On ignore souvent que derrière le sérieux des planifications stratégiques préalables au lancement des consoles de jeux, se cache des fourberies, des croques-en-jambe dignes d'une cour de récré. Généralement destinées à saper le moral des troupes mobilisées pour la circonstance, mais aussi des hauts dirigeants dans leur for intérieur, ces railleries prennent également à témoin - à de rares occasions - les journalistes et les joueurs.
 
Qui ne se souvient pas de cette pique saignante, vraisemblablement organisée à la hâte par Sony, lorsque les journalistes français étaient invités par Microsoft à se rendre au salon du X01 organisé en Espagne, afin de célébrer la commercialisation de la Xbox première du nom en Europe ? Au pied de l'escalier d'embarquement, les stratèges en communication de Sony avaient planté un panneau grossièrement bricolé sur lequel on pouvait lire ceci : "faites comme si on était pas là" avec en dessous le logo de la PS2. Microsoft n'avait certainement pas goûté à cette plaisanterie. Il tiendra sa revanche quelques années plus tard... La PlayStation 3 tenait son stand au pied de la Tour Effel avant son lancement officiel dans l'hexagone. L'événement fut un ratage complet, mais ce qui aura retenu l'attention des médias, c'est l'attitude désinvolte de Microsoft. Profitant du placement de ce mini-salon en bordure de Seine, le géant américain loua une péniche. À grand renfort de puissantes basses et de projecteurs, il s'invita à la fête ratée de Sony, minant encore davantage le moral des organisateurs déçus par la désaffection du public...
 
 
L'entrée en fanfare de Sony dans le monde du jeu vidéo avait pimenté les relations avec Sega. Alors que l'édition 1995 de l'E3 crache son et lumière : "des représentants de Sony avaient percé le Sonic gonflable situé en tête de notre stand" se souvient Tom Kalinski, ancien président de Sega of America. Cette belle foire d'empoigne atteignit son apogée avec le lancement de la Dreamcast. Sega était devenu beaucoup plus mordant, sa cible de prédilection ? Sony bien sûr ! "Ils ont sponsorisé leur premier tournoi de golf en Californie. J'ai soudoyé une personne pour remplacer les balles de golf Sony par d'autres siglées Sega" se remémore Bernie Stolar, ancien PDG de SoA, dans les colonnes du site VentureBeat.com.
 
Il poursuit : "j'ai fait habiller quelqu'un en Sonic, je lui ai demandé de prendre le volant d'une voiturette de golf puis de rouler sur les parcours. Sur son toit était accroché un bandeau où l'on pouvait lire 'La Dreamcast arrive' ". Enfin, une affiche au ton incisif avait été remarquée sur les murs de quelques édifices américains. Elle évoquait avec humour grinçant la fin de la date de fraîcheur de la PlayStation "Best before 9/9/1999". Une amabilité qui fit probablement écho à celle que Sony avait laissée à l'attention de Sega : "nous savions que Sega était sur le point de lancer la Saturn. Nous avions donc lancé une campagne d'affichage brocardant le nom de la console 'Si vous avez fait l'acquisition d'une Saturn, votre tête est sur Uranus' ", pointe sur le site MCV, Steve Race, ex-PDG de Sony of America.
 
Quelques années auparavant, Nintendo était la cible privilégiée de Sega. La détestation cordiale entre les deux constructeurs était un prétexte pour Sega de se payer la tête du numéro un à la moindre occasion : "avant chaque foire organisée par Nintendo, j'avais l'habitude de glisser sous les portes des chambres d'hôtel des détaillants des dépliants annonçant nos nouveaux produits" déclare Kalinski. Le point d'orgue de cette impertinence était le lancement de ce slogan assassin "Genesis does what Nintendon't". La NES était ringardisée par rapport à la puissance de feu de la Mega Drive.
 
 
Et Nintendo dans tout ça ? Le géant japonais se livrait peu à ce genre d'exercice. Toutefois, au plus fort de la concurrence avec Sega, le fabricant avait lancé une pique à son compétiteur (visible ici) et c'est à peu près tout ce qui est porté à notre connaissance. Cela tient à une raison que le puissant Hiroshi Yamauchi lançait avec arrogance à la face des médias : "Nintendo n'a pas de rivaux". C'est bien plus tard que sentant le vent tourner, Nintendo lança une série de publicité dans les magazines spécialisés en 1995, avertissant le joueur que l'achat d'une 32bits représentait un risque élevé.
 
 
Bien que cette industrie brasse des milliards d'euros, fait appel à des technologies de pointe, elle demeure un jardin d'enfants.