Article publié la semaine dernière. Cette semaine, c'est une critique de Dragon's Crown et un article (et non une critique) sur The Stanley Parable et le libre-arbitre, sur Birganj.

Si t'aimes pas David Cage, tu ne lis pas. Voilà en substance ce que la presse française nous raconte quand elle parle de Quantic Dream et plus précisément de Beyond. Avec des multiples interviews, avis et critiques répétant les mots-clés de la communication de David Cage, à base d' « émotion » et de « différence » comme si c'était là, les seuls qualités du jeu, sans défaut aucun puisque vu que c'est différent, tu dois acheter comme acte militant. Cette caricature n'en est pas une. La communication autour de Beyond dont la presse, notamment généraliste donc qui n'a que faire que disséquer du jeu vidéo (et certains sites JV dont l'indépendance d'expression reste à prouver), a été un véritable matraquage publi-rédactionnel. Devant une telle absence de recul et d'esprit critique, les propos de Cage sont amplifiés provoquant la nausée chez certains joueurs suivant de (très) près l'actualité ou chez des joueurs un peu trop traditionalistes. Il est néanmoins plus que dommageable de voir un studio français être aussi bousculé dans son propre pays... Voyons ainsi pourquoi, pour le bien de Quantic Dream, sa société, et probablement pour lui-même, David Cage devrait revoir son axe de communication.

Fusillades et voitures, les fléaux du jeu vidéo

Le premier défaut, et pas des moindres, est de partir d'un postulat de départ biaisé. Quand David Cage parle de l'état actuel du jeu vidéo, il en parle comme si Papy Mougeot voyait son petit-fils Kevin jouer à Call of Duty. Ou comme Tata Huguette surprenant Jean-Baptiste ne pas respecter les feux rouges dans GTA... Autrement dit, le discours non seulement d'un ignorant complet en matière de diversité vidéoludique mais en plus avec un ton moralisateur des plus embarrassant digne d'une vieille chouette qui a peut être été tondue en 46. Point Godwin, check. Plus sérieusement, la caricature bête et méchante du jeu vidéo de la part d'un créateur du milieu est plutôt cocasse. Nous ne sommes pas dupes, il fait référence non pas à la production générale du jeu vidéo mais aux succès massifs qui alimentent les consoles en millions d'unités. Néanmoins, vous le dites une fois, deux fois... Mais quand vous le rabâchez depuis au moins 2010 (sortie de Heavy Rain, qui avait droit à plus de com' que Fahrenheit) à chaque interview, même la plus fugace qui soit, sans ajuster d'un iota le postulat, on finit par croire qu'il généralise et qu'il ne connait rien d'autre que ça.

Quand sur Allociné (le 28 septembre 2013), il déclare sans aucune gêne : « Personnellement, j'ai bataillé pendant des années, depuis Fahrenheit, pour parler d'émotion dans les jeux vidéo. Tout le monde me prenait pour un alien. Aujourd'hui, les choses ont évolué. Les développeurs ont la volonté de placer de l'émotion dans leur soft et le revendiquent. »

Sous-entendant que grâce à lui, les jeux vidéo parlent « d'émotion ». Là où Planescape est, par exemple, considéré par beaucoup comme le travail d 'écriture le plus abouti dans un jeu vidéo... Là où le jeu vidéo japonais de l'époque 16-bits s'échinait à faire passer toute sortes d'émotions, allant de la joie, du l'angoisse ou de la tristesse en maniant le pixel par l'intermédiaire de textes et de musiques, notamment en RPG... Quelque chose ne va pas. David Cage ignore t-il réellement ces expériences, ces travaux ? Feint-il l'ignorance pour une auto-congratulation permanente ? Renie t-il ces jeux du passé pour leurs mécaniques trop « joueuses », lui qu'il n'aime pas considérer le jeu vidéo comme un jouet, trop connoté enfantin ? Difficile de cerner sa propension à inventer ou du moins déformer un postulat de départ. Un peu comme quand il compare la situation du jeu vidéo à la censure du Cinéma des années 50, sur la même interview :

« Avoir deux personnages qui s'embrassent, une scène un peu sensuelle, une goutte de sang, ça pose problème. Surtout pour tout ce qui concerne le sexe. Il faudrait qu'un jour on puisse avoir un jeu qui parle de politique, d'homosexualité, de handicap... On peut parler de n'importe quoi dans un jeu dès lors que c'est fait avec sensibilité, avec intelligence et avec goût. »

Cette citation est très intéressante puisqu'elle débute par une généralité « parler de sexe, montrer de la violence, de sujets lourds etc » qui pourrait être très facilement contredit avec moult exemples de jeux aux sujets matures, comme le studio Pendulo qui a voulu aborder l'univers des sans-abris dans Yesterday, on a des thèmes historiques qui sont traités comme dans les Europa Universalis ou Victoria, des réflexions sur la Guerre dans Spec Ops, etc... Oui mais, « avec sensibilité, intelligence et goût » nous dit Cage. Et là, ça pose problème car on a envie de répondre très fort avec malice, « comme dans vos jeux ? ». Avec ce rapport à la Mort totalement superficiel illustré par un portail et des esprits comme dans Beyond ? La mort d'un enfant dont la mise en scène abrupte et caricaturale, sans grand tact, a beaucoup été pointé du doigt sur la toile dans Heavy Rain ? Le « bon goût », donc, peut prendre bien des formes. Par ce genre de commentaire des plus ironiques compte tenu de son déni de la réalité de tout un pan de production vidéoludique, David Cage se pose en juge de la production actuelle. Toute l'antipathie du personnage d'un public « connaisseur » vient d'ici : un postulat déformé de la réalité, une absence (ou déni) de connaissance sur la production actuelle, voir (peut être) une absence de lecture subtile comme par exemple, un pixelisé To the Moon peut le proposer.

Comment peut-on apprécier un homme qui non seulement remet en cause l'intelligence de ses potentiels consommateurs, mais qui va chouiner en public des absurdités comme « on est jamais prophète en son pays », après avoir été quelque peu bousculé par un ou deux articles sur Heavy Rain ? Si son postulat de départ est faux, étant donné que le jeu vidéo a quand même autre chose à offrir que des fusillades et des jeux de caisse bêtes et méchantes (en même temps, on ne mate pas une course pour philosopher, les expériences sensorielles existent aussi et sont là pour ça), la suite de son processus de réflexion a de fortes chances d'être biaisé. Notamment sur son influence grandissante auprès de la profession, même si Heavy Rain a été effectivement salué par les professionnels. Juste qu'on ne l'a pas attendu pour travailler en ce sens, Hideo Kojima est le premier à nous venir en tête et a débuté en 88 avec Snatchers... Chez les français, quand Eric Chahi explore les cauchemars de l'enfance dans Heart of Darkness, il n'a pas attendu Cage pour traiter des thématiques humaines avec une approche touchante de naïveté où Andy doit affronter ses peurs pour sauver son meilleur chien, Whiskey (oui on cite HoD et non Another World pour ne pas faire comme tout le monde). Bref, des exemples comme ça, il y en a énormément.

Quand bien même ces exemples ne sont qu'une minorité vis à vis de la grande quantité de jeux vidéo produits, il y a une différence entre déplorer leur manque de déploiement et considérer qu'ils n'existent pas ou alors, seulement après David Cage. A priori, Cage ne connait pas la demi-mesure. Le plus gênant étant qu'il répète la même chose en boucle et que personne chez ses proches ne semble lui faire la remarque qu'il n'est pas le sauveur du jeu vidéo et que cette attitude lui retombera sur le coin de la figure, tant on aime détester les prétentieux, aussi doués peuvent-ils être.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

Quand on n'a pas le sens de l'humilité et que l'on préfère parler de son travail en jugeant celui des autres, le danger est de surexposer son travail à la critique, parfois injuste certes, mais souvent méritée.

On a déjà écrit notre critique de Beyond mais c'est le jeu où le créateur se contredit le plus magistralement. Outre le fait de nous vendre un jeu où chaque action influence l'aventure du jeu (ce qui est faux, une animation différente n'altère en rien les séquences suivantes), Cage qui nous dit qu'on n'a pas besoin d'arme, de sang ou de sexe pour raconter une histoire se sent au final obligé de contextualiser la vie de son héroïne par... des scènes de guérilla, des explosions, des courses-poursuites... Bref, Beyond est un blockbuster. Selon ses propos, Sony lui aurait donné carte blanche. Notons que contrairement à The Nomad Soul, Fahrenheit et Heavy Rain, Quantic Dream n'a pas eu à rechercher des financements. Ce projet Beyond a été directement vendu à Sony. La question : consciemment ou non, y a t-il eu une pression pour implanter des éléments plus... grand public ? Après tout, quand on veut, selon ses mots dans 20minutes (lors d'un question-réponse du 7 septembre 2013), travailler sur le thème de la « différence » et « l'acceptation de soi », il y a des moyens plus intimistes, plus créatives de le traiter... Surtout quand on travaille avec Ellen Page, habituée aux productions indépendantes comme par exemple The Tracey Fragments qui justement se concentre sur la recherche identitaire d'une adolescente. D'un autre côté, sur L'Express publié le 10 octobre 2013, David Cage explique que l'idée de travailler sur le thème de la Mort lui est venu en assistant à l'enterrement d'un de ces proches. On évitera le cynisme de faire remarquer qu'un enterrement va difficilement nous inspirer autre chose que la Mort. D'un côté, la mort et ses spectres, de l'autre, accepter sa différence, comme thématique... Mieux encore, Cage explique dans Le Monde (du 9 octobre), qu'il a « avant tout cherché à parler de la mort sous un angle totalement différent, non pas religieux ou mystique, mais simplement comme d'une réalité physique, la preuve de l'existence d'un autre monde. », en excluant le fait que tout un chapitre de Beyond parle des incantations navajo pour invoquer les esprits... Okay.

Comment ça, chercher chaque affirmation dans la presse pour la contredire, est puéril ? L'intérêt de ces relevés est de montrer que derrière son sentiment d'apporter du changement dans le jeu vidéo, se cache un homme bourré d'intentions, nombreuses et variées... Qui ne sont pas vraiment évidents à appliquer. Maintenant comment tolérer un ratage comme Beyond dans l'incohérence et l'absence de parti-pris franc de la part de quelqu'un qui ne porte absolument aucune, si ce n'est très peu, subtilité critique dans le travail de ses compères qu'il juge infantilisant ou immatures ou quoique ce soit d'autre ? Si vous regardez attentivement les interviews de Cage aux côtés d'Ellen Page et Willem Dafoe, outre le fait d'entendre les mêmes mot-clés de communication, vous voyez d'un côté des gens posés qui t'expliquent en quoi leur expérience d'acteur a été intéressante, par leur jeu, le fait de ne pas voir le rendu de suite (contrairement au Cinéma où vous pouvez voir les rushes), le fait d'être à la fois libéré des contraintes physiques (caméra, marquages, etc) et d'un autre côté pratiquer du jeu pur et brut, du fait que peu d'actrices aient ce genre de script, etc. Et de l'autre, vous avez le réalisateur qui vous rabâche les même mots : différent et émotion. Il va pas vous parler de réalisation hein, nan nan, il va vous parler de différence par rapport à Call of Duty. Le type, il a travaillé avec deux professionnels talentueux du Cinéma, et tout ce qui l'intéresse c'est l'émotion et se comparer à des FPS scriptés. Vous avez d'un côté une adulte de 27 ans qui a un regard merveilleusement lucide et posé sur son travail, préservée des stéréotypes d'Hollywood, et de l'autre un enfant de 44 ans, tout content de parler d'émotion et de ressenti, blabla, digne d'un étudiant en lettres de première année. Cage manque totalement de recul, dans un premier temps, comme nous l'avons vu sur le statut du jeu vidéo. Mais aussi, semble t-il, sur son propre travail où il affirme sur l'Express tout contrôler... Quitte à se planter sur ce qui pour nous est le gros problème de Beyond : le montage et donc de l'intensité de la narration et mise en scène du jeu. Ça devient problématique, puisque nous avons un game designer, s'échinant à utiliser des techniques et un langage cinématographique sans réellement les maitriser... Se retrouvant à diriger deux acteurs talentueux pour un final que l'on qualifiera d'indigne de leur performance d'acting. C'est comme si De Niro se faisait engagé par Uwe Boll... Vous le sentez le malaise ? Le pire étant que certaines séquences sont bonnes. Néanmoins quand vous voyez que pour émouvoir le Jury du Festival du film de Tribeca, le passage montré était celui des sans-abris, où l'on accumule sous un pont : l'alcoolique, le mec en deuil, le camé et la femme enceinte, avec deux tentatives de suicide et un accouchement, les grosses ficelles émotionnelles sont tirées sans grande subtilité... Subtile par le jeu des acteurs, inédit en jeu vidéo, mais tellement hors de propos et auteurisant (par son absence de contextualisation) dans sa mise en scène... Va falloir se remettre en question dans ce que Cage appelle la « subtilité » car on n'y est pas du tout. Sauf si vous vous comparez à FIFA, ça coule de source. C'est comme comparer Shakespeare à Marc Levy. Tellement absurde que ce genre de propos en dévient surréaliste. D'ailleurs, se comparer sans cesse à de la médiocrité semble témoigner d'un certain manque de confiance. Si on compare Beyond à The Last of Us ou Bioshock Infinite (où l'on a eu tout de même beaucoup de choses à dire sur leur narration respective), quand bien même on ne juge pas un travail en fonction de celui des autres, pas sûr que cela tourne à l'avantage du courageux Cage.

Les bons côtés du matraquage

Si, formellement parlant, le matraquage médiatique de David Cage a de quoi être sévèrement remis à sa place pour son postulat faussé, ses directives floues et son absence d'humilité, il faut aussi apprendre à regarder son comportement depuis un autre point de vue. Celui des décideurs, ceux dont dépendent les développeurs pour financer et rentabiliser leurs projets. Des gens, costard-cravate qui sont avant tout des businessmen comme par exemple un Bobby Kotick qui n'a jamais caché que son travail était de faire de l'argent. En utilisant un dialogue caricatural, ne prenant en compte que les jeux multimillionnaires comme CoD et les moult FPS scriptés n'apportant rien ou les TPS copiés-collés que l'on critique ici-même sur Birganj, l'ami Cage, chercherait-il non pas à minimiser le travail de Ueda, thatgamecompany, Eric Chahi, et tant d'autres, mais à maximiser l'impact néfaste des blockbusters un peu trop fatiguant à la longue ? Comme essayer de convertir le joueur marié à Call of Duty (ou ses dérivés) à quelque chose de plus... riche, culturellement parlant. Pas forcément du Quantic Dream, par ailleurs. Non ? Une espèce de lobbying publique où l'on oublie volontairement que la créativité existe, que Sony (avec lequel Quantic Dream est partenaire) investit dans le « indie », bref : de la pure com' d'entrepreneur. Après tout, le public spécialisé, du jeu vidéo, n'est pas totalement demeuré, il sait qu'il y a autre chose. Il voit ces sites spécialisés relayer autre chose que CoD... Mais le grand public, lui ? Celui qui lit Le Monde, L'Express, 20 minutes, Allociné et autres ? Ces medias par qui passent les matraquages lobbyistes plus ou moins discrets, ceux qui se font les relais du citoyen ? Répéter ad nauseam les mêmes propos le plus largement possible est le propre d'un communiquant. Quand vous comprenez ses subterfuges et sa rhétorique, l'écouter tout bonnement insupportable, priant que le peuple ouvre ses oreilles... D'une certaine manière, en insistant aussi grossièrement, sur la « différence » et sur le « jeu vidéo c'est pas que des fusils et des voitures », on a l'idée de vouloir minimiser au maximum l'importance qu'ont ces jeux creux afin de montrer au public quelque peu ignorant qu'il existe autre chose de plus riche. En lançant un appel du pied aux éditeurs : « si les gens vont voir autre chose, vous êtes obligé de vous renouveler. Et en plus, mon jeu différent fait du buzz et des ventes. » Etant donné que l'industrie du jeu vidéo est sacrément rodée où il y a toujours eu des suiveurs et des tendances, et un management industriel de sorte à éviter de perdre le plus d'argent possible, il est naïf de croire que ce modèle changera. Le mieux que l'on puisse attendre, c'est qu'une nouvelle vague arrive qui elle même s'embourgeoisera dans le luxe et la facilité. Mais même ça, ce n'est pas vraiment grâce à David Cage que ça arrivera puisqu'elle arrive déjà, d'autant que cette nouvelle vague d'indépendants a pour beaucoup des références traditionnelles 8 ou 16-bits. Pas vraiment les mêmes que le monsieur.

Il y a l'intention de diversifier la production vidéoludique. Personne ne peut être contre ça. La richesse d'un créateur est sa diversité. C'est pour ça qu'il est dommage et rageant de voir un porte-parole de la diversité au vocabulaire si limité et à la rhétorique si fallacieuse. D'autant qu'à force de s'enfermer dans son leitmotiv, on voit sur Beyond qu'il s'emmêle un peu les pinceaux et aurait grand besoin de faire le tri dans ses idées. Des idées qu'il répète donc depuis quelques années sans en tempérer l'argumentaire et sans en prendre du recul. Autrement dit, à force de jouer aux communicants changeant le monde du jeu vidéo (même sil réfute cette accusation, ses propos parlent pour lui), il en oublierait presque de se poser pour le bien de ses productions. On se pose aussi de sérieuses questions quant à l'influence que peut avoir la sécurité financière qu'a proposé Sony pour expliquer un tel meli-melo sur Beyond : un relâchement ? Une tendance à faire du Heavy Rain allégé pour capitaliser sur la recette qui a marché, sans les défauts relevés par les joueurs (MPAR et QTE jugés, hélas, « inutiles » par beaucoup), rappelant vaguement un retour arrière du temps de Farhenheit et son histoire qui finissait en vrac ? D'autant que sur Examiner, en 2010, il affirmait que son équipe travaillait sur quelque chose de « très différent et surprenant », répétant aussi que son but n'était pas de pondre des Heavy Rain-like. Ce qu'est pourtant Beyond. Et il nous refait le coup encore aujourd'hui en déclarant sur GameInformer que le projet PS4 sera très différent des deux précédents. Difficile à expliquer mais le fait est qu'à l'heure actuelle, David Cage devrait faire attention à ses propos partiales sur son media au risque de se prendre une volée de bois vert au moindre couac. Ce qui serait fortement dommage puisque sa réflexion est des plus louables, qu'elle avait pris une forme très intéressante sur Heavy Rain, que Quantic Dream fournit un travail technique sublime, que faire travailler Ellen Page et Willem Dafoe sur un jeu vidéo, qui plus est français, est à saluer... Et qu'il serait donc dommage de tout ruiner par une absence de remise en question, de recul sur les qualités de cinéaste qu'il a démontré (puisque c'est la voie qu'il emprunte sur Beyond) mais surtout son absence de recul sur son environnement.

Si vous prônez la créativité, les expériences uniques, la diversité, le mélange de cultures, il est très difficile de contester l'approche de David Cage et Quantic Dream. Néanmoins, bien que la prise de risque soit un effort particulièrement exemplaire par ces temps qui courent et bien que la course au financement qu'a effectué le studio depuis ses débuts empêche notre sens moral de tacler sévèrement leur travail, notre sens critique ne doit pas en être affecté. Oui, ils sont français, oui ils en ont chié, oui ils travaillent avec caractère et opiniâtreté... Mais quand un travail comporte des lacunes, il n'y a pas de pire conseil que de les ignorer pour préserver l'ego de ses créateurs. Sur Gamekult (23 août 2013), David Cage demande à ce qu'il soit « jugé », tout comme il juge la production actuelle avec tellement d'œillères. Et bien, on vous juge, monsieur Cage. Pour votre bien et pour le bien de Quantic Dream et le bien de vos jeux, stoppez vos mêmes pleurnicheries répétitives sur les million-sellers du jeu vidéo et concentrez vous à nous vendre votre vision par l'interaction, par le sens de la mise en scène, du cadrage, de musique, par ce que vous avez appris, ou vous allez apprendre en travaillant avec de nouveaux collaborateurs. Bref : parlez du processus de création de vos jeux et non de ceux des autres pour vous justifier ! Avec un peu de chances, vous éviterez de répéter que les gens « n'ont pas tous compris ce que l'on fait ». Parlez acting, parlez rythme, parlez caméras, parlez gestion de lumière. Parlez à des joueurs et des cinéphiles, pas à des demeurés qui ne semblent pas connaître l'« émotion ». Et remettez de l'ordre dans vos idées car vous-même ne savez pas où vous vous dirigez avec Beyond. Moins de blabla, plus de recul. Merci.

(Re)lire l'article, mis en page, sur PG Birganj : en Une ou dans la rubrique "Points de vue".