Avec l'émergence d'Hatred, qui se répend comme une trainée de poudre sur la toile en jouant sur la vague facile du "scandale", du "choc", pour acquérir à la reconnaissance; on ne peut avoir qu'une envie : taire ce nom pour que ce jeu ne devienne jamais une tendance. Mais pourtant, peut être qu'au contraire, il vaut mieux mettre le doigt sur ce phénomène pour le dénoncer, inquiéter, poser les bonnes questions...

Dans les faits, les enfants dès 8 ou 10 ans jouent aujourd'hui à GTA 5. A dix ans, on jouait à Resident Evil ou Mortal Kombat. Plus tard à Doom, Quake, Blood, Daikatana. La question qu'un moraliste se poserait survient alors : à quel moment le déclic d'un parent ou de la société responsable elle-même poussera à tester ou s'informer avant achat, ou a contrôler, voir censurer ? Dans quelle mesure la violence d'un jeu vidéo est elle nuisible ? Sommes-nous (génération Fatality et Kamehameha) vraiment plus violents que les générations précédentes ? Ou le jeu vidéo ne serait-il pas plutôt un exutoire pour la pulsion de Thanatos, là où l'industrie du porno canaliserait celle d'Eros ?

Pour en revenir à Hatred, la norme PEGI n'est donc évidemment pas un frein. Une barrière de bois pourri. Si le jeu sort, s'il est reconnu et accessible, Hatred tombera forcément dans les mains des plus jeunes.

Pourtant, Hatred, c'est ça :

Si ont émergé des Goat Simulator, vous pourrez désormais jouir d'un "Bowling for Columbine Simulator". Allez, ce n'est pas la première fois qu'un jeu vous demande de "foutre la merde". Rappellez vous "State of Emergency", sorti en 2002 sur PS2.  Mais ce n'est pas la violence qui pose problème. Suffisamment de jeux ont montré que la relation violence/jeu vidéo n'était pas un frein à l'achat pour qui que ce soit, à l'excepté de ceux qu'on accusera d'être des puritains. Fait intéressant, d'ailleurs : plus la génération de console passe, plus les jeux se radicalisent dans la violence.

Ce n'est pas non plus l'accusation d'opinions extrêmistes qui pèse sur l'équipe de développement (via le fameux diatribe ici présent). Quand un jeu est bon, on peut se moquer du fait que son auteur ou team de dev soit les pire fils-de-pute-imbuvable-nazi que la terre ai porté ou une double-crême super sympa qui sauve des koalas en conduisant des hybrides. Celui qui a préparé votre pizza est peut être sympathisant des jeunesses hitleriennes ou de l'état islamique (voir les deux). Tout jeu mérite d'exister, peu importe les opinions de ses créateurs, tant qu'il n'incite pas intrinsèquement à la haine.

Finalement, le problème, dans Hatred, c'est qu'il n'a aucun fond qui ne puisse envellopper la tuerie qui le constitue. Comme peuvent l'être SAW ou Hostel, on invite à un bukakke de violence qui ne sert à rien d'autre qu'à être un receptacle de vomi et de chiure de perversité, d'immoralité, de ce qui fait de l'humain un parasite ravageur. Pourtant, dans toutes ces oeuvres, la dimension perverse (assister passivement) créait encore une distance psychique. De la même manière, la perversité active (jeux violents comme il en existe des milliers) avaient toujours pour mérite d'être dans le cadre d'une histoire, d'un gameplay particulier, d'une forme artistique définie. Mais pas Hatred. Tout ce qu'il fait, et qu'il fait bien, c'est créer un embarras (scènes de cris réalistes, qui devraient pourtant titiller le sens moral et la sensibilité, si elle existe encore), en nous mettant devant la violence figurée aussi directement et platement que possible. Une Uncanny Valley du jeu vidéo violent. Sans saveur, sans âme, le jeu est alors un simulateur aussi creux que ces jeux sans nom financés par l'Armée US pour booster ses candidatures. Du serious game, pour sérieux aliénés. 

Hatred n'est pas choquant. Ce serait lui faire l'honneur qui revient aux oeuvres fortes, qui nous surprennent. Le titre essaie de choquer avec son trailer en prenant des raccourcis faciles, vulgaires. Il mérite d'exister au nom de la liberté, mais il mérite aussi d'avoir la même reconnaissance que Grass Simulator.

Mais le jeu à le mérite de poser une question de fond : peut-être que nous avons eu tort d'avoir laissé le jeu vidéo repousser les limites du sexe et de la violence. Peut être n'aurions nous dû pas céder à Grand Theft Auto, Postal, Manhunt, et autre joyeusetés du genre. Peut être que la liberté d'expression doit s'arrêter là où commence la moyenne du sens moral, et que certaines limites ne doivent pas être dépassées pour que subsiste une sorte de conscience, d'espérance.

Autrement, jusqu'où ira la course à choc, et combien de simulateur de viol de bébé faudra t'il pour se convaincre que la violence, c'est classe et cool, mais seulement quand elle s'enroule dans les draps sales de la morale universelle ?

Et vous, que pensez vous d'Hatred ?

De la liberté d'expression ?

A vous,