Ce titre au relent sensationnaliste aurait pu servir de prétexte à AHL pour lancer sa célèbre maxime "tu le crois ça ?" voici... Trente ans ! Les tractations entre ces deux géants de l'industrie étaient bien en cours, cependant en l'absence de confirmation officielle tout s'était transformé en simples bruits de couloir. Voici le déroulement de cette histoire rocambolesque.

 
Galvanisé par l'hypercroissance des ventes de Famicom au Japon, Hirsohi Yamauchi cherche à étancher sa soif de conquête. Les États-Unis le fascinent. Il met en ordre de marche un bataillon de stratèges afin d'étudier toutes les options possibles. Toutefois, une chose freine les ardeurs de l'hyperprésident de Nintendo. La violente crise qui secoua le marché nord-américain balaya les acteurs les plus fragiles et fit vaciller ceux profondément enracinés. Atari est de ceux-là. En dépit du crash, le constructeur se révèle être un acteur incontournable du marché nord-américain. Son réseau de distribution est intact et Nintendo a eu vent des projets de console nouvelle génération destinés à revitaliser ce secteur industriel dont les frémissements de reprise économique sont de plus en plus perceptibles. Attaquer de front ce pilier du paysage ludique américain était jugé risqué.
 
 
Au mois d'avril 1983, les deux constructeurs entrent ainsi en discussion en la présence du PDG d'Atari Ray Kassar et des représentants de Nintendo, Howard Lincoln accompagné du protégé Minoru Arakawa. Ces derniers font la démonstration des capacités techniques de la Famicom à l'aide des préversions de Donkey Kong et Popeye. Le contrat se dessinait ainsi : Nintendo fournit entre 100 000 et 150 000 cartes-mères à Atari qui se charge de les mettre en boîte aux couleurs de la société américaine. Un accord équitable offrant la possibilité au fabricant japonais de mettre un premier pied à l'intérieur de la chasse jalousement défendue par Atari. Sans dire mot sur ses réelles intentions, l'homme fort de Nintendo avait bien entendu planifié une incursion en deux temps. Grâce à cette alliance, le constructeur nippon neutralisait son concurrent (pas de console propre, dépendance technologique), prenait connaissance des spécificités du profil des joueurs américains ainsi que des acteurs de la distribution implantés dans ce vaste territoire. Une fois ces précieuses relations d'affaires tissées et données marketing acquises, Nintendo serait en capacité de voler de ses propres ailes à moyen terme (5/7 ans, soit l'entrée de la Super Famicom). Privé de son fournisseur, Atari ne pourrait que répliquer tardivement. Trop tardivement.
 
 
Pendant ce temps, Atari explorait une autre alternative : la fabrication de sa propre console de jeux vidéo (Atari 3600 devenue par la suite l'Atari 7800). Les ingénieurs américains ont le sentiment que la technologie développée (MARIA) est supérieure en tout point de vue à celle de la Famicom tandis qu'un petit groupe pense que l'option Nintendo est plus séduisante. Pour faire face à ce dilemme, Atari demande un délai de réflexion au constructeur nippon qui n'a que faire d'attendre. Les pourparlers reprennent donc de plus belle en juillet 1983. Le fabricant américain insiste pour que la technologie Nintendo devienne compatible avec les jeux de la console Atari 2600. Un périphérique extérieur est évoqué. Les deux sociétés imaginent une console prête pour la période de Noël et tirée à deux millions d'exemplaires.
 
Cependant, un événement imprévu allait compliquer la contractualisation en cours. Fin juillet, Atari est pris dans une puissante tempête financière, sa valeur boursière dégringole sur la place boursière américaine. Les comptes de l'entreprise sont rouge écarlate, les investisseurs demandent des comptes aux dirigeants. Une tête tombe. Ray Kassar est poussé vers la sortie, son successeur - Jim Morgan - demande un moratoire de deux mois pour lui laisser le temps de prendre connaissance des dossiers brûlants. Les négociations sont reportées à septembre. Nintendo ronge son frein. Morgan exige de ses partenaires un délai supplémentaire d'un mois, l'assainissement de la société paralyse toute prise de décision engageant son avenir. Las de ces atermoiements et voyant l'échéance de Noël s'éloigner, Nintendo jette l'éponge. Au mépris des conseils de prudence de son conseil d'administration, Hiroshi Yamauchi prit la décision d'engager le destin de la société dans un marché en pleine convalescence.
 
Cette audace forgera sa réputation d'entrepreneur avisé et gonflera d'autant les comptes de Nintendo.