Il faisait un soleil de plomb ce jour-là. L'atmosphère gorgée d'humidité qui nous écrasait était presque palpable et les quelques degrés orphelins que nous avions laissé en France s'étaient littéralement décuplés sous le soleil cuisant de la Thaïlande. Le circuit organisé que nous avions rejoint en amoureux, ma douce et moi, afin de partir à la découverte de cet envoûtant pays laissait alors envisager un séjour riche de mythes et d'histoires. L'une d'elle, inattendue, allait d'ailleurs retenir mon attention un peu plus que les autres...

 

Alors que nous sortions tout juste d'un abondant repas dont les succulents relents de sucre et de sel mélangés si typiques de l'Asie caressent encore mes narines aujourd'hui, se tenaient en face de nous deux hommes échappés du groupe de touristes que nous étions et qui discutaient à bâtons rompus. Intrigué par la passion marquée qui alimentait ce débat, je tendais alors une oreille discrète mais intéressée. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant le sujet de ce dialogue animé : loin de toute considération pédagogique sur l'histoire du pays généralement abordée en pareil contexte, l'avis des deux joyeux compères divergeait tout simplement sur la date qui avait vu naître le premier ordinateur familiale !

Incapable de rester de marbre, Bouddha me pardonne, j'oubliais le but de ma visite un instant et prenais part à la conversation. Et autant dire que je n'allais pas être déçu du voyage, loin de là !

 

L'un des deux sympathiques acolytes, qui s'était déjà illustrés au cours de notre périple par sa jovialité communicative et son obsession dévorante pour les mets et plaisirs asiatiques les plus insolites, avançait des arguments étonnement justes et précis. Des repères temporels rigoureux et de nombreuses marques de micro-ordinateurs plus obscures les unes que les autres sortaient de sa bouche avec une telle aisance que je n'ai pu me contenir de lui demander d'où lui venait une telle culture vidéoludique. Sa réponse tomba comme un couperet, fendant le peu de souffle que le climat ambiant daignait encore m'accorder :

« J'ai été l'un des pionniers, si ce n'est le premier, dans la vente de console de jeux et d'ordinateur dans le Sud-Ouest de la France ! ».

En une phrase, tout était dit. A plus de 12000 Km de l'hexagone, de Pix'n Love et du moindre retrogamer francophone, je trouvais encore le moyen de tomber sur l'un des acteurs clef à l'origine de la passion qui nous réunis tous les deux mois sur ces pages.

 

D'un naturel plutôt curieux et irrémédiablement attiré par la nouveauté, c'est en important pour la première fois en France quelques exemplaires de la Radofin (une console Pong sortie à la fin des années 70) qu'Eric Grenier se hasarde à la vente dans le domaine naissant du jeu vidéo. L'expérience s'avérant plus que concluante, puisque son stock se volatilise en quelques jours, il décide alors de se lancer plus sérieusement dans l'aventure en montant sa propre enseigne BASE 4 dans la ville de Pau. Ainsi, c'est en côtoyant régulièrement les plus grands du milieu, tels que la célèbre Marion Vannier d'Amstrad France par exemple, qu'au fil du temps Eric fait défiler sur ses étagères machines et softwares. Du ZX-80 à l'Amiga, de Pong à Civilisation, du Paddle au Joystick, c'est toute l'essence de l'âge d'or de l'informatique qui vient s'épancher dans le petit magasin.

 

Autant dire que la suite de la conversation fut nourrit de nombreuses anecdotes authentiques et insolites. Comme cette fois où, persuadé d'avoir passé commande de douze TI-99/4a, le livreur se présenta devant sa porte avec une remorque contenant pas moins de 144 machines ! Il y avait eu comme un léger malentendu lors de la commande, son interlocuteur ayant compris qu'il en désirait douze douzaines ! Véritable casse-tête pour entreposer une telle quantité de matériel, le préjudice était d'autant plus grand que la machine était en fin de vie et devait même subir une baisse de prix conséquente dans les semaines qui allaient suivre. Mais le fervent défenseur d'Atari trouvait rapidement une parade. En effet, afin d'écouler jusqu'à la moindre machine tout en conservant sont tarif initial, il a tout simplement adjoint divers logiciels et périphérique peu onéreux afin de constituer des bundles attractifs qui se sont vendus jusqu'au dernier !

 

 

 

Si c'est avec une joie évidente qu'Eric évoque aujourd'hui ses souvenirs, il n'en retire cependant aucune nostalgie vibrante. D'une nature dynamique, il considère cette période comme un beau chapitre du grand livre de sa vie active, mais dont les pages sont définitivement tournées. Enchainant par la suite différents métiers, il est aujourd'hui chauffeur de taxi à Pau. Alors si d'aventure vous deviez recourir à ses services, soyez certains que c'est avec plaisir et malice qu'il se prêtera volontiers à un petit quiz sur l'informatique d'antan, le temps d'une course...

  

Eric Cubizolle

 

e="color: #000000;"> 

Eric Grenier :