"Je déteste Microsoft...
 
Phil Tossell annonce d'emblée la couleur. Il a la rancune tenace malgré toutes ces années. Lui qui est convaincu "que rien ne pouvait nous être reprochés [...] cela peut vous sembler arrogant, mais nous concoctions de grands jeux qui nous donnaient le sentiment d'être intouchables". Cette impression d'invulnérabilité qui a traversé le studio Rare durant l'ère faste de la Nintendo 64 a forgé le caractère bien trempé de ce développeur chevronné. Biberonné dès son plus jeune âge aux productions Ultimate Play The Game (ancien nom de Rare) sur ZX Spectrum, il achève brillamment son cursus universitaire dans les sciences informatiques. C'est en tombant nez à nez sur une double page publicitaire vantant la sortie d'un jeu dans un magazine qu'il postule puis entre chez Rare.
 
P. Tossell est immédiatement plongé dans le bain avec Diddy Kong Racing, Jet Force Jemini, Banjo-Kazooie. Les hits s'enchaînent les uns après les autres, la fine équipe est rapidement gagnée par sensation d'euphorie créative. Lorsque des pourparlers informels ont commencé avec Microsoft et Activision, le développeur travaille sur un concept de jeu de course dans lequel est donné habilité au joueur de construire son propre véhicule. Nintendo ne rend pas les choses faciles avec les frères fondateurs de Rare, l'ambiance au sein du studio se dégrade. Le projet de P.Tossell est gelé pour renaître plus tard sur x360 dans le volet Nuts and Bolts. La fratrie des Stampers organise un vote interne afin de prendre le pouls des préférences du personnel : "j'ai voté pour Activision", déclare sans se faire prier le développeur.
 
 
Une certaine fébrilité est palpable. P. Tossell est enrôlé dans le développement de Kameo sur Nintendo 64 avant que ce titre ne soit porté sur GameCube. Ce projet fait les frais de la confusion née du rachat du studio Rare par Microsoft. La solution la plus déraisonnable aux yeux du programmeur. Le nouveau propriétaire scrute les ébauches de jeu laissées dans les cartons puis jette son dévolu sur Kameo : "cela ressemblait d'abord à Pokémon. Vous deviez collectionner de petites créatures pour les élever jusqu'à l'âge adulte en leur attribuant différentes compétences. J'avais joué à la préversion sur N64 et GC, j'avais beaucoup aimé", jusqu'à ce que le nouveau donneur d'ordre change radicalement le concept : "la centaine de créatures a été réduite à une douzaine, leurs diverses aptitudes minimisées", regrette-t-il.
 
La x360 est une console orientée vers le segment adulte, Microsoft enjoint tout naturellement Rare à s'orienter dans ce créneau. L'homme planche ainsi sur Crackdown 2 puis Black Widow avant de poursuivre sur une suite à apporter à Kameo : "nous voulions modifier les monstres, que l'héroïne se change en aigle afin de survoler cet imposant univers. Nous avions beaucoup travaillé sur cette idée, et c'était fantastique, vraiment !" Mais après trois mois d'intense développement, tout s'est brutalement arrêté. Une raison à cela ? Kinect !
 
 
"Ce fut un cadeau empoisonné. On nous a forcés à réaliser des jeux pour un segment de marché réfractaire à ce genre d'offre. La motivation qui nous a poussés à réaliser des titres tels que Crackdown (une partie de l'équipe de Rare) et un Kameo plus mature était de s'adresser à une tranche d'âge plus élevée. Cependant Microsoft s'y est opposé. Ils nous voyait comme un studio spécialisé dans le créneau familial". Kinect Sports est sur la table : "c'eut été un cauchemar de travailler dessus. Nous souhaitions réaliser des jeux plaisants, Microsoft a exigé de nous d'intégrer des sports populaires comme le football américain et le basket". La conséquence attendue est une expérience en dents de scie, certaines disciplines sportives se prétaient mal aux exigences de Kinect.
 
La goutte de trop pour Phil qui démissionnera peu après la commercialisation de ce jeu pour fonder son propre studio de création, Nyamyam.