Dans un live récent, Joniwan et Plume (oui, je dénonce !) sont restés dubitatifs face à l'évocation d'un Phantasy Star "offline", Plume se fendant même de quelque chose comme : "mais ça a existé Phantasy Star offline ?!", Joni évoquant simplement la partie offline des PSO-et-dérivés. Sur le moment, j'ai poussé un énorme cri dans ma tête, un très gros soupir de désespoir... mais dans le fond autant rafraîchir la mémoire des gens ? Je veux bien entendre l'excuse du sarcasme, MAIS QUAND MEME. Surtout qu'ils ont l'air en premier degré total, là, quand même, à 27:08 : https://www.gameblog.fr/news/90828-ps5-suivez-la-presentation-des-jeux-avec-nous-ce-jeudi-a-par

Parce que, pour rappel, avant d'être "massivement multijoueurs", Phantasy Star (ci-après appelé "PS", ça va plus vite) est une série de jeux sur Master System puis Megadrive. Donc on ne peut plus "offline". A l'époque, PS et Final Fantasy avaient tous les deux énormément de succès au Japon, peut-être encore plus pour PS (avant le ras-de-marée d'FF7, évidemment sorti bien après l'époque Megadrive).

Pour brosser les choses dans le temps, le premier PS est sorti au Japon le 20 décembre 1987, nous l'aurons en occident en novembre 1988. Le premier FF est sorti le 18 décembre 1987, puis juillet 1990 pour la version américaine. Le dernier PS de cette série est sorti sur Megadrive en décembre 1993 (aux USA en février 1995, en Europe en décembre 1995). FFV était sorti en décembre 1992 au Japon, FFVI sortira en avril 1994.

Mais donc, commençons par le commencement : Phantasy Star sur Master System.

Dans ce premier Phantasy Star, le joueur incarne Alis Landale, dans le système solaire d'Algol. Alis vit sur Palma, planète à la nature luxuriante. Dans ce même système solaire, deux autres planètes sont habitées : Motavia, planète désertique, et Dezoris, planète gelée. Algol est dirigée par le roi Lassic, autrefois célébré pour sa bienveillance, il est devenu un tyran cruel : des poches de résistance se forment, où l'on retrouve le frère d'AlisNero. Hélas, ce dernier est tué par les armées de Lassic : Alis commence sa quête pour venger la mort de son frère. Une sorte de félin doué de parole, un mage et un guerrier la rejoignent dans sa quête. Ils finissent par comprendre que Lassic est en fait sous l'influence d'une entité absolument maléfique : The Dark Force.

Si je prends le temps de détailler le scénario, c'est parce que les quatre jeux partagent le même univers, la même mythologie, les mêmes bases : on retrouvera toujours AlgolPalmaMotaviaDezoris, la Dark Force... et en un sens Alis et le principe d'un félin étrange. Parmi d'autres protagonistes et mythes récurrents. Je vous passe les sorts, techniques et objets qui sont également les mêmes dans les quatre jeux (pour les principaux en tout cas) : même si ces jeux ne finissent pas toujours bien (eh non), même si au moins 1 000 ans les séparent chacun, ils se suivent. C'est une des caractéristiques principales de ces quatre Phantasy Star.

Concernant ce premier PS, vous aurez remarqué que l'on incarne donc une femme guerrière. Qui est loin d'être un avatar vide et sans personnalité. Et vu les graphismes de l'époque, personne ne jouait à ce jeu pour apprécier les formes généreuses d'Alis (qui n'étaient d'ailleurs pas spécialement généreuses à en croire la jaquette du jeu). En 1987, même fin 1987, c'est à noter.

Techniquement, bon, on ne va pas se mentir, on est bien sur Master System. On avance dans les donjons en vue subjective case par case, les combats sont au tour par tour et assez simples (à suivre : ils peuvent être difficiles). Le jeu n'est ni trop facile ni réellement compliqué, par contre les labyrinthes peuvent vite devenir complexes, la vue subjective (et le graphisme répétitif dans un même donjon) n'aidant pas : il est plus que conseillé de jouer soit en traçant soi-même un plan sur un papier quadrillé, soit en ayant un plan sous les yeux. "A l'ancienne". En dehors de ça, certains combats sont difficiles mais rien de très méchant, au pire on monte un peu en niveaux et ça passe.

Il est sans doute à faire pour connaître l'univers, mais c'est plus une introduction qu'autre chose. Il a pu titiller l'imagination des joueurs à l'époque grâce à son univers 80% SF - 20 % fantasy, ce qui était rare à l'époque dans le jeu vidéo, mais aujourd'hui c'est plus commun : je ne conseillerais pas de le faire comme premier PS, il est plutôt à réserver pour ceux qui connaissent déjà l'univers et souhaitent approfondir. A mon sens.


Les donjons sont souvent... "assez bruts".

Journée shopping avec toute l'équipe.(Cette image est plus sombre que dans le jeu d'origine, mais c'est ce que j'ai trouvé... flemme de chercher trois heures !)


 
Quelques efforts graphiques cependant, ici et là.

 

Suit PHANTASY STAR II, sorti en mars 1989 sur Megadrive (soit très peu de temps après le lancement de la console, qui remonte à fin octobre 1988) :

Notez la mention d'un livret de 110 pages, en fait une soluce, vendu -avec- le jeu. Et ça n'est pas juste pour le marketing : ce jeu est vraiment, vraiment compliqué. Sans l'aide d'une soluce, il est garanti que vous allez vous arracher les cheveux dans la plupart des donjons (les premiers sont simples, mais rapidement... ça va changer !), rater des personnages jouables très utiles, des quêtes annexes etc. Vous pouvez peut-être terminer le jeu sans ça mais... bon courage. Parce que même avec, vous allez mourir. Beaucoup. Ce jeu est DIFFICILE. Si le premier PS avait planté le décor, c'est PS II qui va vraiment lancer la licence et lui faire connaître un très grand succès (largement mérité) (en toute objectivité, s'entend).

Nous voilà donc 1 000 ans après les évènements du premier PS. Motavia (aussi appelée Mota) a été terraformée : grâce à un système de machinerie complexe, la nature a pu se développer, permettant à plusieurs villes de prospérer. Rolf, un agent du gouvernement, fait un cauchemard : une fille, qui ressemble à Alis même si on ne la voit que de dos, combat un démon, Rolf se réveille en sursaut alors que la fille de son rêve est à deux doigts de mourir. Il part ensuite prendre ses ordres pour la journée : on lui demande d'enquêter sur une hausse soudaine de biomonstres (il y en a toujours eu, mais pas autant, et pas aussi dangereux). Ca va évidemment mal tourner, puis encore pire, etc. Même pas sûr que ça s'améliore beaucoup à la fin.

Ce jeu a marqué parce que, pour le coup, on est totalement dans de la SF. Sa thématique environnementaliste est également très présente, beaucoup plus que dans le premier épisode. Les développeurs ont tellement voulu mettre l'accent sur la problématique, plutôt que sa solution, qu'après avoir battu The Dark Force (aucun spoil, c'est le "boss final" de tous les Phantasy Star), on doit encore faire face à un groupe d'humains qui admet totalement avoir surexploité le système planétaire (pas juste une planète !) pour satisfaire un mode de vie fort peu économie, s'ensuit un combat... dont on ne connaît pas la fin. On peut le deviner, peut-être, dans un des épisodes suivant, mais c'est tout : pour les développeurs, la question prend le pas sur la réponse, ils refusent même que le joueur puisse aboutir à une réponse positive (sur cette thématique).

Un autre aspect important dans PS II est son côté dramatique : ça commence mal, ça continue mal, et ça ne finit pas forcément beaucoup mieux. Avec quelques moments vraiment marquants. Par exemple, FF7 n'est pas le premier jeu où l'on voit mourir un des personnages principaux, après avoir passé de longues heures à s'y attacher...

Graphiquement, ça s'est amélioré depuis la Master System, encore heureux. Mais... admettons-le : ça reste austère. Si on aime PS II, ça ne sera probablement pas pour ses graphismes. Par contre, musicalement, ils se sont fait plaisir :  

Ou en plus connue : 

Pour beaucoup, PS II est -le- Phantasy Star de référence, pour son histoire, sa difficulté ("je vais y arriver" / "la fin du donjon, bientôt, pitié !" / "par où on passe pour aller à TEL endroit ?!?"), peut-être aussi parce que les différences entre les différentes races de l'univers de Phantasy Star commencent vraiment à prendre de l'importance : leurs différences de vues, de buts, d'idéaux. C'est un jeu assez politique l'air de rien, pas que pour son aspect environnemental.
Pour ma part, je ne peux quand même pas m'empêcher de lui reprocher son apparence austère et le fait que oui les mélodies sont très bien trouvées etc., mais ça reste assez souvent les mêmes types d'instruments, ce qui peut finir par lasser. Ca reste un jeu absolument majeur pour plein de raisons, c'est juste qu'il n'est pas exempt de défauts pour autant.


Certes, c'est plus joli. Encore qu'ils ont évité le problème des arrière-plan en combat, qui pouvaient être jolis dans le 1er (pour de la Master System).


En ville. Les donjons se font avec la même vue (et c'est tant mieux, ils sont bien assez complexes comme ça, alors même que l'on peut visualiser ce qu'il y a autour.)


Les graphismes s'améliorent dans les "cinématiques"... mais elles sont rares !


Le jeu avec un plan de la planète principale et le manuel (manque la soluce sur cette photo).

 

PHANTASY STAR III sort en avril 1990 au Japon, un peu plus d'un an après dans le reste du monde :

Nouveau bond de 1 000 ans dans le temps, pourtant la civilisation semble avoir fait un bond en arrière : l'aventure commence dans ce qui ressemble à un monde médiéval. Les Orakians et les Layans se font la guerre depuis 1 000 ans : la légende dit que leurs fondateurs (Orakio et Laya) ont cherché à négocier un armistice, avant de disparaître tous les deux. Chaque peuple reprochant à l'autre la disparition de son chef, toute communication entre leurs mondes respectifs a été suspendue, au plus se côtoient-ils pour prolonger cette guerre. Le jeu commence alors que Rhys, prince héritier des Orakians, s'apprête à épouser Maia, qui s'est échouée sur une plage près du village quelques mois auparavant. Bien évidemment, elle est amnésique et se fait enlèver pendant pendant la cérémonie, il faut donc partir à sa rescousse, rapidement on comprend que ça va bien au-delà etc. 

L'originalité principale de ce jeu est qu'il se passe sur trois générations : à la fin de chaque "génération", vous avez le choix entre deux épouses. Il ne s'agit pas de sombres inconnues que l'on vous met tout à coup entre les pattes, mais vraiment de personnages que vous aurez appris à connaître, soit parce que l'histoire a beaucoup tourné autour d'elles, soit parce qu'elles ont combattu à vos côtés (voire les deux). Et ce choix n'est pas purement accessoire : selon votre choix, vous ferez plutôt avancer telle ou telle partie du scénario, notamment (mais pas seulement) en contribuant à apaiser ou en hâtisant ce conflit entre Layans et Orakians. L'essentiel du scénario restera le même, mais vous apprendrez quelques détails différents sur l'histoire générale, la manière de résoudre certaines énigmes sera différente, les fins sont différentes etc. C'est à la marge hein, mais ces différences peuvent être notables (surtout entre certains petits-enfants, voir des soluces pour plus de détails).

Une autre originalité de ce jeu est que vous pouvez choisir de spécialiser vos personnages, non pas par un système de point à attribuer mais avec une "réglette" que vous pouvez modifier à tout moment : soins, attaque, magie (et je ne sais plus quoi). Avantage : un personnage doué pour la magie que vous dédiez totalement sur la magie sera une machine de guerre en magie. Inconvénient possible : il ne saura pas forcément faire grand chose d'autre (ma manie des personnages équilibrés...) Inconvenient principal : si vous le dédiez à l'attaque physique, ça deviendra un mauvais personnage, alors qu'à la base il est très bon. Mais bon, c'est assez classique dans ce type de paramétrage. Même si, en 1990, c'était encore loin d'être fréquent d'avoir ce type d'option.

Le jeu n'est pas particulièrement difficile (surtout si vous avez survécu à PS II !), et c'est tant mieux : il faut le refaire plusieurs fois pour tout voir, on peut certes garder ses sauvegardes ce qui évite d'avoir à -tout- refaire à chaque fois... mais quand même ! Si en plus il était difficile, ça serait infernal. Là, avec cette difficulté-là, c'est un bon milieu (pour moi en tout cas : certains ne l'aiment pas parce qu'ils le trouvent trop facile... surtout après PS II). Les graphismes sont devenus beaucoup plus jolis, la musique est vraiment très réussie... je dois l'avouer, c'est mon préféré (voire, sans doute, un de mes RPG préférés toutes époques confondues) !


Ca n'est certes pas des graphismes à tomber par terre, mais ça se défend quand même.


Même idée, sur l'intro.

Et la musique, via une playlist parce qu'elle est belle :

 

Phantasy Star IV se passe 1 000 ans après non pas PS III mais PS II : on revient sur Motavia et ses voisines, alors que PS III se passait sur une sorte de vaisseau spatial géant. Donc oui, PS III et IV se déroulent en fait en parallèle. PS IV sort en décembre 1993 au Japon, février 1995 aux USA et décembre 1995 en Europe (il fallait être patient à l'époque !).

Motavia est redevenue une planète désertique, où les hommes essaient de vivre malgré les biomonstres qui pullulent. Des chasseurs aident la population à faire face à ces monstres, le héros se rend compte qu'une menace plus globale rode etc. : assez classique. Notons quand-même que le héro, Chaz, a pour mentor une certaine Alys... ce nom rappellerait-il quelque chose ? 

Malgré tout, c'est dans ce jeu que les origines du système d'Algol, ses ramifications etc. seront le plus creusées. Peut-être un peu trop d'ailleurs, ou de manière pas assez travaillée (/trop confuse) : si le scénario est très complet, je le trouve un peu brouillon. Notamment en ce qu'il mélange quand même beaucoup le très désuet et le beaucoup plus grave. D'un autre côté, beaucoup l'apprécient justement pour ça : c'est sans doute une question d'appréciation personnelle.

Cette fois-ci, un peu de renouveau a été amené aux combats avec un système de macros et surtout de techniques combinées. Les macros sont devenues assez classiques, il s'agit de prévoir à l'avance dans quel ordre quel personnage effectuera quelle action. Les techniques combinées permettent de déclencher une technique beaucoup plus puissante quand au moins deux personnages lancent telle et telle technique. Pour un jeu sorti en 1993, ce sont des systèmes de combat qui étaient encore assez rares (je n'ai pas souvenir d'autres jeux qui aient devancé PS IV là-dessus, mais je suis loin de connaître tout ce qui a pu se faire).

Une autre nouveauté importante est le déroulé des cinématiques, à la manière de strips de BD interactifs : ils s'affichent petit à petit sur l'écran, avec des jeux sur ceux qui vont masquer les précédents, ou la manière avec ils vont s'imbriquer, faire partir une autre image de l'écran etc. Autrement dit des BDs interactives avant même que le développement d'Internet n'amène certains à développer ce concept pour de "vraies" BDs.

Une dernière nouveauté, même si elle n'est pas énormément développée dans PS IV, est le principe de la guilde, avec des missions totalement accessoires mais qui permettent de gagner de l'expérience et d'approfondir un peu plus "l'univers" du jeu. Là encore, c'est devenu très commun mais ça ne se faisait pratiquement pas à l'époque (et sera développé jusqu'à l'excès, ou presque, dans des jeux comme les PS Online, hein).

Graphiquement, on reste dans l'esprit de PS III en un peu plus travaillé. Comme ce principe de cinématiques est très mis en avant dans le jeu (il faut dire que c'est une bonne idée !), on voit plus de cinématiques que dans les jeux précédents (sans qu'il y en ait trop non plus), on apprécie donc plus régulièrement leurs graphismes plus travaillés.

J'aime bien cet épisode, mais je lui préfère quand même PS III, ne serait-ce que pour le travail sur le scénario. Malgré tout, au moins pour ce système de cinématiques en strips et tout ce qu'il permet de faire, et éventuellement pour expérimenter avec les techniques spéciales et autres macros, PS IV vaut le détour. Là encore, c'est mon avis personnel : ceux qui trouvent PS II trop long ou trop difficile auront souvent PS IV comme jeu préféré.


En combat : bon, ok, ça n'est toujours pas l'extase graphique, mais au moins ça s'est amélioré !


En ville, idem.


Un exemple de strip, sa version "statique" en tout cas.

Idem.


Oh ben ça, mais que sont-ils donc devenus ?

 

 Arrivée à la fin de cet article, j'espère avoir pu montrer que OUI Phantasy Star a eu une vie avant ses opus "en ligne", il s'agit même de jeux qui ont chacun vraiment apporté quelque chose au jeu vidéo : dans la grande histoire du jeu vidéo, on ne peut pas, on ne doit pas les ignorer. SURTOUT QUAND ON EST JOURNALISTE JEUX VIDEOS ! ET SPECIALISE EN JEUX JAPONAIS ! OH ! ROTUDJU !