Le 30 août 2012, Kojima Productions présentait au travers d'une cinématique en temps réel et d'une petite séquence in-game, Metal Gear Solid Ground Zeroes, destiné à la Playstation 3 et probablement à la Xbox 360 pour 2013 minimum. Outre le fait d'avoir impressionné les foules par l'utilisation du FOX Engine (qui devrait cependant être véritablement exploité sur les consoles next-gen) et de faire fantasmer les fans sur la chronologie de l'épisode avec Big Boss comme héros, il a surtout permis de réveiller le fan qui est en nous. Et peut être aussi ses non-fans. Espérance et attente pour l'un, rejet et médisance pour l'autre. Cet article n'aura pas pour but de jouer les Nostradamus ou de se donner un genre à décrypter des indices (ou plutôt non-indices) laissés par Hideo Kojima. Cet article va, humblement, rappelé les écueils qu'aura à éviter l'équipe de développement sur son nouveau Metal Gear Solid. Série qui n'a pas forcément que des qualités... Et qui n'en a pas forcément gagné avec le temps.

« Mais on joue pas à MGS ! »

La critique la plus populaire contre Metal Gear Solid. Il y a trop de cinématiques, on ne joue jamais, je ne paye pas pour un film interactif. Inutile de jouer les hypocrites, Metal Gear Solid (notez le « Solid », ce qui veut dire que l'on écarte la conception des deux premiers Metal Gear d'une autre époque et complètement à part de l'ampleur qu'a la série depuis la Playstation) est bien un jeu énormément muni de cinématiques. Le premier épisode en avait déjà beaucoup, muni aussi de nombreux dialogues codec. Le deuxième épisode enfonçait le clou complètement puisque l'équipe de Kojima profitait de la puissance de la PS2 pour en mettre plein la vue avec un Raiden bondissant, une Fortune braquant son railgun surpuissant et un Vamp voltigeant. Metal Gear Solid 3, contrairement à ce que l'on pourrait croire abuse tout autant de cinématiques. Cinématiques de découverte d'un lieu, de longues discussions et échanges entre personnages, avec une montée en puissance vers la fin. La petite différence est que MGS3 est un jeu un peu plus difficile que ces prédécesseurs. A cause de son terrain plat (puisque dans la jungle principalement), il devient plus complexe de prendre à revers une sentinelle (fini les grosses caisses ou couloirs qui avantageaient le joueur). Le joueur prend ainsi un peu plus son temps pour avancer, ce qui permet de mieux ré-équilibrer son ratio jeu/cinématique. Hélas, ce ratio en devient totalement chamboulé dans Metal Gear Solid 4. Le jeu cumule les très longues cinématiques, dépassant allègrement la dizaine de minutes minimum syndical avec un jeu aux niveaux très courts. Fait bien plus symbolique que n'importe quel discours, le chapitre final, composé exclusivement de cinématiques dure 71 minutes. Un record.

On reviendra spécifiquement sur le gameplay de ce MGS4 mais un peu comme MGS2 en son temps sur PS2, on sent que Kojima Productions s'est un peu laissé aller dans la cut-scene. Plaisir coupable renforcé par le fait que MGS4 clôt tout le complot des Patriotes, permettant aussi de se la jouer fan-service avec un très grand nombre de personnages rencontrés par le passé. Par conséquent, MGS GZ devra apprendre à y aller mollo sur les cinématiques, quand bien même cela fait parti du cœur même de la série depuis la Playstation.

Même si elles sont d'excellentes factures, il n'est pas normal de ne retenir que les cut-scenes d'un jeu et non des séquences in-games en soit... Autant dans MGS, on retiendra les combats contre Psycho Mantis, le Ninja, Sniper Wolf de par leur gameplay spécifique, autant MGS 2 on retiendra beaucoup de séquences de jeu humoristiques (MGS2 est l'épisode comportant le plus de scènes parodiques, caricaturaux, clins d'œils, easter eggs, etc), autant on retiendra le très long combat contre le sniper The End dans MGS3 ou évidement The Boss. Autant MGS4, on retiendra surtout... La scène où Liquid quitte l'Europe de l'Est ? La scène finale ? Le combat fratricide mou du genou mais marquant la fin définitive du jeu ? Ne pas oublier les fondamentaux donc et assurer dans le jeu, pad en main, comme le faisait la série depuis ses tous débuts.

Level-design : le balancier entre l'excellence et la médiocrité

Alors que MGS a toujours été très très verbeux, comment peut-on faire pour ne pas donner au joueur la sensation d'être un spectateur ? Tout simplement lui donner plus de temps de jeu. Mais dans le cadre d'un MGS, toujours conçu comme une succession de zones à traverser (ce même concept de base depuis les épisodes MSX2/Nes), on ne peut pas forcément rallonger ces zones sous peine d'être trop longs ou ennuyeux... La force de MG, largement renforcé dans MGS est sa capacité à transformer une toute petite zone bien cloisonnée en un véritable parcours du combattant. MGS a toujours, toujours privilégié le jeu au détriment du réalisme. Il y aura toujours un but du jeu à MG : traverser sans être repéré. Ainsi, on a une entrée et une sortie, toute bête. Dans tous les MGS vous êtes censés savoir où est la sortie, mais il faut trouver le bon passage. C'est là qu'entre la bonne conception ou non du level-design : créer des couloirs alternatifs, disposer les rondes des sentinelles là où il faut, savoir poser les pièges pour que le joueur puisse analyser l'ensemble et avancer prudemment. Plus on avance, plus il y a de sentinelles ou il y a plus de couloirs dans une même zone, de caméras, nécessitant au joueur parfois de se creuser les méninges. Exemple tout bête : comment traverser les lasers infra-rouges du hangar dans MGS ? Soit vous avez trouvé les lunettes IR bien planqués dans une pièce nécessitant un détour du trajet le plus évident... Soit vous utilisez vos cigarettes pour laisser apparaître les lasers grâce à la fumée. Voyez cet exemple ? Vous avez traversé une zone remplie de gardes, vous n'avez pas été vu mais mince pas de chance, un petit piège volontaire qui met en lumière la qualité de la map et donc du level-design. Pour l'anecdote, si vous ne la connaissez pas, rappelons que pour comprendre la 3D et le piège des angles de vue qu'elle peut instaurer, l'équipe de Kojima a travaillé avec des legos pour bien appréhender le jeu des angles morts, la disposition que pourrait avoir certaines pièces, etc. Ce travail minutieux a permis de pondre tout simplement le meilleur level-design de la série. Complétement orienté vers le jeu pour le joueur, le level-design ne souffre d'aucune fausse note dans la mesure où le joueur ne sera jamais piégé par un angle mort ou l'absence d'élément pour se cacher. Si on dit ça, c'est parce que le level-design se dégrade au fur et à mesure que les épisodes se suivent. Le troisième épisode est le premier à en souffrir réellement. Le jeu se situant dans la jungle et, détail important, dans les 60's, Snake n'a plus de grandes bâtisses pour se cacher ou de rampes auxquelles s'accrocher. Tout comme ça en est terminé de son radar Soliton où l'on voit les déplacements des gardes. Dans cet épisode, le joueur passe son temps à ramper dans les hautes herbes, muni d'une tenue de camouflage, interchangeable à tout moment pour une meilleure discrétion. Une belle trouvaille de gameplay qui offre ainsi à Snake la possibilité de se fondre dans le décors, plutôt que d'interagir avec lui. Sauf que la première mouture n'offrait pas de caméra libre et optait encore pour une caméra aérienne. Il fallait ainsi switcher sans cesse avec une vue à la première personne pour voir s'il y avait des sentinelles ou non. Premier défaut donc, notre avancée devenait haché à cause d'une caméra optimisée pour des décors surélevés et verticaux mais pas pour des zones aérées et planes où le personnage est vulnérable. Avec la version Subsistence, le défaut est corrigé avec une caméra classique derrière le dos. Quid de MGS4 ? C'est le premier à avoir une caméra libre à 360°. Hélas, en se reposant beaucoup trop sur cette caméra libre, les développeurs n'ont pas forcément travaillé certains plans. Exemple : dans les précédents épisodes, quand vous vous plaquez au mur, la caméra se positionne à un angle optimale, plus proche du sol offrant aussi un meilleur horizon : autrement dit, on gère l'angle mort. En se reposant sur la caméra libre, MGS4 perd ce jeu de caméra. Et malheureusement, le reste du level-design étant peu inspiré, car très couloirisé, le plaisir purement ludique prend moins. Dans MGS4, vous êtes dans trois chapitres sur cinq dans une zone de guerre. On donne la sensation d'avoir un espace ouvert et de n'avoir aucun « vrai » ennemi. Excepté que les chemins sont balisés nous forçant à emprunter un chemin identique à chaque fois, souvent tout droit, en contournant les batailles. Vous tomberez parfois sur des sentinelles ennemis en avançant très souvent droit devant soit, un peu de nulle part. En fait, malgré l'idée originale du début consistant à se « fondre dans les batailles », le décors de champs de guerre animé et bruyant nous incite à y aller plus frontalement, bien aidé par des chemins créés par des débris, éboulements ou autres. L'orientation de cet épisode étant plus action (bien qu'il soit possible de tout faire en infiltration), on nous a concocté un level-design plus en adéquation des standards PS3-360... Du couloir quoi. Un comble pour MGS qui se joue principalement en zone. Ici la zone est illusoire, le couloir est omniprésent à part quelques séquences assez rares (dont l'assaut final).

D'après les premières images, Ground Zeroes jeu serait « ouvert ». Une bonne chose que de revenir vers l'espace libre que de l'oppression des couloirs. Mais même s'il est ouvert, on espère surtout que l'équipe de développement retrouvera cette précision dans le level-design consistant à clairement inviter le joueur à se la jouer infiltration, à contourner et utiliser en abondance toute la palette de coups, de combinaisons et d'items à disposition. Ce que MGS4 n'incitait vraiment pas à faire, malgré ses possibilités. Attention donc à ne pas retomber dans les travers. A l'inverse, on a déjà vu par le passé des jeux prétendument « ouverts » baliser clairement ses chemins (Deus Ex : Human Revolution par exemple dans sa première partie) ou pire s'abstenir de travail précis de level-design, laissant un terrain de jeu vague déclenchant juste des évènements (syndrome des GTA-like). Une chose est sûre, re-maitriser le level-design sera essentiel à la fois pour la balance entre jeu et cinématique, pour le plaisir du joueur et surtout pour mettre en lumière la multitude de possibilités de jeu. Au sens propre du terme.

Bac à sable dans l'engrenage

Quelque soit les premières fausses impressions laissées par l'importance des cinématiques, Metal Gear Solid a toujours voulu être un « jeu » respectant une multitude de règles, de buts et de possibilités. Il n'y a jamais eu la volonté d'être réaliste dans l'approche des MGS. Le fait d'être aussi légèrement futuriste a permis d'autoriser l'apport de gadgets jouables fictifs, offrant plus de possibilités aux joueurs. Si MGS offrait aux joueurs un équipement dans l'ensemble classique : vision de nuit, IR, radar (ok, « trop » précis)... On n'obtenait plus tard la possibilité d'utiliser le camouflage optique, offrant le fun de visiter librement les stages de jeu. Fun. Un mot qu'on retrouvera largement exploité dans MGS2. C'est aussi dans cet épisode que Snake (et par extension Raiden) acquiert quasiment toutes ses animations et actions jusqu'à MGS4. Ce dernier offrant la possibilité de marcher accroupi. Dans MGS2, le joueur était invité à se glisser dans les conduits, aller dans des casiers pour se cacher, possibilité de regarder en première personne, se suspendre à une rambarde, etc. Offrant un jeu visuellement bien plus riche et détaillé, Kojima Productions s'est beaucoup laissé aller à de multiples éléments gags et autres secrets in-game. Grâce à ses petites zones de jeu que sont les salles du Big Shell, le joueur est invité à mâter des détails comme des posters de pin-ups, des écrans de télé, mitrailler des melons dont l'interaction avec les décors étaient encore rares sur PS2. Puis, le joueur va être invité à découvrir des gags comme des conversations codecs décalés, des sentinelles dans des positions inconfortables, etc etc. Même si c'est probablement l'épisode le moins aimé des fans, MGS2 offrait beaucoup de possibilité d'amusement car il n'avait pas oublié son aspect « jeu », dans le sens où on accumulait les gadgets, les cachettes et les interactions. Le ton beaucoup plus sérieux et dramatique de MGS3 casse cela mais n'oublie pas sa notion de jeu en refusant toute action ultra réaliste. Ainsi, on doit se nourrir dans la jungle en attrapant nous-même notre bouffe, changer de tenues de camouflage depuis un simple menu, l'équipe de Kojima a continué à produire des concepts de gameplay additionnels. Même si à cause de son contexte moins « WTF » que MGS2 et de son level-design plus difficile à appréhender, MGS3 reste un jeu. Un pur jeu vidéo qui n'oublie pas la notion d'interactivité et de challenge.

Cela nous amène à Ground Zeroes dont on ne sait rien à part la possibilité de conduire des véhicules. Ce que l'on espère surtout, c'est que Kojima Productions ne perd pas cette philosophie de « jeu vidéo », offrant un contraste entre jeu un peu old school, un peu challenger et surtout varié avec des cinématiques lorgnant sur le Cinéma d'action. Car ce contraste a disparu dans MGS4 malgré les nombreuses possibilités de jeu (bien que réglementées) du héros. Ground Zeroes ne devra ainsi pas oublier l'expérience typiquement ludique accumulé au fil des épisodes. De plus, on espère que le FOX Engine permette de meilleures animations, un peu plus fluides offrant ainsi de nouvelles possibilités de jeu à Snake. Cette perte de plaisir ludique est finalement la crainte la plus forte. Car non seulement MGS4 a perdu de cette philosophie, mais Peace Walker a emboité ce pas aussi. Certes, il y a moins de cinématiques dans PW, mais notre héros a vu ses mouvements réduits à peau de chagrin avec impossibilité de ramper par exemple, pour ainsi retrouver soit disant un aspect « jeu à l'ancienne », qui est juste du cache-cache... Mauvaise direction que l'on espère imputé au fait que cet épisode ait une bien maigre importance à la chronologie ne surfant que sur le succès japonais de la PSP... Mais, pas de chance, le personnage de Paz apparu dans PW est mentionné dans la cinématique de Ground Zeroes... La réminiscence de ce médiocre épisode est ainsi présente.

En mettant de côté l'ensemble de la série et décortiquant un à un les qualités et défauts de chaque épisode, on se rend bien compte quels sont les points importants sur lesquels la série s'est décomposée. Si le fait que MGS4 clôt magistralement toute l'histoire des Patriotes a permis de nous faire fermer les yeux sur l'importance moindre accordé au jeu en lui même, il n'en reste pas moins que MGS 4 est plutôt cloisonné avec une caméra et un level-design des plus étriqués et mal conçus. Si l'on ajoute à ça, l'épisode totalement inutile et psycho-rigide de Peace Walker, Metal Gear Solid a plutôt décrépi. MGS Ground Zeroes, censé n'être qu'un prologue au véritable MGS5 (sur next-gen à coup sûr) a surtout intérêt à rassurer les joueurs sur la capacité des développeurs à produire un jeu complet tant sur les plans ludiques que scénaristiques. Or, passé l'euphorie de la superbe cinématique, n'oublions pas le ridicule du personnage de Paz et de ces foutus mechas à blinder au bazooka de PW, tout comme ne pas oublier la baisse de qualité ludique de MGS4. Si Ground Zeroes veut être un ambassadeur crédible du FOX Engine et amorcer ainsi le passage de la série (et de Konami puisque ce moteur sera utilisé sur d'autres jeux, tel PES) sur next-gen, il se devra de retrouver la superbe de MGS, MGS2 et MGS3.

A (re)lire, mis en page, sur PG Birganj : en Une ou dans la rubrique "Points de vue".

Note : Pour l'anecdote de cet article, j'ai un peu hésité à l'écrire dans le sens où j'avais peur qu'il soit totalement inintéressant et creux... Et peut être qu'il l'est pour certains d'entre vous. Mais j'ai voulu relativiser l'euphorie d'une simple cinématique (aussi chouette soit-elle) en prenant du recul sur les points forts de Metal Gear Solid qui ont perdu de leur force au fur et à mesure que l'on avance dans la saga. Un peu de recul ne fait pas de mal. Ah ouais et le titre racoleur totalement assumé baaah... quitte à traiter un sujet d'actu "à clic", autant y aller à fond...