du gameplay du jeu fut sans conteste l'un des points culminants de ma carrière" fait observer Phil Tossell, visiblement encore tout ému de cette rencontre : "j'ai toujours sa carte de visite précieusement gardée sur moi". Le développeur croisa également la route de Takaya Imamura, auteur injustement ignoré du public : "c'est l'esprit créatif derrière Star Fox. Pendant un mois, il a supervisé la production du jeu dans nos locaux en Angleterre en tandem avec Lee Schuneman".
 
Rareware aimait les défis techniques. Star Fox Adventures fut en effet l'un des premiers titres de l'industrie à utiliser le chargement l'univers du jeu dans la mémoire vidéo de la Gamecube en flux continu "en dépit de la faiblesse de la mémoire de la console" fait remarquer Tossell. L'élément de loin le plus complexe à gérer "était d'assurer la transition entre le support cartouche et le disque laser, c'était notre première expérience sur format optique." L'espace mémoire disponible avait été démultiplié, ce qui n'a pas été sans conséquence dans le game design des niveaux. La construction du jeu s'est déroulée par tâtonnement. L'équipe testait une idée avant acceptation ou non : "Star Fox Adventures a changé tellement de fois au cours de son élaboration qu'il nous est impossible d'inventorier ce qui a été enlevé", relève Tossell. Il regrette de ne pas avoir ajouté davantage de phases de jeu en Arwing : "elles avaient été intégrées tardivement dans le jeu [...] nous nous sommes trop appuyés sur la collecte des items, une particularité de beaucoup de jeux Rareware. Je n'en étais pas intimement fan".
 
 
Pour ne rien arranger, le contexte était très tendu entre les fondateurs du studio anglais et Nintendo. Le géant japonais voulait se débarrasser d'un studio devenu encombrant par ses exigences et sa faible productivité : "en plein milieu du processus de production, des discussions informelles entre Microsoft et les frères Stamepers commençaient [...] cela nous a incités à finir dans les temps SFA". La critique avait accueilli froidement le jeu, ce qui n'étonna pas Tossell : "je savais qu'il avait des défauts, qu'il était trop proche de Zelda [...] je suis néanmoins fier du travail accompli compte tenu du temps alloué et des ressources dont nous disposions."
 
C'est en 2010 que le développeur prend congé de Rare, devenue propriété de Microsoft. Et ses mots ne sont pas tendres : "à bien des égards, Rare n'existe plus pour moi. Le Rare que je connaissais, pour lequel je me levais chaque matin comme un gamin va à l'école, n'est plus."