Free Radical, le nom de ce studio ne vous dit peut être rien mais il cristallisait de grands espoirs lors de sa création en 1999. Fruit d'une sécession de membres fondateurs du talentueux studio de création Rare (avec à leur actif Perfect Dark et GoldenEye), la petite structure anglaise souhaitait se donner un élan créatif libéré de l'étouffant carcan éditorial imposé depuis trop longtemps par Nintendo. Très tôt sensibilisé à l'élaboration de la PlayStation 2, Free Radical fait l'acquisition de kits de développement avec pour ambition de réaliser le premier fps nouvelle génération sur console de salon. TimeSplitters est né.
 
Malheureusement, le déroulement de cette production connaîtra des soubresauts. Le jeu sera décrié par la presse malgré une plastique agréable. Les suites seront poliment saluées par les médias, les joueurs s'en détourneront progressivement. Il en est de même pour d'autres productions dont Haze sur PlayStation 3, caractérisé par cette identique volonté de créer le fps absolu à chaque nouveau cycle technologique. Là encore, ce titre sera déconsidéré à cause d'une technique défaillante. Free Radical aura essuyé de nombreux plâtres dans sa courte existence (il fermera ses portes en 2008) mais il y en a une qui restera à jamais gravé dans la mémoire des dirigeants de ce jeune studio anglais : Star Wars Battle Front III.
 
Cette licence dorée garantie à l'heureux possesseur un niveau de vente décent pour des dépenses en marketing relativement faible. Cumulant les déconvenues sur le plan éditorial, Free Radical était persuadé de se refaire une santé financière grâce à ce jeu, la PlayStation 3 pointe le bout de son nez ce qui aiguise l'appétit du studio. A la demande du magazine Gamestm, Steve Ellis, le co-fondateur de ce studio anglais est revenu sur la rocambolesque affaire qui a entâché le développement de SW Battlefront III.
 
L'événement a été visiblement douloureux à vivre, l'ex-président de Free Radical est amer lorsqu'il présente le déroulement des faits : "au sortir de la réalisation de Haze, nous avons traversé une période sombre de notre jeune histoire, nous avions rencontré d'énormes problèmes avec notre technologie, nous faisions face à une crise de croissance, nous avons grandit trop rapidement" regrette-t-il. Cette déchirante étape aura laissé des traces dans l'esprit du personnel travaillant pour ce studio. L'enthousiasme était en apparence intact lorsqu'il a fallu commencer la réalisation de Battlefront III : "notre ambition était démesurée. Vous commenciez une bataille sur la terre ferme, puis sauter dans un bateau pour enfin voyager dans l'espace [...] il nous a fallu fabriquer la technologie inexistante à l'époque, surmonter de nombreux défis techniques, mais nous avions réussit" déclare-t-il étranglé par l'émotion.
 
 
Rien n'aura été épargné à ce studio porté par une folle et dévorante passion : "le processus de production était finalisé à 99%, il ne restait plus qu'à nettoyer le jeu des bugs avant sa mise en rayon. C'était notre plus grande fierté, il a été sacrifié pour des raisons financières." En effet, le jeu ne sera pas distribué, victime d'un "changement de direction au sein de LucasArts" déplore Martin Wakeley, chef de projet au sein de Free Radical. Les nouvelles têtes vissées aux plus hauts postes de gouvernance se montreront ouverts aux autres projets du studio anglais.
 
Toutefois, ce ne sera que la manifestation d'un intérêt de façade : "nous avions travaillé dur pour leur soumettre de nouveaux projets sous licence Star Wars cependant LucasArts n'y a pas favorablement répondu." Après deux ans de développement, BattleFront III sera donc annulé, ce qui provoquera un dangereux vacillement de Free Radical avant d'aborder le délicat virage de la next gen avec Haze sur PS3.
 
"Ces affirmations sont à 99% des conneries !" s'étrangle un ancien dirigeant de LucasArts désirant garder l'anonymat. Ce dernier conteste la version des faits développée par Hellis dans le magazine Gamestm. Il poursuit "l'estimation optimiste serait plutôt 75% de travail catastrophique, s'emporte l'homme s'exprimant sous le sceau de la confidentialité. J'étais à LucasArts à ce moment, je suivais la réalisation de BattleFront III, je m'en souviens comme si c'était hier. Tout le monde, des producteurs au pôle marketing, était totalement investi dans ce jeu" plaide le dirigeant. Il conteste fermement les allégations d'Hellis selon lesquelles le jeu a été délibérément saboté par LucasArts : "torpiller un tel projet pour des raisons financières alors que nous avions désespérément besoin d'une suite à Battlefront est juste pathétique."


 
Il pointe la mauvaise gestion du processus de production du jeu : "Free Radical n'a pas du tout respecté les échéances que nous leur avions fixées [...] nous avions mis beaucoup de bonne volonté pour parvenir à l'aboutissement de ce projet" déplore la source anonyme de Gamepost.com. Ses accusations se font plus précises : "Free Radical a elle-même créée les conditions de rupture unilatérale du contrat qui le liait à LucasArts, car le studio détournait l'argent destiné au développement de Battlefront III au profit d'autres productions telles que Haze."
 
Le sang d'Hellis n'a fait qu'un tour et par support interposé, le contentieux tourne en foire d'empoigne : "d'après le ton employé, c'est visiblement quelqu'un avec qui j'entretenais une étroite relation de travail, dommage que cette personne choisisse de rester anonyme pour lancer de telles attaques." Comme pour laver son intégrité vertement remise en cause, le co-fondateur du studio anglais tente de rectifier des propos qui a ses yeux sont calomnieux : "nous n'avons pas utilisé tout ou partie du budget alloué au développement de BattleFront III, c'est totalement faux. Ubi Soft nous avait généreusement proposé d'augmenter l'enveloppe financière destinée à Haze lorsque nous en avions eu besoin pour couvrir le temps de développement supplémentaire" rectifie Steve Hellis.
 
L'ex-dirigeant de Free Radical maintient sa version selon laquelle LucasArts faisait face à une violente restructuration qui a poussé la nouvelle équipe dirigeante à procéder à des coupes claires "dans un certain nombre de projets" et s'affairer à "un dégraissage massif" du personnel. D'après lui il n'y a jamais eu de rupture contractuelle entre les deux studios au motif d'une violation des obligations de Free Radical.
 
Le destin de ce studio, porté par de brillants cadres de Rare aura été tragique. Haze se révèlera être un flop commercial, il précipitera avec lui Free Radical dans une faillite qui laissera de marbre les médias. Sur les cendres encore brûlantes du studio anglais, Crytek fera son marché et repêchera une grappe d'ingénieurs et de programmeurs très qualifiée (40 personnes sur un effectif total de 170 employés) pour former la filiale Crytek UK. Le responsable de la maison-mère Cevat Yerli se dit ouvert à des travaux préliminaires sur un éventuel TimeSplitters 4. Le jeu, à l'aune de son développement avait été abandonné par Electronic Arts en raison des méventes de l'épisode 3.
 
 
La Wii U déjà présente, les autres consoles nouvelle génération telles que la Xbox Durango, la PlayStation Orbis vont bientôt prendre le relai. Ce sera un formidable clin d'oeil au destin que de relancer ce qui reste du noyau dur de Free Radical en faveur d'un titre qui a cristallisé le désir d'émancipation d'ex-employés de Rare...
 
article powered by NewGameMachine