Article mis en ligne, il y a plus d'une semaine. Ce WE a été publié notre article "Le choix du sujet", avec réajustement de la maquette améliorant la lisibilité des articles et surtout des news.

En 2010, des anciens développeurs de GSC Game World (S.T.A.L.K.E.R.) réunis sous le nom 4A Games sortait une adaptation du best-seller de Dmitri Gloukhovski : Metro 2033. Roman critique d'une société forgée dans la guerre et la haine au travers de ses symboles historiques (nazisme, communisme, religion), Metro 2033 était devenu en jeu, une aventure très sensorielle et pesante où les tunnels moscovites puaient la charogne et la chaleur oppressante pendant que la surface en ruines était irrespirable et dangereuse. Les développeurs ukrainiens avaient réussi le tour de force de matérialiser avec crédibilité l'ambiance étouffante du roman russe. Le jeu n'était hélas pas muni d'un gameplay des plus passionnants. De bonnes mais rares sensations de gunfight, manque d'ambition dans ces séquences, un peu routinier, old school assumé, bref c'est ce qui nous avait empêché à l'époque de porter le jeu aux nues malgré ses qualités. Trois ans plus tard et des petits retard liés aux problèmes financiers de THQ, aujourd'hui liquidé, dorénavant édité par Deep Silver (la branche édition de Koch Media), voici non pas Metro 2034 mais Metro : Last Light. En effet, Last Light est une extension de l'histoire de Metro 2033 (2034 étant une histoire alternative sans les « Sombres »). Notez que Dmitri Gloukhovski va se réapproprier cette histoire originale pour en écrire Metro 2035. C'est bon, vous êtes dedans ? Et au cas où vous n'avez pas compris, lisez Metro 2033 (2034 est dispensable mais intéressant tout de même).

Une histoire plus simple

Ce qu'on regrettait dans le jeu c'est qu'il était bien plus terre à terre que le roman. Ce qui est en soit logique, le media n'offrant pas les même caractéristiques que l'autre. Néanmoins, le jeu Metro 2033 en était resté qu'à la situation où le héros, Artyom, devait rejoindre Polis pour sauver sa station indépendante à cause de la recrudescence de mutants. Il finit par survivre miraculeusement à une attaque des « Sombres » (si vous n'avez pas lu le livre, sachez que la vraie traduction originale devrait être le mot ambigüe « Noir » et ces êtres sont une métaphore du racisme et plus globalement de la peur de l'étranger) et va donc être embarqué dans la recherche de ces êtres jugés trop dangereux (car ils tuent tous ceux qui les approchent). Le jeu n'allait cependant pas très loin dans la symbolique et ce terminait par deux fins différentes. Metro : Last Light dont c'est la suite directe reprend la mauvaise fin de Metro 2033 (mais la vraie). Les Sombres ont péri et Artyom est devenu un Ranger, un soldat de Polis. Mais très rapidement, votre vieux pote Hunter apprend qu'un Sombre aurait survécu dans les jardins botaniques. Hunter, en proie à de terribles cauchemars et de forte culpabilité (explicitement dit dans Metro 2034, mais pas très clair dans le jeu) est persuadé que les Sombres sont l'avenir du genre humain. Ce n'est pas le cas du Commandant Melnik qui demande une exécution de cet ennemi. Artyom y va mais hésite au dernier moment et perd conscience pour se faire emprisonné par les nazis. C'est le début de la vraie aventure où en recherchant activement le petit Sombre, Artyom va être embarqué dans une nouvelle aventure qui concerne tout le métro moscovite. Le scénario de cet épisode reprend bien le canon original. C'est à dire que partant pour une mission bénigne, voir facile, le héros va lentement mais surement être trimballé dans différentes régions du métro, permettant de diversifier les décors de jeu, et d'installer au travers d'échanges avec PNJ pré-calculés une quête plus importante. On ne saura pas étonné par le concept narratif de ce Last Light, si on a joué à 2033. Le scénario fusionne avec le level-design pour ne faire qu'un. Certes, c'est terriblement assisté, puisque le joueur devra toujours avancer tout droit tout en étant espacé par des zones plus large à traverser avec plus de liberté, mais surtout, il y a beaucoup de diversité de décors avec une justification. Artyom sera prisonnier, devra aider des réfugiés, il devra fuir, il devra enquêter, tout ça dans un jeu très scripté et linéaire mais avec beaucoup de diversité visuelle et scénaristique permettant au joueur de ne pas s'endormir sur son clavier. Concrètement, la force du jeu Metro, aussi bien le premier que le second, est de savoir réutiliser les codes du FPS linéaire pour ne jamais s'ennuyer. Vous aurez toujours des décors différents, des tracés différents, jamais d'aller-retours ou de copiés-collés, votre scénario vous embarque toujours vers l'inconnu avec un objectif plutôt flou et sans cesse remis en question. Ce qui sera peut être un défaut du pitch, c'est cette façon dont les scénaristes ont pour toujours faire assommer, prisonnier, accidenter leur héros à chaque fois qu'il semble toucher au but. Mais c'est ça, l'univers de Metro. Il n'y a pas de super héros qui traverse les flammes et les débris. Il n'y a qu'un homme ayant une mission qui le dépasse. Même si sur certains aspects, Artyom réussit à traverser les rangs des groupes nazis et rouges surarmés à lui tout seul, le héros, le joueur, n'est qu'un messager. Retrouver le petit Sombre et réussir à alerter vos supérieurs de la situation. Derrière un script qui peut sembler bien peu utile, tant il semble peu travaillé en apparence, il permet surtout aux développeurs de concevoir la linéarité de leur level-design de façon cohérente, diversifiée et attractive. Quelque chose que beaucoup de développeurs oublient souvent dans leur canon de « FPS scripté ». Globalement, l'histoire est donc plus simple que Metro 2033. En s'affranchissant de l'aventure d'origine pour en conserver seulement l'odeur et les fondamentaux, 4A Games permettent aussi de mieux gérer leur tempo. Dans 2033, on avait l'impression de sauter des objectifs, passant du coq à l'âne pour la simple et bonne raison que les développeurs ne pouvaient pas retracer toute l'aventure du roman (pas franchement action et totalement exploratoire, qui plus est). Ici, plus de contraintes. Le retour de bâton est d'avoir une histoire plus manichéenne avec un vrai « méchant »... Mais c'est un petit défaut que l'on permet d'accepter dans la mesure où il ne prend pas une place prépondérante dans le jeu. Seule l'aventure, seul le gameplay compte : pas de cut-scenes grandiloquentes, une aventure exclusivement à la première personne pour une immersion totale. Et par extension, un background totalement crédible et unifié.

Dans l'ombre de la lumière

On a donc conservé un level-design dirigiste. Comme pour 2033, le jeu est séparé en deux : les passages contre ennemis humains dont la discrétion est fortement privilégiée au vu de la puissance de feu ennemie et les passages contre mutants qu'il faudra affronter en les évitant au corps à corps puisqu'ils ne font que vous foncer dessus en groupe. La possibilité de les éviter (sauf les boss) sera présente dans les zones en extérieur, afin de conserver son oxygène. Ces parties en extérieur n'ont pas bougé d'un iota, il faut savoir gérer les filtres de son masque à gaz dont chacun dur 5mn, inscrit sur la montre du héros épurant ainsi le HUD pour un maximum de réalisme. Votre masque se fissure, il reçoit des projections de sang, de pluie, de boue que l'on devra essuyer manuellement d'un clic, la foudre frappant le paysage morose et hostile rend l'exploration extérieure toujours plus pesant et réaliste. Cependant, on notera que ces phases sont plus fermées qu'auparavant. Alors qu'il était nécessaire de regarder régulièrement sa boussole dans le précédent épisode, notamment pour fuir les monstres à l'approche de la nuit, tout y est balisé dans Metro : Last Light à l'aide de drapeaux rouges mais aussi des petites astuces scénaristiques où l'on ne doit pas tomber à l'eau, forçant ainsi le joueur à trouver son chemin unique sur des rondins de bois en guise de passerelle. Ça, c'est vraiment dommage et par conséquent, l'absence de possibilité de se perdre décroit largement le sentiment de stress attendu. De l'autre côté, nous avons des séquences en intérieur qui renforce l'infiltration. Rester accroupi pour ne pas se faire mitrailler en groupe sera important. S'il sera tout de même possible d'y aller comme un bourrin (en isolant les ennemis car tous contre un c'est mort), le jeu est conçu pour appuyer l'infiltration. Et comment elle se déroule cet infiltration ? On coupe les lumières. C'est très simple, vous coupez la lumière d'une zone et si l'ennemi n'a pas de lumière sur lui, il ne vous verra même pas à 10 centimètres devant son nez que vous pourrez égorger ou assommer tranquillement d'un clic. L'IA ennemi a totalement régressé pour devenir binaire : lumière, vous êtes grillés, pas de lumière, vous êtes tranquilles. Pour enfoncer le clou, votre montre indique si vous êtes visible ou non à l'aide d'une diode (en mode normal). Si la puissance de feu ennemie est très forte, une petite fuite dans les zones espacées où l'ennemi attendra bêtement sa position permettra de reprendre son souffle pour les avoir de loin à la lunette si besoin est. Comme le précédent épisode, les armes ont une sonorité de pétarde rouillée qui colle très bien. On notera des armes totalement inutiles, comme le fusil pneumatique qu'il faut pomper pour recharger la puissance mais ne vaut pas un classique et puissant shotgun bien qu'ayant un rechargement long et stressant face aux bébêtes agressifs. On notera de bonnes choses, grâce aux upgrades d'armes ajoutant lunette et silencieux. Ça vous dit la taille d'un petit pistolet avec silencieux mais avec cartouche de fusil à pompe ? Oui, il existe des armes surpuissantes. Mais vous serez limités à trois armes aux munitions limitées. Dans ce cas là, il faudra switcher régulièrement ou utiliser vos balles servant de monnaie pour dépanner. Dans l'ensemble, 4A Games assume le côté infiltration d'une façon bien peu réaliste à cause d'une IA bridée où un garde peut voir un allié s'écrouler à ses pieds sans lever le petit doigt (ce qui n'était pas le cas dans 2033). Un parti pris certes plus franc que le précédent volet mais brise le réalisme initial du jeu. Les zones en extérieur se restreignent et offrent moins de liberté (ou du moins d'illusion de liberté). On est partagé entre ces choix pas des plus judicieux avec un level-design pourtant bien mieux maitrisé où alternent l'infiltration, l'exploration, l'action sans aucun temps mort. Pas de génie dans le gameplay avec des carences techniques évidentes, mais une meilleure maitrise de level-design laissant au joueur la possibilité d'y aller comme un bœuf, d'activer ou non des quêtes secondaires (mais faut les chercher sans aucune aide, comme aider des prisonniers), de jouer l'infiltration malgré le ridicule des gardes (on peut même passer des zones sans tuer), tout ça sans temps mort et avec diversité.

C'est beau le nucléaire

Comme son prédécesseur finalement, Metro : Last Light est une aventure sensorielle. Vous avancez, vous sentez l'obscurité vous envahir dans les tunnels où les araignées vous attaqueront en traitre, vous avancez accroupis et cachés pour échapper aux tortionnaires nazis, vous voyez la lumière glaciale des rues de Moscou vous mette la pression par son air irrespirable matérialisé par les fissures de votre masque à gaz et la buée qui vient s'y coller. Le travail graphique pour faire ressentir la misère, la crainte et la survie y est exceptionnel. Déjà, Metro 2033 était exemplaire, Last Light va plus loin à la fois techniquement avec des lumières dynamiques en pagaille offrant de superbes contrastes dans l'obscurité du métro, des textures de rouille, de sol défraichi, de murs enguirlandés de toiles d'araignées, de tâches de sang immaculés dans les anciennes prisons... Les particules de pluie, dont certaines séquences de tempête viendront vous transpercer le visage où les perles masquent votre écran, la foudre en surimpression vous aveugle... Tous ces détails visuels de toute beauté offre à Metro : Last Light une superbe expérience audiovisuelle. L'audio, où l'on vous conseillera d'y jouer en russe sous-titré français si possible pour une parfaite authenticité. Par défaut, l'anglais avec accent russe fait l'affaire. Oubliez néanmoins le français calamiteux, fade et caricatural avec un festival de voix enrouées récitant leur texte. L'ambiance sonore tout en subtilité avec quelques piques de pression lorsqu'on est sur le point d'être découvert est à noter. La bande son est de toutes manières avant tout construit autour des bruitages, de grognements, de pattes qui cliquettent, des dialogues de PNJ que l'on peut écouter librement sans aucune obligation et sans script d'animation. C'est d'ailleurs important. Si le jeu reste un FPS linéaire, il sait ne pas abuser de scripts d'animation... Il n'y en aura surtout qu'en début de chapitre, voir en fin où on l'a dit, les développeurs ont abusé d'accidents pour le pauvre Artyom, permettant de switcher rapidement d'un décors à un autre sans paraître redondant. La DA est aussi encore plus ambitieuse que le premier avec encore plus de détails, des horizons en extérieures magnifiques où se mêlent teintes bleutés, froides, humides, bâtiments délabrés au loin, carcasses d'avion sculptant le reste du terrain. Tout ça a probablement justifié une plus grande linéarité qu'avant afin d'en optimiser l'affichage. On a aussi une ville appelée Venise qui propose un mélange de ville sur les eaux poisseuses des tunnels avec du chic illustré par un théâtre de style années 30's. Les univers des nazis et des Rouges sont aussi mieux démarqués visuellement qu'avant (vous allez visiter une chambre à gaz, youpi) pour un rendu sordide et là encore totalement crédible, même si on se posera des questions sur la fabrication de tous ces mécanismes de portes forgés, de cachots surélevés et de valve fonctionnelles dans un tunnel où les ressources sont limitées... Ça dépasse le réalisme du livre dont il s'inspire mais dans ce LL, ces prises de liberté sont bien dosées sans que cela paraisse too much. Le jeu y est aussi mieux optimisé que le premier épisode (même si pour 2033, les problèmes venaient de cartes AMD), même avec une config dépassée (GTX 460), c'est techniquement détaillé et surtout fluide. Les options graphiques sont en revanche réduits au minimum : low/medium/high, option occlusion ambiante, anti-aliasing, synchro verticale et motion blur. On vous conseillera de dégager le motion blur affreux (du flou de mouvement pour donner l'illusion de fluidité, ce qui ne sert à rien sur PC) qui bouffe inutilement de la ressource. Metro : Last Light devient une référence visuelle et sonore tant les sensations qu'il apporte sont vraiment vraiment au dessus du lot dans son genre. Bien sûr, on préférerait que le gameplay l'accompagne plus efficacement, mais impossible de ne pas ressentir et apprécier cet univers poisseux à la technique infaillible. Sauf sur une chose : les ennemis qui passent au travers du joueur quand on leur fonce dessus. Un défaut qui était pénalisant dans 2033, ainsi que le fait d'être bloqué par une petite marche de rien du tout, ce qui là encore peut gêner si vous aimez jouer dynamiquement en mouvement.

Difficile d'avoir un avis franc sur Metro : Last Light. On peut dire que c'est Metro 2033 en mieux. Plus diversifié, gameplay plus carré dans son approche (mais pas forcément bien mis en pratique), encore plus beau, blindé de détails, un scénario certes plus simple mais au moins plus clair que 2033 qui avait la pression du roman d'origine. On se paye même le luxe d'explorer enfin la nature des Sombres, chose qui avait été impossible dans 2033. Si on regrette que LL fasse des choix de gameplay en dent de scie, à cause d'une infiltration simpliste et d'une exploration extérieure réduite, cela ne retire en rien les bonnes sensations de shoot, le bon tempo de l'avancée où vous ne vous ennuierez jamais, soit grâce à l'action, soit grâce à l'ambiance dans les phases exploratoires. Le mode ranger, qui rend le jeu encore plus réaliste en désactivant totalement le HUD (déjà pas bien lourd) obligeant le joueur à compter ses balles et la durée de ses filtres, offrira aussi une façon encore plus poussée d'apprécier l'aventure. Ce mode est néanmoins sous forme de DLC, soit disant pour satisfaire les pré-réservations des magasins, selon les dires de Koch Media sur VG24/7. L'aventure est relativement courte de 8-10 heures, mais qui ne se traine jamais et dit tout ce qu'il avait à dire, bien que les deux fins sont une fois encore très courtes. Cette durée de vie est à doubler si vous voulez débloquer la bonne fin en effectuant des bonnes actions cachées dans le jeu. Une façon intelligente et surtout fine où il ne suffit pas d'épargner les ennemis pour récolter la bonne fin. Bref, comme son prédécesseur, il ne révolutionne rien du tout, son gameplay n'est pas hyper marquant (malgré un bon feeling, paradoxalement), en revanche, son avancée, son tempo, la diversité de ses décors et cette ambiance pesante et claustrophobe rend l'expérience terriblement marquante.

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