Sorti mercredi dernier, The Hobbit était attendu au tournant par bon nombre d'entre nous. Par les lecteurs du livre qui n'attendaient surement que ça, qu'un film soit réalisé après la lecture de cette aventure se prêtant bien à cet exercice, mais également par tous les fans de la trilogie du Seigneur des Anneaux au Cinéma qui se feraient un plaisir de se replonger dans cet univers qu'ils aiment tant.

Alors c'est sûr qu'après les claques qu'ont été les trois LotR, l'exercice était difficile mais le récit original avait énormément de potentiel pour faire de cette nouvelle trilogie une vraie petite bombe.

In a Hole in the ground here lived a Hobbit

Comme tout le monde doit le savoir, à priori, les trois films préparés par Peter Jackson sont bien entendu tirés du livre Bilbo le Hobbit, livre qui sert de préquelle au Seigneur des Anneaux et raconte l'histoire de Bilbo Baggins (Martin Freeman) parti à l'aventure avec une troupe de nains menée par leur chef Thorin (Richard Armitage), dont la quête principale est la reconquête de leur montagne et leurs richesses dérobées par le dragon Smaug. Voilà tout. Bilbo le Hobbit est à l'origine un livre pour enfants et est donc beaucoup plus facile à lire que le Seigneur des Anneaux. Ce qu'il faut comprendre par là c'est que l'histoire est très rythmée et qu'on ne s'ennuie pas à sa lecture. Comment pourrait-il en être autrement dans un film alors ?

Le film débute par la présentation de l'histoire des nains de la montagne solitaire, de l'avènement de Smaug et de la bataille de ces mêmes nains dans les monts Brumeux contre les troupes d'Azog. Le narrateur de cette histoire n'est autre que Bilbo Baggins que l'on trouve chez lui au moment des préparatifs de la fête de son 111ème anniversaire. Le clin d'œil est sympathique mais ne dure pas puisque l'histoire suit ensuite un déroulement beaucoup plus classique, sans narrateur particulier et donc moins axée sur la vision de Bilbo, sur son aventure et sur son ressenti. Avec le recul c'est vrai que c'est un choix qui peut être regrettable. Le livre est très tourné vers le hobbit, vers ses émotions, ses peurs, ses doutes. Ici ce n'est pas vraiment le cas et il faut avouer que l'on ne s'attache pas à ce personnage tel qu'il est décrit dans le film. Un peu dommage pour un film qui s'appelle Le Hobbit.

Parmi les points forts du scénario, on compte bien sûr les nombreuses références au livre qui vont même jusqu'à reprendre des morceaux entiers, mot pour mot (notamment dans les chansons et les moments clés). D'un point de vue général, pour le moment, tout ce qui se trouve dans le livre se trouve dans le film. Et même plus encore. En effet, ce qui n'a été que sous-entendu dans le livre a ici été développé afin de faire durer encore un peu plus l'aventure pour nous fourguer 3 films de plus de 2h30 chacun (celui-ci faisant 2h54, on ne s'avancera pas tellement plus quant à la durée des deux autres, même s'il n'y a guère de doutes à avoir sur ce sujet).

Ces à coté prennent une place relativement importante puisqu'une grande partie du film est centrée sur la poursuite des orcs menés par Azog (Manu Bennett), personnage qui dans le livre est mort décapité bien avant le récit décrit ici. Ce genre de transgressions ont uniquement été produites pour rajouter, dans les rares moments creux, des scènes d'action qui raviront les fans d'effets spéciaux mais qui ne possèdent que peu d'intérêt d'un point de vue scénaristique.

Là où cela devient intéressant par contre c'est quand Peter Jackson en vient à développer des points sous-entendus dans le livre et qu'on regrette de ne pas avoir pu approfondir pendant notre lecture. Ici, nous n'en sommes qu'à la mise en place du début d'une deuxième quête menée par Gandalf (Ian McKellen) et à laquelle ne participent, normalement, pas les nains, mais cela est de bon augure pour la suite.

Avec tout cela, on a quand même un film assez riche mais qui ne se concentre pas assez sur les personnages et notamment sur Bilbo. Du coup, on ressort de la salle sans réel attachement, contrairement au livre qui vous décrit un Bilbo fort sympathique : un hobbit dans toute sa splendeur, sans prétention, sans aventures, auquel on peut s'identifier très rapidement.

Sur ce point, le jeu fait attention de ne pas se prendre au sérieux et c'est bien du fun qui se dégage de cet réunion dépareillée. Plus dans l'absurde que dans le souci de cohérence d'un Smash Bros, finalement.

Un point sur la troupe

Alors là ils étaient attendus au tournant ces nains ! Et c'est décevant. Théoriquement, un nain c'est un petit gars avec une bonne grosse barbe. Un Gimli quoi ! Là sincèrement c'est quoi cette troupe ? Alors on a un espèce de gros gars avec un accent de l'est (oui je l'ai vu en VF) qui est complètement déformé, une tripoté de guignols à l'allure assez bizarre et on a surtout un chef, Thorin, plutôt stylé, barbe courte bien taillée et le beau gosse de la bande Kili (Aidan Turner). Et bien nous voilà assez perplexe quant à la représentation de ces personnages... Mais quand on connait le dénouement final de l'histoire (entendez par là, la dramaturgie qui en découlera), ces choix sont finalement assez facilement explicables mais dommageables. Ces « nains » n'ont de nains que l'appellation et la taille.

Un film qui en jette...

Peut-être un peu trop d'ailleurs. Ceux qui ont aimé le Seigneur des Anneaux seront toujours ravis par les plans de caméra spectaculaires, les décors magnifiques, le soin global apporté aux costumes et autres détails. Néanmoins, quand dans la première trilogie, on oubliait vite que tout cela était fictif. Ici, nous n'arrivons pas à oublier que tout est en 3D. Les décors sont sublimes mais font beaucoup trop wallpaper HD pour le bureau de son PC... Les orcs également font beaucoup plus « propres » qu'avant par rapport aux costumes et maquillages minutieux de LotR. Maintenant c'est de l'image de synthèse et ça donne un coté propret fort désagréable. Pour être franc et en exagérant à peine, à plusieurs moments, on croit voir des orcs (et même des nains) tout droit sortis de World of Warcraft. C'est assez déroutant et finalement on arrive beaucoup moins à s'immerger dans cet univers que dans le Seigneur des Anneaux. Il perd grandement en singularité et devient beaucoup plus quelconque. Tout ce coté propre se retrouve jusque sur la lame des épées qui ne seront à aucun moment salies par le sang. Sans être fan d'effusions d'hémoglobine, ça ne participe vraiment pas à la cohérence globale de l'œuvre.

Au niveau des scènes d'action alors là... C'est assez fort. Pas spécialement dans le bon sens du terme. Souvent brouillonnes, ces scènes accumulent effets spectaculaires et situations invraisemblables. Bon, ce n'est pas vraiment un point noir en soit. Mais elles n'impactent pas plus que ça et on se surprendra, la plupart du temps, à sourire devant un tel déluge d'effets spéciaux pour au final un résultat assez pauvre. Le tout mené par une musique bien épique à souhait rebutant bien le spectateur pendant tout le film. D'ailleurs, les seuls morceaux intéressants qui redonnent, l'espace d'un instant, l'aura des films de la premières trilogie sont des thèmes repris de cette dernière.

On a donc là un film vraiment trop beau, trop propre sur lui et qui n'arrive pas vraiment à retranscrire la magie délivrée par le livre.

Parfois ce sont même les choix esthétiques qui choquent. Radagast (Sylvester McCoy), par exemple, fait penser à un personnage d'Alice au Pays des Merveilles et dénote avec l'univers que l'on connait. Et ce n'est pas son traineau tiré par de vaillant petits lapins qui nous contrediront.

Pareillement pour la scène des monts brumeux avec les galeries des orcs, on est loin de l'atmosphère glauque que l'on pouvait ressentir à la lecture du livre.

Tous les « défauts » cités pourront néanmoins être considérés par certains comme étant des avantages et avec le recul, c'est vrai que ce n'est pas un film catastrophique. On restera persuadé par contre que celui qui a lu Tolkien ne pourra s'empêcher d'être déçu par la direction prise par Peter Jackson. Les personnages n'ont pas de profondeur, l'humour est un peu lourdingue, les scènes d'action exagérées, la progression convenue et finalement on se surprend à bailler pendant le visionnage du film à cause de nombreuses longueurs. Mais ce défaut ne sera ressenti que par les personnes qui ont lu le livre. En effet, ce dernier étant très rythmé, on s'attend à un film qui enchaine les chapitres du livre, nous menant ainsi jusqu'à la montagne solitaire dès le premier film. Pas de chance Peter Jackson a décidé d'en faire une trilogie. De plus on a l'impression qu'il reste bloqué dans un format long-métrage de 3h et cela pour ne pas décevoir les fans de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Mais le scénario original, de par sa simplicité, est difficilement adaptable en 9h d'images.

Les images de synthèse omniprésentes donnent un aspect aseptisé au film et constituent un peu une vitrine technologique telle qu'on a pu en avoir dans un Avatar. C'est beau mais c'est faux. Et l'immersion en prend un coup.

Heureusement, il y a Gollum (Andy Serkis) et les fameuses « énigmes dans l'obscurité ». Pur moment de plaisir pour les puristes et les autres, cette scène vaut à elle seule le prix de la place de cinéma. Bon là aussi on peut trouver un poil à redire sur le personnage de Gollum qui n'est pas assez glauque. Alors que normalement cela devrait être une scène oppressante, c'est plutôt un moment de franche rigolade qui défile sous nos yeux. M'enfin... bon point quand même pour la fidélité des dialogues et parce que ça nous fait oublier un petit moment les nains et le reste franchement décevants. Tout ça pour plaire au plus grand nombre. Peter Jackson vend ici son âme au diable et on sent clairement que cette trilogie a été produite dans un souci de rentabilité maximum et afin de toucher un très large public

(Re)lire l'article, mis en page sur PG Birganj : en Une ou rubrique "Ecrans".