Article publié il y a deux semaines. Cette semaine, sur Birganj, ont été publiées les critiques de Phoenix Wright 5 et Batman : Arkham Origins.

Rendez vous compte que Vanillaware avait commencé à travailler sur Dragon's Crown pour le sortir sur Dreamcast ? Depuis, le développeur japonais a été encensé pour Odin Sphere ou encore Muramasa the Demon Blade, tous deux sortis en Europe, à l'inverse du RPG Grand Knights History sur PSP. Plus tard, Vanillaware reprend et annonce lors de l'E3 2011 Dragon's Crown sur PS Vita édité par Ignition. Un développement au ralenti et un éditeur financièrement peu actif fait tomber l'attente du titre qui avait émerveillé les mirettes des joueurs. Atlus sauve le projet pour être enfin bouclé : Dragon's Crown sort sur Vita mais aussi sur PS3.

Une attente fort méritée, sans pour autant nous rendre gaga...

Du RPG arcade, ça existe ça ?

Dragon's Crown semble aux premiers abords à un beat'em all arcade old school. De la 2D, un scroll horizontal avec déplacements en profondeur et multiples ennemis copiés-collés remplissant l'écran bloquant l'accès au suivant. Le joueur choisit son personnage entre six disponibles, où il pourra sauter et marteler son bouton « carré » suivant plusieurs variantes (en sautant, en poussant le joystick vers le haut, vers le bas, ou en maintenant le bouton). Jouable jusqu'à quatre simultanément, online ou offline, nous avons tous les ingrédients du bon vieux beat'm all 90's. Comme si ça ne suffisait pas, les pancartes clignotantes « Go --> », la nourriture en guise de HP et les revives avec invincibilité temporaire de quelques secondes sont là pour nous le cadrer en plein milieu de la figure.

Puis, petit à petit, on comprend que la dimension RPG importe plus que prévu. Non seulement le joueur devra gérer son équipement offensif et défensif, notés de S à E, utilisables qu'à partir d'un certain niveau, obtenant des bonus spécifiques (+15% de dégâts contre ennemis humains, morts-vivants, etc). Mais surtout, il gagnera lui même des niveaux, augmentant ainsi ses stats d'attaque et de défense, ainsi que des points de compétence pour débloquer différents niveaux d'attaque, augmenter ses HP max, améliorer la protection de ses partenaires, bref, beaucoup d'éléments statistiques et textuels pour ce qui semblait être un pur beat'em all. Ainsi, comme tout élément de RPG d'appoint de jeu vidéo, plus jouerez, plus vous augmenterez votre score, plus vous augmenterez votre niveau, plus vous gagnerez de PC, plus d'argent, plus vous avancerez rapidement, etc. Du grosbillisme en somme. L'argent a aussi une importance double puisque outre récupérer les équipements en fin de mission, il servira aussi à ressusciter votre personnage. Le coût augmentant proportionnellement au niveau. Et vous allez ressusciter beaucoup, surtout si vous enchainez les niveaux d'une traite.

En effet, le jeu ne vous demandera pas un gros skill tant les ennemis fondent sur vous par paquet sans aucune résistance, se laissant envoler par des airs combos facilement déclenchés d'une simple poussé de stick. En revanche, comme n'importe quel RPG, un faible niveau ou une arme trop légère vis à vis d'un boss vous posera des problèmes. Pour ça, Vanillaware a trouvé la parade, simple comme bonjour : vous faire refaire les mêmes niveaux. Dans un premier temps pour boucler des quêtes annexes vous offrant par la même occasion un point de compétence supplémentaire, vous demandant parfois des actions particulières. Mais aussi dans un second temps, débloquant un second boss dans le même niveau... Dont le second passage sera aussi assujetti à une nouvelle quête annexe. Autrement dit, vous aurez une raison de boucler quatre fois les mêmes niveaux. Répétitif, vous avez dit ? Assurément. C'est le plus gros problème de Dragon's Crown car même si ces niveaux sont très courts (une poignée de minutes), idéals pour des sessions rapides, parfaites pour une portable (si vous y jouez sur Vita), la redondance de les re-parcourir juste pour monter de niveau ou récupérer du loot, tel un lourd hack'n slash est trop présente. C'est une simple augmentation artificielle de la durée de vie. Rien n'empêchait les développeurs de donner à jouer à un jeu bien plus court tel un jeu arcade mais plus intense. Car si les premiers runs de fun et de découvertes nous font jouer à un jeu fluide et punchy par une animation tranchée et très rapide dans ses actions (un petit peu comme l'animation des Guilty Gear) ; dès la redondance découverte, la déception et le manque de renouvèlement se fait sentir. Et ce n'est pas la présence de six personnages à la classe bien différente (chevalier, archer, sorcière, mage, nain, amazone) et donc au set d'attaques bien particulier, qui changera la donne puisque ce sera la même histoire et surtout les mêmes niveaux quelque soit votre choix. Restera le plaisir éphémère de se replonger quelques minutes de temps à autre dans un univers et un gameplay huilé ou le temps de rejoindre des parties en ligne toujours plus vivantes et amusantes avec des êtres de chair et d'os comme compagnon de route.

On-Drague

Dire que Dragon's Crown est de toute beauté est un euphémisme. Totalement en 2D, à part quelques très légers monument en 3D pour simuler un mouvement circulaire, notamment sur une tour, le boulot de Vanillaware est une explosion de couleurs et d'une finesse rarement vu. Y jouer sur l'écran Vita offre le meilleur cadre possible pour ces sprites fins, lissés, sans pixels de trop dont la caméra est capable de dézoomer pour offrir des backgrounds riches offre un confort mais surtout plaisir visuel certain. Outre des couleurs fortes, on a droit à un univers européen médiévale réinterprété par le trait excentrique japonais. Ainsi, les déformations corporelles, exagérant les atouts de chaque personnage (musculature, taille, croupe) servant aussi à leur donner du caractère, ainsi qu'une allure et une animation spécifique. L'univers ressemble à celui des contes fantasy où chevaliers se battent contre les dragons et autres mages maléfiques au nom du Royaume, sans jamais se prendre au sérieux, mais sans jamais non plus tomber dans la naïveté. Vous croiserez des nymphes, des sirènes, des vampires mais aussi des créatures imposantes mettant à rude épreuve votre héroïsme. Il y a un petit côté Conan dans cette illustration du plus fort (un PNJ en est d'ailleurs une copie conforme), capable de côtoyer une pointe de légèreté comme cette souris au chapeau de magicien bleu rappelant le Mickey de Fantasia... Une sorte de fantasy adulte s'amusant à se réapproprier des classiques du genre. Aussi bien dans les personnages que dans les niveaux à base de donjons, de pirates (où l'on se battra littéralement avec un génie), de mythologie grecque, etc. Bref, un pot pourri de références européennes qui perd peut être de son impact chez nous, puisque ces éléments font partie de la culture populaire mais offrent au travers de ce regard japonais et ces peintures numériques un univers qui nous donne envie d'y retourner. Même chose évidement pour la musique, où des notes d'instruments de ménestrels (non ce n'est pas la définition d'un blogueur) nous accompagnent en ville, tandis que les cuivres sont de mise pour la place royale. Les inspirations européennes du titre rendent finalement le choix de la langue anglaise par défaut le plus justifié, même si on pourra choisir les voix japonaises pour les personnages jouables. Et vu qu'ils ne disent pas grand chose, le son anglo-saxon colle parfaitement à l'image. Tout donne matière à nous faire traverser un univers littéralement épique et ce, sans fioritures comme des mises en scène inutilement grandiloquentes. Ici, une iconographique riche, fixe mais riche, accompagné de texte et d'un narrateur anglais à la voix solennelle donne le ton et le courage à de s'aventurer ans ce beat'em all RPG-esque.

Histoire de poursuivre cette ambiance épique, vous pourrez aussi enchainer différents niveaux d'une traite, sans retour au village pour vous soigner ou réparer votre équipement moyennant finances. Mais évidement, si vous pourrez gagner des bonus d'argent ou autre, vous n'aurez qu'une quantité de potions limitées... Amusant mais dispensable est que vous pourrez préparer des repas à la belle étoile en cliquant via l'écran tactile de la Vita (en avec le joystick droit autrement) : choisir ses aliments, ses récipients et l'action à effectuer pour ainsi rebooster vos troupes. Ce n'est pas grand chose mais participe à l'ambiance de l'univers, bien travaillé.

Cette richesse visuelle a néanmoins un défaut. Toutes ces couleurs, tous ces gros sprites dans ces niveaux assez étroits font que l'ensemble peut finir par brouiller la visibilité du joueur. Même la présence d'un petit cercle de sélection ne suffit pas pour retrouver son personnage dans un flot d'ennemis accompagné de trois alliés (avec parfois de légers chutes de framerate visibles)... Heureusement, le jeu incitant au bourrinage, cela ne nuit pas à la réussite du joueur. Juste à son confort. On notera aussi une collision parfois assez hasardeuse, capable de toucher certains ennemis à la ronde puis parfois demander d'être parfaitement aligné. Vu que le personnage est relativement lent en déplacement, ce léger manque de précision peut agacer. Mais là encore ceci n'a rien d'éliminatoire au vu de la boucherie issue d'une maniabilité aisée, faisant rapidement oublier les mini couacs techniques du jeu.

Le plus gros défaut de Dragon's Crown se situe dans la répétitivité de ses niveaux que l'on passe en boucle, avec des quêtes annexes peu passionnantes pour justifier un minimum ces redites, un set de six personnages qui n'offre pas de renouvèlement de level-design, bref... L'aspect RPG du jeu offre peut être des approches intéressantes en matière de loot mais qui ne concordent pas vraiment avec le game design beat'em all old school de base. Ainsi, six aventures bien plus courte, plutôt qu'une longue aventure à base de redites aurait permis de mettre largement en valeur la qualité des personnages proposés en diversifiant et surprenant le joueur, là où à l'heure actuelle, l'ennui arrivera bien vite... Même si une très rapide partie ne sera jamais de refus. Techniquement abouti, graphiquement très joli et musicalement envoutant, la patte de Vanillaware vous fera succomber à n'en point douter et c'est bien ça qui vous incitera plus facilement à relancer le jeu. Mais le fait est là, à cause d'une quantité de niveaux trop limitée et d'une mécanique grosbillisme répétitive, Dragon's Crown n'arrive pas à captiver totalement, laissant un goût d'inachevé dans ce processus de développement bien long et bien lourd.

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