Critique écrite il y a un bon trois semaines sur Birganj. Cette semaine, spécial click'n play Kickstarter" avec la critique de la deuxième partie de Broken Sword 5 et de Moebius le dernier Jane Jensen.

Quand on rédige des critiques de suite, on aime revérifier ce qu'on avait écrit sur ses prédécesseurs, histoire de se remettre en situation. En 2011, SuckerPunch bouclait l'aventure de son superhéros Cole MacGrath dans inFamous. Cette année, nous apprenions même que le studio détenu par Sony travaillait sur une nouvelle licence. Ce qui n'était pas pour nous déplaire, tant la suite d'inFamous fût rushée et sans grande inspiration. On ne sait pas ce qu'il s'est passé, annulation de la nouvelle licence ou sa ligne conductrice a été réajustée, mais SuckerPunch a été mandaté par son éditeur pour alimenter les débuts de sa PS4 : inFamous : Second Son était né.

Vite, on a une console à vendre

Nous allons réécrire la même phrase d'introduction que dans la critique du deuxième épisode. C'est exactement le même jeu que ses deux prédécesseurs... Même gameplay libre où le héros s'accrochera à chaque rebord des immeubles, lampadaires et tout autre modélisation ; même gameplay de shoot/beat sans lock, aucune assistance, basé sur une multitude de manips pour déclencher des pouvoirs à débloquer, même difficulté plutôt ardue où il faudra skiller en bougeant tout partout en visant manuellement vos projectiles contre des ennemis en surnombre, agressifs et résistants...

C'est la première chose qui choque, pad en main. On a beau être sur une "next-gen", la physique du jeu super-héroïque est exactement identique au deuxième épisode qui lui même était identique au premier épisode, soit un jeu de 2009. Le héros est toujours aussi aimanté, se collant automatiquement sur n'importe quel rebord du décors, même sur un micro trottoir ou une vulgaire niche. Ce qui était à l'époque excellent pour favoriser la circulation de building en building où le héros s'agrippe à chaque rebord, cette physique devient malgré tout pénible quand vous sautez partout dans le feu de l'action, et êtes ralenti par une accroche involontaire au décors. Dans cet épisode, il n'est aussi plus possible de soulever les voitures, lampadaires, autres pour en faire des projectiles. En revanche, on nous apporte des éléments de destruction plus sympas et réalistes en ruinant les tours de contrôle ennemies et autres pans du décors, que ce soit par le retrait d'une poutre de soutien qu'une grosse explosion bien grasse, dont le saillant bruit de tôle apportera satisfaction et sentiment de puissance au joueur. Il faut néanmoins être conscient que cette astuce masque une physique d'un autre âge où le décors, hormis les éléments cités, reste de marbre au moindre contact.

Ces tours de contrôle et autres bouts de tôle, en plus de nous apporter le plaisir de destruction, sert aussi à justifier un level-design de missions annexes à la Assassin's Creed, Far Cry. Il faudra, en effet, nettoyer les quartiers de la ville pour acomplir les 100%. Et à l'instar des tours Borgia d'Assassin's Creed repris en boucle chez Ubisoft, il faudra dans inFamous réduire en cendre le campement ennemi de chaque quartier pour accéder aux missions secondaires et surtout se balader en ville sans se faire tirer dessus comme un pigeon. Ces missions sont d'ailleurs les plus difficiles du jeu car c'est ici que les ennemis (sachant tirer juste) y sont les plus nombreux. Passés ces camps, on nous donne accès à des missions de récolte, comme faire des graffitis, retrouver des dossiers cachés comme dans les précédents épisodes qui servent à en savoir un tout petit peu plus sur l'ennemi, dénicher des caméras cachées, récolter des fragments, détruire les caméras et enfin, prendre le contrôle du quartier activant le checkpoint de voyage rapide. Tout ça est visualisé sur la map, il suffit donc de s'y rendre et de boucler les missions annexes fissa. Ça n'a rien de bien intéressant en soit, à part éventuellement le trip de graffer où l'on découvre pochoir après pochoir le visuel que l'on peint en mimant le geste de la bombe de peinture avec son pad reprenant une ancienne feature de Sixaxis, mais ça va très vite à boucler. La carotte étant une ville plus sûre pour avancer sans encombres dans la quête principale. Et heureusement que ces missions annexes de remplissage sont là, nous incitant à faire le tour de la ville de Seattle, car la quête principale est bien courte. En rushant tout droit, vous le bouclerez en un tout petit 6 heures, tandis que le 100% arrivera en doublant le temps. Notons cependant que nettoyer les quartiers de la ville de fond en comble sert aussi à booster vos pouvoirs, et plus ils sont efficaces, plus votre mission principale sera un jeu d'enfant. Cependant, la quête principale reste très rapide, succincte et assez schématique : intro, découverte d'un allié, découverte d'un pouvoir, avancée de l'histoire, tout ça multiplié par trois, plus l'accès au boss, et enfin le combat final. Sans quête annexe prétexte à la promenade, votre jeu sera vite torché.

Power Ranger

Heureusement, ce level-design prévisible et répétitif au possible est épicé par une toute nouvelle brochette de pouvoirs, susceptible non pas de bouleverser le game design du jeu somme tout basique, mais au moins de s'amuser dans notre avancé. Fini les pouvoirs élémentaires à base de foudre, glace et feu dans les deux premiers épisodes et dites bonjour aux pouvoirs manufacturés. Vous pourrez vous amuser dans un premier temps avec le pouvoir de fumée (ne riez pas !) permettant au héros de passer les grilles (quelles qu'elles soient) et de se glisser dans les bouches d'aérations des bâtiments afin d'atteindre les toits en un éclair. Il peut en outre balancer des projectiles légers, des missiles et des grosses vagues. C'est le pouvoir le plus classique du jeu, celui qui s'apparente au gameplay de ses prédécesseurs. On débute ainsi en douceur tout en prenant plaisir à s'infiltrer dans les bouches d'aération d'une fluidité et légèreté des plus agréables. Puis quand vous avez l'impression de tout maîtriser et tout déglinguer, voilà qu'on vous refourgue le pouvoir du... néon (arrêtez de rire, merde !), prétexte pour ajouter un mode sniper avec mode bullet time, faisant soit exploser la tête des ennemis, soit les ligoter aux jambes et surtout pour ajouter la possibilité de courir sur les murs, sans être aimanté par cette physique dépassée. Progressivement, le joueur devient de plus en plus libre de se mouvoir avec rapidité et style. On remarquera que chaque pouvoir a aussi des priorités différentes, le pouvoir du néon étant bien moins puissant que la fumée, il est difficile de déblayer le niveau en masse avec ce pouvoir. Mais il est plus précis... C'est au joueur alors d'adapter son style du jeu en choisissant de drainer la fumée des voitures explosées et des cheminées ou switcher en drainant les néons de la ville, vos pouvoirs n'étant évidement pas illimités.

Puis, plus tard viendra le chouette pouvoir de la... vidéo (non sans blagues, stop !). En plus d'être aussi fluide que le néon, la vidéo permettra de voler en passant au travers des antennes satellites. Il aura surtout le merveilleux avantage de se la jouer infiltration en devenant invisible. D'un bouton, le héros devient invisible (à condition que la zone autour de lui soit dégagée) et peut librement se faufiler derrière l'ennemi pour les éliminer en tout sécurité. Et parceque sa force de frappe est lente mais très puissante, cela permettra de déglinguer les ennemis renforcés qui vous gonfleront dans la deuxième partie du jeu. Heureusement, le pouvoir n'est pas cheaté et le temps d'invisibilité est limité, au joueur de jouer intelligemment en fuyant pour trouver une zone claire et recommencer son action jusqu'à nettoyer les quartiers. Viendra ensuite le pouvoir du béton (oui, là vous pouvez rire !) qui est juste nul à chier et inutile en plein jeu sauf pour la fin et l'histoire. Quoiqu'il en soit, cette brochette de pouvoirs a le mérite d'être originale et surtout de varier les plaisirs de jeu par des approches différentes, mais aussi avouons le pour donner la possibilité aux développeurs d'en foutre plein les mirettes des joueurs. InFamous, avec son vieux level-design éculé et son game design quasi identique aux deux précédents épisodes n'a aucune intention de se réinventer et n'a que pour mission de faire vendre des PS4.

Graphiquement, le jeu est très réussi. Il est avant tout, très fin, sans aliasing notable, de bonne résolution (1080p) et... sans ralentissement après patch. En effet, à son lancement, le jeu pouvait être très fluide puis subir des petits ralentissement détectables. Jamais il ne passe sous la barre des 30fps mais l'effet yoyo pouvait un peu se sentir sans pour autant affecter l'efficacité du gameplay. Désormais, après mise à jour, le joueur peut bloquer le jeu à 30 fps s'il le souhaite... Il y a encore du boulot pour profiter d'un jeu très fluide mais c'est déjà mieux que la génération précédente. Comme écrit plus haut, les pouvoirs sont donc prétextes à effusion d'effets spéciaux : effets de fumée en pagaille, de la lumière persistante fluo à chaque rush et encore des particules lasers holographiques machins truc chouettes en veux tu en voilà. Et si ça ne suffisait pas, une énorme attaque a été créé afin d'en mettre plein la tronche. Elle se déclenche uniquement si on enchaîne des bonnes actions de jeu (ne pas tuer, ne pas toucher de civiles, etc) et met en scène en temps réel des frappes orbitales venant du ciel, ou encore des explosions de particules remplissant tout l'écran. En plus de se sentir tout puissant, elle met en valeur le potentiel de la PS4 via de jolis effets. Certes, des effets complètement tape à l’œil mais qui compte tenu du contexte comicbook est parfaitement justifié (alors que l'abus de lumière dans la gueule de Killzone était lui ridicule).

Si le jeu n'a pas de cycle jour/nuit en temps réel, les développeurs ont créé différentes ambiances selon les missions. Au final, que ce soit de jour, de nuit, à l'aube, ou de pluie (on est à Seattle hein), les ambiances montrées sont superbes et mettent en valeur une ville un peu plus réelle, crédible et donc intéressante que le New Marais du deuxième épisode. La deuxième partie de la ville est elle moins réaliste car sous emprise totale de l'ennemi est remplie de blocs de pierre et de béton... Mais on saluera l'effort de représenter des monuments et lieux clés de la ville afin de créer une cohérence bienvenue. On notera que la saturation globale du jeu est légèrement fade, très probablement pour créer un fort contraste avec les pouvoirs clinquants. Rien de bien méchant, mais c'est un choix de colorimétrie à noter.

Le pouvoir de la rue

Si tout ça est plaisant à jouer et à voir, c'est aussi grâce à une histoire simplette, certes mais bien interprétée et légèrement de bonne humeur. L'histoire se déroule sept ans après les aventures de Cole où certains possesseurs du gène conducteur ont survécu et ont conservé des pouvoirs. Une nouvelle force militaire, le DUP, est créée pour éviter une nouvelle catastrophe comme dans le deuxième épisode. La force militaire devient cependant de plus en plus politisée et autoritaire, cataloguant les porteurs comme des "bio terroristes". Lorsqu'un convoi de trois détenus du DUP se crashe aux abords de la réserve Akomish, près de Seattle, le jeune délinquant Delsin Rowe découvre qu'il est un porteur. Un porteur un peu spécial puisqu'il absorbe le pouvoir des autres... A cause de ça, il attire la suspicion des autorités et découvre la tyrannique Brooke Augustine qui n'hésite pas à tuer des civils innocents pour enfermer des porteurs. Pour sauver les siens, blessés par des pics de béton inamovibles, Deslsin aidé de son frère flic un peu trop coincé, doit aller trouver Augustine et lui voler son pouvoir. Il découvrira au fil de l'aventure au travers des trois Porteurs rescapés, que cette force cultive l'animosité discriminatoire des porteurs.

Le propos de Second Son est très proche de celui des X-men : rejetés par la peur de l'autre dû à des pouvoirs les rendant potentiellement plus dangereux. Chacun des personnages apportant un pouvoir au héros sera accompagné d'une histoire personnelle illustrée par une succession de flashbacks dessinés. Des histoires terriblement classiques mais heureusement résumées en deux minutes, ne prenant pas la peine de pousser l'idée au bout. Avec son look streetwear totalement décontracté le Delsin apporte de la vanne, de l'impertinence, une gestuelle de petit branleur très bien animé et fait mouche avec le contraste de son frère. Les personnages secondaires sont eux d’authentiques clichés (la drogué goth, le taulard, le nerd) mais sont clairement mis en retrait. InFamous n'a jamais été un foudre d'écriture, ni même de grand sérieux. Second Son confirme cet état des lieux : il pose quelques principes simples, ici le rejet d'autrui, et surtout se prête au divertissement sans prise de tête. En ce sens, le personnage de Delsin apporte plus qu'un Cole un peu trop sérieux (surtout dans le deuxième épisode) : il est drôle, il y a de la répartie, on ne fait pas de chichi à se prendre pour des cinéastes Actors Studio, inFamous reste du simple fun. On pourra d'ailleurs choisir les voix anglaises ou françaises sans passer par le menu de la console. Et les voix françaises sont finalement bien plus expressives que celles anglaises, bien plus passe partout. Faut dire que la présence de l'acteur Troy Baker pour le rôle du héros, que l'on a entendu dans The Last of Us, Bioshock Infinite, Batman, Saints Row, Darksiders 2, Ninja Gaiden et même plus tard dans Phantom Pain, est on ne peut plus convenu... La voix française étant bien plus enjouée et sonnant juste. Et pour cause, c'est l'acteur Bruno Choel, doubleur de Johnny Depp, Ewan McGregor... Et Nathan Drake d'Uncharted. La différence entre un acteur américain spécialiste du jeu vidéo et un acteur français spécialiste du doublage c'est surtout que le second a travaillé sur des projets bien plus variés et mieux écrit que le précédent... Et ça se sent. Et comme inFamous est un jeu misant sur le fun de part sa simplicité et ses dialogues légers, on privilégiera l'expressivité française à l'efficacité américaine.

Ce qu'on regrettera tout de même chez Second Son, c'est que malgré l'habillage fun, la série ne franchit toujours pas d'étape et ne prend toujours pas d'ampleur. Vous aurez une histoire sympathique, bien qu'un final franchement incohérent. Alors que depuis le premier épisode et sa réappropriation des thématiques de superhéros, notamment de se servir de la responsabilités des pouvoirs pour le bien ou le mal (dont le manichéisme volontaire est identique dans ce troisième épisode), la série a le potentiel de construire une mythologie intéressante mais elle préfère répéter des histoires one-shot sans grande ambition. Vous ne saurez pas pourquoi, ni comment on passe de pouvoir élémentaire en pouvoirs manufacturés par exemple, rien de l'origine des pouvoirs ou quoique ce soit. C'est dommage car il y a quelque chose de plus consistant et grandiose à créer, tous les ingrédients étant là : fun, pouvoirs variées, grande ville, bien/mal, liberté/répression, etc etc. On appuiera une bande son un peu rock soutenu par des ambiances lyriques envoûtants bien rendues mêlant mysticisme et élans puissants. On sent aussi dans certains chœurs une influence amérindienne en concordance avec le background du héros. Dommage qu'elle se perde un peu trop dans les explosions de bastons.

S'il ne révolutionne absolument rien, que son level-design est paresseux et que son histoire a peu d'ampleur, inFamous : Secon Son est un divertissement très efficace : vraiment beau témoignant du potentiel de la PS4, blindé d'effets tape à l'oeil, de pouvoirs simples mais puissants et sympas à jouer, un héros tout en décontraction attirant le fun autour de lui. La clé du jeu étant là son principal défaut : juste être fun. C'est tout. On avait le droit d'espérer plus, mais on pouvait tomber sur pire, évité grâce à ce gameplay de pouvoirs flexibles. C'est coloré, ça pète de partout, le joueur n'est pas pris par la main, le héros est fun : du pur divertissement à 100% efficace. On espère cependant un peu plus de travail sur les missions pour le prochain épisode. En effet, Sucker Punch pourrait être rattaché à la série de manière durable, selon son réalisateur, Nate Fox. Quoiqu'il en soit, c'est un très bon jeu de début de gen, mais il faudra enfin penser à mieux pour le prochain jeu. Peu importe son nom.

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