Article publié il y a trois semaines sur PG Birganj.

Dévoilé tardivement par Mark Cerny, l'architecte principal de la PS4, lors du Playstation Meeting en février 2013, Knack n'avait pas franchement une gueule de porte-bonheur. Très peu de promo, design enfantin, il partait d'emblée avec de sérieux aprioris et n'était pas destiné à se retrouver en tête de gondole de la presse spécialisée. Mais voilà, la PS4 perdait DriveClub pour son line-up et ne profitait pas d'inFamous 3. Avec Killzone, Knack est l'unique exclusivité PS4 sortie en boite. C'est donc un jeu de lancement, se posant en vitrine de la PS4. Des responsabilités énormes, imprévues, avec les yeux rivés sur lui avides de gap technologique « next-gen » à base de bullshit de lumière aveuglante et de brosse à reluire, le pauvre Knack n'avait aucune chance. Mais comme nous ne sommes pas des graphic whores, nous n'avons cure de ces attentes et nous traiterons Knack comme il se doit.

Knack's Balls

Le principal défaut de Knack est qu'il n'a carrément pas la gueule de l'emploi. Autant pour l'aspect graphique et technique que pour le gameplay. Ce dernier est basiquement old school. Il s'agit d'un jeu de action/plate-former dirigiste où le joueur devra éviter différents pièges en sautant, double-sautant ou en esquivant avec le joystick droit, tout en éliminant des gobelins, robots à base de coup de poing en martelant carré. Des coups spéciaux sont disponibles en accumulant des cristaux pour déblayer le passage : une tornade, une onde de choc ou projectile multiple. C'est ultra classique et s'apparente beaucoup à du Ratchet & Clank : facile d'accès, personnage souple et très répondant, combo d'attaque facile où il suffit de marteler un seul bouton, quelques séquences de sauts semblant anodines sont là pour couper l'ensemble mais aussi essayer de prendre en traitre le joueur.
C'est terriblement old school dans son game design... Mais ça l'est encore plus dans son dosage.

Knack est un jeu très vicieux en vous faisant croire par ses mécaniques de jeu déjà vues et son look enfantin qu'il sera une promenade de santé. Il s'agira en réalité d'une difficulté ahurissante rappelant les Mister Nutz ou Bubsy sur Super Nes, ces jeux qui misaient sur leur difficulté pour se faire un nom. Dans Knack, vous êtes mort en deux coups, voir moins. Même si le héros a une barre de vie pouvant nous laisser indiquer une bonne endurance comme la grande majorité des jeux faciles d'aujourd'hui, c'est un personnage très fragile. La principale force de Knack est dans le dosage. Certes, le héros peut mourir en deux coups mais s'il n'y a peu d'ennemis, ça ne veut rien dire... Or, les attaques ennemies de Knack sont d'une précision à se tirer les cheveux. Les ennemis savent locker le héros en toute circonstance et bénéficient d'une gestion de collision honnête. C'est à dire qu'à l'inverse de la majorité des jeux, où l'esquive permet de passer au travers du coup, Knack doit esquiver obligatoirement dans le bon sens et avec la bonne allonge sous peine de se faire choper malgré tout. Il en va de même pour l'allonge de ses propres coups où il n'aura pas toujours la priorité. Le jeu se joue d'un millimètre. Et quand vous pensez avoir trouver le bon tempo, en esquivant et contre-attaquant, un nouvel ennemi arrive avec une nouvelle palette de coups : onde de choc, meilleur angle d'attaque, coup aérien, arc de cercles, bouclier, tout pour forcer le joueur à diversifier son jeu en mouvement sous peine de se faire éclater en mille morceaux. Comme si ça ne suffisait pas, les attaques des ennemis se complètent. Pendant que vous évitez un coup d'épée, un autre vous fauchera à la massue à l'atterrissage... Vous allez beaucoup, beaucoup, beaucoup mourir dans Knack. Ça peut paraître abusé et vous allez rager mais quand vous comprenez votre game over, et que vous voyez la précision de ces attaques, on est obligé de saluer ce retour à la précision digne des jeux Super Nes où le masque de collision était précis au pixel près. Une idéologie que les anciens apprécieront.

S'il y a beaucoup de game over, il ne faut pas recommencer les niveaux (numérotés à l'ancienne 1-2, 2-3, 4-1, etc) mais les checkpoints sont intelligemment gérés pour à la fois ne pas paraître trop cheatés et à la fois obliger le joueur à enchainer différentes arènes. Notez que la difficulté du jeu ne provient pas d'un grand nombre d'ennemis, spammant injustement. Il y en a 3, 4, 5 grand maximum mais c'est leur complémentarité avec parfois des éléments en surélévation pour gêner le joueur qui va corser l'aventure. Le joueur doit ainsi enchainer plusieurs séquences de baston parfaitement et quand, il réussit enfin à franchir des passages pénibles, il en oublie ces gros boutons grossiers au sol pour l’achever d'une salve de flèches fatale... Cruel. Mais terriblement bien pensé. On notera cependant quelques incohérences de game design : alors que la gestion des collisions avec les ennemis est la cause de la difficulté du jeu, il est dommage de ne pas avoir pousser cette idée au bout en proposant du friendly fire entre ennemis, il n'y a rien de plus frustrant de voir qu'un pixel près peut vous éliminer quand les ennemis se bombardent entre eux. La gestion des cristaux est aussi étrange. Vous pouvez accumuler jusqu'à trois cristaux, histoire que vous balanciez trois attaques spéciales. Quand vous perdez, vous revenez au checkpoint sans retrouver les cristaux utilisés pendant votre partie perdue... Mais en récupérant la totalité de votre santé. Ce qui a pour effet de rendre parfois le retry plus difficile que le premier essai car délesté de ses attaques spéciales.

A partir du moment que le jeu vous fera recommencer vos séquences à base de die & retry d'un autre temps, le jeu est très long. Doté de treize mondes, il vous prendra environ une grosse vingtaine d'heures en y revenant continuellement. En réussissant à trouver les coffres cachés dans les niveaux derrière des murs cassables, vous pourrez trouver des pièces détachables pour augmenter les compétences de Knack avec des combos plus longs ou une plus grande récolte d’énergie mais tous les retrouver est long et pendant ce temps, la difficulté aura augmenté progressivement. Du début à la fin, Knack est un jeu difficile. Et malgré ses trois niveaux de difficulté, il va difficilement trouver son public actuel, il le trouvera chez les anciens. Seulement si ces vieux joueurs n'ont pas été trompé par un visuel trop enfantin. Il existe aussi un mode co-op où le deuxième joueur, en robot, vient donner un surplus d'énergie à Knack. L'idée étant d'aider le joueur principal. Ce n'est donc pas un co-op à proprement parlé mais une assistance au joueur.

Ma saucisse a éclaté

Knack est l'histoire d'un jeune golem dont son cœur alimente des fragments de reliques anciennes. Son corps est ainsi constitué de fragments, qui lui servent aussi d'énergie. Pour augmenter son énergie, le joueur doit trouver des caisses de ces fragments. L'idée de ce bonhomme en pièces détachées a très probablement été choisi pour mettre en avant la gestion des particules de la PS4. On a ainsi notre petit bonhomme avec ses morceaux qui tombent à chaque coup pris et qui se rassemblent à chaque medikit. Au vu du concept, on aurait pu penser que le joueur allait gérer l'évolution de Knack. C'est à dire que plus vous accumulez des pièces sans être touché, plus Knack va grossir jusqu'à atteindre sa taille de géant. Hélas, les différentes formes de Knack sont dictées par le scénario. On pourra jouer ainsi avec un Knack minuscule propice à la plate-forme et au rythme, un Knack moyen équilibré ou un Knack géant qui détruit tout. Il n'y a hélas quasiment pas de changement de gameplay, si ce n'est que le gros Knack a le pas lourd et la frappe puissante quand le petit est léger comme une plume. Ce dernier a aussi un peu plus de plate-formes. Ne vous méprenez pas non plus, le gros Knack a beau paraître plus costaud avec une grande barre de vie, ses ennemis sont ajustés à sa taille avec des robots géants ou des tanks, donc il continue d'être fragile avec son game over en deux coups. Knack pourra aussi voir son concept légèrement évolué, s'il accumule des fragments de glace, il fondera au soleil, de fer, il sera aimanté, etc. Ça ne change pas grand chose mais le level-design sera ajusté avec des pièges et des ennemis adéquats.

Ce qu'on reprochera c'est que cette gestion des particules de la console n'a rien d’impressionnant. Les pièces voltigent ici et là mais lorsque Knack grandit ou rétrécit, il ne se construit pas par les pièces en temps réel, il grandit grâce à un étirement de son squelette 3D... Rien de bien next-gen.
Le jeu a beau être clean avec un anti-aliasing digne de ce nom et une jolie luminosité, c'est très sage. Et comme il est un jeu vitrine de la console, la déception de cet aspect est renforcé. Le jeu n'est pas non plus aidé par sa direction artistique peu inspirée. Certes, c'est coloré, certes, ça ressemble à un dessin animé avec des personnages au gros nez, au gros bide et aux cheveux en pointe, mais c'est assez fade et sans grande personnalité. L'histoire démarre aussi sans réelle présentation, sans réel enjeu au point où le joueur s'en fichera complètement quand il se tapera son boss pour la troisième fois d'affilé. On reconnaît le méchant au premier coup d’œil, il n'y a pas de grand intérêt dans cette histoire et sa mise en scène ne fait pas grand chose pour y remédier tant les cut-scenes sont expéditives pour privilégier ce gameplay hardcore. La voix française est sympathique et correspond aux attentes d'un doublage de film pour enfants : de l'entrain, du surjeu, des expressions toutes faites... On notera une synchro labiale parfois aux fraises... Le jeu n'a rien de très personnel visuellement parlant. Et c'est bien dommage car sans demander la lune, une direction artistique un peu plus recherché aurait pu très bien se marier avec ce gameplay dosé au millimètre. Dans un tout autre genre, un Demon's Souls a réussi à bien se faire voir car son gameplay rude était associé à un univers prenant qui incitait au die & retry. Ici, Knack et sa direction artistique sans panache n'incite pas du tout à se prendre au jeu. Elle est même complètement contradictoire car avec son visuel qui crie « jeune public », la surprise sera grande avec ce gameplay « expérimenté ». On ne comprendra pas trop non plus pourquoi s'être orienté vers un univers et un public enfantin sur une machine que personne n'offrira à un enfant de moins de 12 ans...

Knack souffre d'un délie de sale gueule auquels ne sont pas étrangers les développeurs. Avec son gameplay millimétré à l'ancienne et son univers pour gosses abreuvés de Gulli, difficile de savoir à qui le jeu s'adresse. L'enfant (ou l'adulte nourri aux jeux assistés) trouvera dans ses mains un jeu trop difficile et le joueur habitué ne sera pas très excité à l'idée de toucher le jeu avec un tel univers peu intéressant. Le contexte n'est aussi pas favorable à Knack avec une technique certes propre mais certainement pas « next gen » comme le devrait être la deuxième exclusivité de la PS4. Pourtant, même si l'originalité n'est pas là, si la claque graphique n'est pas là, si l'ambiance est inexistante, ce gameplay old school qui fera rager mais de façon juste grâce à un millimétrage des esquives, sauts et allonges d'attaque est clairement à saluer. Alors que « next-gen » aurait pu se résumer à « coquille vide » avec un énième jeu téléguidé, Knack fait tout l'inverse et retourne aux sources du jeu vidéo : le gameplay avant tout. C'est un cas d'école d'équilibrage de game design certes simple, mais justifié. Maintenant, prendre un jeu car il est difficile semble être un argument de vente bien léger... Mais Knack surprend clairement son monde avec un habit qui ne fait pas le moine. Malheureusement, ça va le desservir. Le même gameplay avec un travail artistique plus prononcé et ça n'aurait pas été la même chanson.

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