Publication de la critique d'Aliens avec une semaine de retard. Ce dimanche, celle de Metal Gear Rising est en Une de PG Birganj.

A quand remonte le dernier bon jeu Alien ? Bien que cela ne soit pas correct d'inclure un cross-over bourrin des 90's dans la chronologie de la série, Alien VS Predator a connu les joies du bons jeu, à la fois sur PC sous forme de deux FPS cultes mais aussi sur Jaguar sous forme de beat'm all défouloir. On pourra aussi nommer le jeu qualifié de « très correct » Alien Trilogy sur PSX, Saturn et PC, de 1996. Mais ça faisait un bail. Quand Sega annonce récupérer la licence pour en faire un FPS PS3/360/PC en 2006, on commence à y croire. Les aliens ont une sacrée gueule sur les premiers renders, c'est obscure et on nous promet que c'est inspiré du film de James Cameron (le bourrin donc). Mais voilà, le développeur attitré est Gearbox... Et Gearbox est un studio basé sur beaucoup d'esbroufe. Si leur FPS teinté de tactique Brothers in Arms leur a permis d'être reconnu, ce n'est certainement pas sur la génération PS3-360 qu'ils se font remarquer. Le studio essore sa licence et la tord sur tous les supports jusqu'à en perdre les fans de la première heure. Obligé de revenir travailler sur des portages comme un jeune premier (Gearbox s'est occupé de Halo sur PC et de Half-Life sur PS2 à ses débuts) en portant Samba di Amigo sur Wii en 2008... Ouais Randy Pitchford, le boss « attention whore » de Gearbox ne la ramenait pas. Pendant cette période de disette cependant, Gearbox était censé plancher sur Aliens pour le compte de Sega. On ne sait pas trop comment la firme hérisson a pu accepter de tels retards mais le jeu est mis en stand-by par l'éditeur (qui financièrement ne va pas bien non plus, évite ainsi de financer du vent). 2009, surprise totale : Borderlands édité par 2K Games est un succès complet ! Pas réellement FPS mais plus hack'n slash en vue subjective, Gearbox se sent pousser des ailes permettant à Pitchford de clamer l'ambition du studio et de l'importance accordée à la créativité et la finition, blabla. La suite sort et cartonne... Pendant ce temps, Aliens : Colonial Marines se développe dans l'ombre... Sous-traité en douce par le studio TimeGate (add-ons F.E.A.R. et Section 8)... Et là, c'est le drame.

Alien 3 n'existe pas

Écrire une critique d'un jeu médiocre est très compliqué. Ça ne se critique pas comme un jeu développé avec sérieux. Aliens : CM ne respire pas le sérieux. Il ne respire pas la cohérence, il ne respire pas l'envie. Difficile alors de hiérarchiser ce qui va et ce qui ne va pas, tant tout part en vrille. Dès le lancement du jeu où défilent rapidement les logos Sega, Fox et Gearbox, trop honteux pour se laissés afficher en vitesse normale, la cinématique en low resolution filmant un appel de détresse d'un marine modélisé très grossièrement, sans texture de peau avec un nez rond à la Boule et Bill donne le ton. On apprend en fait que l'appel de détresse provient du personnage Caporal Hicks de Aliens : le Retour, incarné par Michael Biehn... Dont l'acteur a prêté sa voix en VO... ... ... ... Les mots nous manquent. Michael Biehn est ce personnage au design aussi subtil qu'un Leisure Suit Larry ? Okay, okay... No prob. On se relaxe, ce n'est qu'une cinématique, on s'en tape. Mais autant le dire tout de suite, le fan hardcore d'Alien est déjà raide. Si vous vous attendiez au minimum à du bon fan service, c'est mort. Mort comme est censé l'être le Caporal Hicks, dont le caisson cryogénique s'est brisé sur la planète prison Fiorina 16 nous apprend t-on dans Alien 3. Ici, Gearbox (ou peu importe le type qui a pondu son script de dix lignes), bon seigneur, a décidé qu'Alien 3 n'existait pas. On sait que David Fincher renie son film mais il existe bel et bien... A partir de là, vous comprenez que le script du jeu est complètement à l'ouest et surtout invraisemblable. Invraisemblable déjà car très mal mis en scène, par l'intermédiaire de cut-scenes très courtes aux dialogues peu travaillés où votre supérieur vous enverra au casse-pipe pour sauver tel ou tel personne. Invraisemblable car il vous enverra (comme par hasard suite à un crash) sur la planète LV-426 dans la colonie Hope où se déroule l'action du film de Cameron. Chouette, on repère quelques lieux clés (quatre en fait : la mention du bar dans la ville en ruine, les tourelles défensives installées pour se protéger des aliens, les jambes de Bishop et un enregistrement de la mère de Newt). Mais à part ces quatre plans posés en évidence en début de jeu, ce sera tout. Et puis, est-ce que c'est ça, Alien ? Des auto-références aussi grossières ? Chaque film ayant son esthétique, ses codes, sa propre direction ; sauf pour justifier l'absence de personnages (Alien 3), les films se lient entre eux plus intelligemment que ça. En particulier sur le travail d'ambiance, sur la réappropriation de l'univers de Giger (pas toujours totalement réussi comme cet Alien mutant de Resurrection), et des codes scénaristiques comme la morphologie des aliens. Ici, cherchez pas, y a rien de tout ça.

Aliénant

Le jeu n'a aucune structure établie et franche. Colonial Marines est décomposé en 11 missions. 11 missions où chacune se termine abruptement par un tableau récapitulatif, notamment si vous avez récupéré des dogtags ou des enregistrements qui ont semble t-il un vague rapport avec le scénario timbre-poste du jeu (qui consiste à sauver Hicks en fraggant la Weyland Company). Ce qui est étrange, c'est que le jeu est pourtant conçu comme un ersatz de Call of Duty, à savoir : on avance, on frag et on déclenche des scripts censés être spectaculaires. Un FPS-spectacle, donc linéaire mais au moins narratif. Ici, on ne comprend pas car il n'y a point de spectacle (des scripts pour se relever après une explosion miséreuse à base de trois - quatre flammes copiés-collées ou attendre que son coéquipier ouvre une porte) et point de narration à part des ordres en plein in-game et des cut-scenes très courtes, mis en scène frontalement, maladroitement racontant que dalle à part « on n'abandonne pas un Marine » et dont personne ne se pose de questions sur les aliens d'ailleurs... Donc, heuu quoi ? C'est un FPS arcade alors ? On enchaine nos missions, on est récompensé ? Pour renforcer l'incohérence de la direction du jeu, voilà qu'on nous sort un système d'upgrade sur les armes... On gagne des points et vous augmentez vos armes, notamment le recul ou la taille de votre chargeur, voir... un silencieux ! Oui, oui, oui ! Un silencieux ! Qui ne sert évidement à rien puisqu'il n'y aucune scène d'infiltration. Sauf une, très rigolote où vous n'avez pas d'armes et vous devez avancer prudemment pour pas vous faire repérer par des aliens fossilisés marchant comme des pingouins. Vous l'avez compris : les choix de game design globaux se contredisent totalement pour n'en rester, dans les faits, qu'un FPS linéaire de plus, dans la longue liste des FPS PS3/360/PC.

Pourtant, à prendre en main, Aliens n'est pas très choquant. C'est à dire qu'après avoir agrandi votre champ de vision sur PC pour éviter la claustrophobie artificielle des consoles, vous avez un FPS assez souple à prendre en main, très classique. On sera sur le cul de voir qu'il faut appuyer sur une touche pour récupérer des munitions lootés aléatoirement par les ennemis morts... On se demande bien la raison d'un tel choix, à croire qu'une partie de la team Gearbox s'est encore cru dans Borderlands. Mais à part ça, vous avancez dans vos couloirs étroits ou dans les petites zones d'action à déglinguer des aliens ou des mercenaires de la Weyland. On vous l'a dit plus haut, ne cherchez aucune fidélité aux films. Ainsi, l'alien, ici, n'aura rien de sournois. Il foncera vers vous à toute vitesse pour vous balancer un coup de queue, de griffe ou de gueule, voir un jet d'acide mais vous ne ressentirez à aucun moment le sentiment de peur, seul dans le noir... Jamais. C'est très bourrin et mis à part votre tout premier alien planqué, ce seront des aliens en nombre fonçant sur vous. C'est stupide. Mais ils sont très rapides et agiles malgré tout et il y a, il faut l'avouer un certain challenge et une relative nervosité. Relative seulement car si les aliens bougent vite, n'essayez même pas de straffer pour éviter les aliens, c'est pas possible, votre personnage est trop lent. On notera aussi une localisation des dégâts assez étrange puisque tirer dans la jambe retire moins de dégâts (logique) sans pour autant stopper ou ralentir l'alien. L'ennemi humain, lui, reste bien planqué derrière ses caisses et on pourra grâce à quelques niveaux entrouverts de deux couloirs, les fragger de dos. Ils sont stupides, ce sont des plots. En parlant de plots, vous serez accompagné d'un allié ou deux, voir trois gérés par l'IA. Heureusement que le friendly-fire n'est pas activé car vous le retrouverez toujours dans votre ligne de mire plantés face à l'ennemi, tout invincible (ou presque). Parfois, ils vous empêchent de passer mais par la magie des jeux codés avec les pieds, vous passerez au travers. Vous pourrez même toucher un ennemi à travers leur corps. Génial. En échange, ils vous tueront quelques ennemis quand même pour vous aider. Un jeu bien buggé, donc puisque vous pourrez profiter d'un ancestral mais classique bug de collision pour éliminer un boss (un alien avec une carapace fonçant tout droit est resté bloqué par une sorte de tas de déchet en plein milieu de la map - riche idée - permettant de fragger le bestiau sans danger). Une gestion de collision qui permet même au joueur de marcher gaiement dans les flaques d'acide aliens... Enfin, si la modélisation des armes du film est bien présente, leur bruit de taille-haie et leur absence d'impact, soit par travail sonore ou d'animation, nuit à toute notion de plaisir et de sensations. Noter un temps de recharge de 2 à 5 secondes, censé provoquer de la peur, peut être... Mais si le but était de provoquer l'irritation, c'est réussi.

Vous comprendrez donc qu'Aliens : Colonial Marines est un FPS bâtard, sans aucune direction digne de ce nom, ni même direction tout court. Comme en témoigne le recyclage de pièces dans tout le jeu, ainsi qu'un même niveau avec juste remappage par dessus... Étant donné que les missions sont à peine liées entre elles, où l'on ne comprend rien à la mise en scène, les développeurs ont estimé que cette absence de diversité et de cohérence dans les niveaux n'était pas grave. Et ils ont bien raison, à côté des autres défauts, ce n'est même pas le plus important. Techniquement, le jeu est bien entendu daté, pas de texture de peau, des niveau très froids, peu d'effets spéciaux de folie (une vidéo comparative tourne d'ailleurs entre une version preview, bien plus fignolé que la version finale), aucun relief et encore moins d'effets baveux gluants digne des films... Les aliens sont en revanche bien modélisés et détaillés malgré des postures franchement bizarres en cas de GameOver avec les pattes écartées et la tête penchée, l'air de dire « Take that bitch ! ». Ce n'est pas le cas des héros humains qui ressemblent à rien du tout... Pas un peu d'élégance, ou de signe de force brute ou de personnalité, ce sont juste des clichés ambulants confirmés par la faiblesse des dialogues décrite plus haut. Le jeu est doublé en français et on se dit que les acteurs ont bien capté le ton du jeu : de la pure série B bien fauchée, même pas nanard puisque pas franchement marrant, juste ennuyeux.

Aliens : Colonial Marines est clairement un mauvais jeu. Cependant, on a envie, non pas d'être indulgent, mais de rappeler que dans le fond, énormément de FPS sont aussi vides et ennuyeux que ça... On pense par exemple à Resistance, sur PS3. La seule différence provient de la finition et de l'enrobage. Cependant, on n'arrête pas de le répéter sur Birganj, un bel enrobage ne fait illusion qu'un court lap de temps. Aliens : Colonial Marines est, en réalité, un jeu vidéo ultra balisé, ultra générique, avec deux-trois pauvres idées hors-contexte pour faire illusion, muni de son multi inutile comme tant d'autres jeux de sa génération. La seule différence, est que la misère conceptuelle n'est pas assez camouflée par une dose d'effets graphiques ou d'un minimum de travail visuel. Pour en revenir au jeu en lui-même, il ne provoquera qu'ennui et incertitude le long des 5H de jeu clôturées par un boss à la jouabilité absolument exécrable et hors-sujet. Le fan qui, peut être, espérait encore un minimum de plaisir, n'en aura aucun.

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