Bonjour à toutes et à tous !

Si vous fréquentez régulièrement YouTube, (en gros si vous êtes vivants en 2018) vous n'avez pas pu passer à côté de l'appel au secours lancé par de nombreux vidéastes contre un certain article 13. Oh le vilain !

 

Émanant d'une directive de l'Union Européenne, l'incriminé pourrait être responsable à terme, d'un blocage massif de vidéos sur le célèbre site de partage américain, mais également au-delà. Instagram, Twitter ou encore Snapchat se verraient aussi dans l'obligation de filtrer les contenus.

 

Inquiets pour leur avenir (et on peut les comprendre au vu du ton paniqué qu'emploie YouTube dans sa communication), les youtbeurs sont montés au créneau, et on ne compte plus aujourd'hui les capsules sur le sujet, accompagnées du hastag : #SaveYourInternet, un mot dièse fédérateur lancé par Google. la situation y est dépeinte comme extrêmement inquiétante, voir alarmante ; nos libertés sur internet seraient gravement menacées !

 

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Rassurons-nous tout de suite, il n'en est rien et les vidéastes de tous bords se sont emportés. Encouragés à le faire comme ils le sont par YouTube, on leur pardonnera cet élan de panique injustifié...

 

Je vais tenter dans les lignes qui suivent de clarifier autant que je le peux la situation, d'expliquer de la meilleure façon possible ce qui se cache véritablement derrière l'article 13 mais aussi de démontrer en quoi les arguments des youtubeurs sont faussés. Pour ce faire, je ne vais pas sortir les informations de mon chapeau, bien entendu.

 

Quentin Deschandelliers, juriste de formation et assistant parlement de l'eurodéputé Marc Joulaud a récemment pris la parole pour apporter un peu de nuance au milieu des messages de soutient à #SaveYourInternet. Il a gentiment accepté mercredi dernier de répondre à mes nombreuses intérrogations, ce qui me permettra ici d’étayer les faits du mieux possible. Parce qu'on est jamais mieux informé que par celles et ceux qui sont au plus près de l'action.

Je tiens à nouveau ici à le remercier pour ses précieuses réponses !

Commençons par le commencement ! L'article 13 mis en lumière par les différents détracteurs de ce texte fait partie d'une directive de l'Union Européenne qui a pour but de mieux encadrer le droit d'auteur dans le marché unique numérique. À l'heure actuelle, il s'agit en fait de trois versions du texte : la proposition de la Commission Européenne, la position du Conseil Européen sur la question, et celle du Parlement, qui a été adoptée en septembre dernier et qui avait fait alors grand bruit. Je vous laisse les liens si vous voulez vous amuser à décortiquer tout cela vous-mêmes, mais inutile de vous prévenir qu'il vous faudra une certaine persévérance...

 

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Ce qu'il faut retenir, c'est qu'actuellement, le texte est encore en négociation entre ces trois institutions qui vont rédiger ensemble, une sorte de version définitive. Ce sont dans ces négociations que YouTube cherche actuellement à interférer puisque le texte a été voté en septembre dernier.

L'article 13 de cette directive est donc encore susceptible d'être modifié, même si comme me le disait Quentin Deschandelliers : « aucune des 3 positions ne remet en cause l'article 13 dans ses fondamentaux, donc il y a un certain nombre de chose qu'on sera à peu près sûr de retrouver dans la version finale. ».

 

Dis m'en plus...

 

 

On y vient, « en gros l'article 13 vise à corriger les abus qui existent aujourd'hui sur le marché, notamment dans la relation entre les plate-formes et les auteurs » m'explique Quentin Deschandelliers.

 

À l'heure actuelle Google, via Youtube, profite d'une situation particulière. Les plates-formes de diffusion (pas uniquement Google, mais c'est vrai qu'ils cristallisent un peu le problème), use d'un « régime d'irresponsabilité juridique (qui n'a pas été conçu pour eux) pour refuser de passer des accords avec les auteurs ou leur imposer leurs conditions ». Le but est donc de rééquilibrer les forces pour obtenir des négociations plus justes entre les diffuseurs et les propriétaires des œuvres, évitant ainsi les abus. D'un côté comme de l'autre, il faut le préciser. L'objectif n'est pas non plus d'inverser le rapport de force et de rendre les ayants-droits surpuissants.

 

« Il y a donc un consensus pour dire que certaines catégories de plate-formes ne pourront plus se servir du régime d'irresponsabilité juridique et auront donc l'obligation de passer des licences avec les auteurs qui le souhaitent (pour qu'ils puissent être rémunérés) ou alors de coopérer avec les auteurs pour les aider à lutter contre les usages non autorisés de leurs œuvres. ».

 

Et d'ailleurs, au-delà des acteurs majeurs de l'industrie culturelle (majors, éditeurs de jeux vidéos, boites de production...) la directive a aussi vocation à aider les petits créateurs, souvent ennuyés par des strikes intempestifs dus notamment, au système utilisé par YouTube pour reconnaître automatiquement du contenu tiers, Content ID. Je vous invite une fois cet article parcouru à faire vos recherches sur le sujet, mais une chose est certaine, le pauvre robot n'est pas très apprécié des youtubeurs. Une fois la directive mise en place, le géant d'internet devra réviser son algorithme.

 

« On impose aussi la mise en place de mécanismes de recours, pour que les consommateurs puissent se défendre face à des applications injustifiées du droit d'auteur […] si la manière dont il doit exactement être construit est encore à négocier, l'idée sera quand même d'avoir un système plus protecteur que ce que Content ID offre aujourd'hui » m’écrivait Quentin Deschandelliers en prenant soin d'ajouter qu'aujourd'hui, lorsqu'une vidéo se fait striker par YouTube, il ne s'agit pas d'une politique relative au droit d'auteur, mais d'une décision prise intégralement par le service et surtout son algorithme impitoyable.

 

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 Se retient de glisser un gif du générique de Dallas...

 

Tout n'est pas noir ou blanc, et les propriétaires des droits peuvent aussi être à l'origine d'abus. Par exemple lorsqu'ils prennent l'intégralité des revenus publicitaires alors que seule une poignée de secondes est diffusée dans l'ensemble d'une vidéo. Malheureusement, la directive ne pourra pas régler ce problème, « Il faudrait des accords de branche pour encadrer tout cela, ce qui sera peut-être facilité lorsque les youtubeurs auront mis en place leur association représentative ». Une sorte de syndicat des vidéastes d'internet peut-être, étape qui semble assez indispensable au fur et à mesure que l'activiter se professionnalise.

 

En tant que créateurs de contenus, les youtubeurs bénéficieront également grâce à cette directive d'une meilleure rémunération de la part de leur network ainsi que d'une protection accrue pour leurs réalisations qui sont, au même titre qu'un épisode de série télévisée par exemple,  soumises au droit d'auteur et susceptibles d'être volées et exploitées par des tiers (sur YouTube ou d'autres services).

Youtubeur, à l'attaque !

 

 

Dans ses différentes campagnes de sensibilisation, qu'elles soient directes ou indirectes, YouTube avance de nombreux arguments afin de rallier l'opinion public à sa cause. Cherchant à user du capital sympathie des youtubeurs, l'entreprise les avait déjà contacté le 22 octobre dernier, via un poste sur son blog signé par Susan Wojcicki, la PDG de YouTube en personne, pour les encourager à prendre la parole et sensibiliser leur public sur les difficultés qu'ils pourraient rencontrer à l'avenir en cas d'adoption du texte. Depuis, des mails ont été envoyé, des coups de téléphone donnés afin d'informer (ou d'effrayer) les créateurs avec plus de certitude.

 

De nombreuses vidéos sont dès lors apparues sur le site et beaucoup de célèbres vidéastes ont abordé le sujet face caméra, le visage grave et l'argumentaire soufflé par Google. Celui-ci se revèle souvent approximatif, quand il n'est pas tout simplement faux. Vous me direz, ils peuvent bien faire des erreurs, ils ne sont pas juristes. Moi non plus d'ailleurs, c'est vrai. Mais j'en ai interrogé un ! ^-^

Approximations, mensonges et conséquences.

 

L'argument le plus alarmiste évoqué par les opposants serait qu'avec cette nouvelle législation, le service pourrait être contraint, à plus ou moins long terme, de bloquer un grand nombre de vidéos, celles déjà disponibles comme les futurs uploads. Selon le géant américain, l'application de cette législation serait impossible étant donné la quantité astronomique de minutes de vidéo envoyée sur leurs serveurs à la minute (on parle de 400 heures de vidéos toutes les 60 secondes). Alors pour éviter tout problème, on coupe tout !

 

shut down

 

Pourtant, si une telle mesure inquiète nombre de youtubeurs qui verraient alors leur revenu s'évaporer, elle paraît plus ridicule qu'autre chose. YouTube n'a aucun intérêt à se priver volontairement de millions d'internautes Européens. Car rappelons-le, s'ils se risquaient à bloquer l'accès aux vidéos, ils le feraient de leur propre chef. C'est d'abord une perte de revenus sèche, mais également l'ouverture d'un carrefour formidable pour une éventuelle concurrence. Dailymotion par exemple, (on ne rigole pas dans le fond...) qui dans le même temps ne bloquerait rien parce que la directive ne le lui demande pas, et pourrait récupérer tout ce trafic. Dans la position de leader incontesté qu'a actuellement YouTube, jouer un coup aussi maladroit au risque de perdre ce leadership paraît peu probable.

 

La directive peut naturellement s'adapter en fonction des acteurs, de leurs marchés ou de leurs moyens, l'idée générale reste donc « d'imposer une coopération [entre ayants droit et hébergeurs, N.D.R]. Cette coopération doit évidemment être proportionnée et être adaptée aux spécificités de chaque service. Donc on ne demandera pas l'impossible, et il n'y aura pas de censure. Et tout est envisageable. Si les ayants droit et une plate-forme considèrent que le mieux est de passer par un système de notification au cas par cas, ils pourront parfaitement le faire. s'ils considèrent que la masse de contenu rend une application full manuelle impossible, alors il faudra envisager l'usage d'outils (comme YT et d'autres services le font déjà aujourd'hui de manière volontaire) pour faciliter le process encore une fois, ce qu'on impose c'est que les gens coopèrent ensemble. Ensuite, ce en quoi cette coopération doit consister, c'est à eux d'en décider, tant qu'ils respectent les garde-fou (proportionnalité, respect des droits fondamentaux, etc.) ».

 

Malgré tout, dans l'intervalle, l'article 13 de la directive européenne est bel et bien accusé de censure. Youtube menace de bloquer, mais c'est l'Union Européenne qui censure...

Une campagne autour du hastag #SaveYourInternet, tente à grand renforce de messages de soutient volontaires (surfant parfois sans honte sur le sentiment anti-européen ambiant), de jeter le discrédit sur la mesure, comme sur les élus. Une pétition est même en ligne est a pratiquement atteint son objectif de 3 millions de signatures à l'heure où ces lignes sont écrites.

 

Le site https://saveyourinternet.eu/ se veut être le portail de la lutte. Evidemment très orienté, on peut notamment y trouver cette page, sur laquelle les députés européens sont regroupés selon qu'ils aient voté pour ou contre l'article 13

Quatre catégories sont représentées, « Abstentionnistes », « Absents », mais aussi et surtout « l'Equipe Liberté » contre « l'Equipe Censure ». Le choix des mots n'est pas anodin et n'est qu'un des rouages de la machine visant à faire passer la mesure pour une legislation de liberticide.

 

C'est nous les gentils !

 

Au dela d'accuser l'Union Européenne de vouloir porter atteinte aux libertés fondamentales, YouTube et les youtubeurs émaillent leur discours de mensonges. Cette « censure » pourrait ainsi s'appliquer, si on les croit, à tout ce qui est sujets au copyright, les photographies, la musique, les films, les jeux vidéos mais aussi les monument historiques allant même jusqu'aux logos de marque, qui pourraient bloquer une vidéo par leur simple apparition !

 

Tout cela est aussi faux que ridicule : « C'est ce que Youtube raconte pour faire paniquer les gens. Le logo d'une marque est effectivement protégé par le copyright, mais Coca ne va pas se servir de la Directive tout simplement parce que leurs revenus ne viennent pas de l'exploitation de ce logo mais de la vente du produit associé. Donc à moins qu'un youtubeur se serve du logo de Coca comme du logo de sa chaîne, Coca n'interviendra jamais au titre du copyright. et s'ils le font, ils le feront par le biais d'une simple notification, pas via l'article 13, tout simplement parce qu'ils n'ont pas besoin d'une protection systématique au titre du copyright. Morale de l'histoire, on peut boire du coca, avoir une peluche Sonic et une statuette Star Wars dans sa vidéo, personne ne viendra vous mettre une cagoule noire et vous fusiller dans les bois. ».

 

Il n'est, donc aucunement question de censurer quoi que ce soit grâce ou à cause de ce texte. Simplement parce que la directive n'a pas vocation à réguler le contenus des sites de streaming. Du moins, pas celui qui est mis en avant par Google comme étant menacé, les cours de langue, ou les vidéos fitness par exemple (comme si la majorité du contenu sur YouTube était de cet ordre, coucou les théories du complot !) sont à l'abris.

 

À noter aussi que dans le but de contenter un peu ses « employé.es » vidéastes, et possiblement les encourager à prendre la parole, YouTube, qui d'ordinaire n'est pas le premier à s’inquiéter de la bonne rétribution des revenus publicitaires leur déclarait le mois dernier : « le système de rémunération de leurs vidéos a été amélioré. YouTube annonce enfin la création d'un fonds de 20 millions de dollars (17 millions d'euros) pour "soutenir les créateurs et les organisations spécialisés qui créent et organisent des contenus éducatifs de qualité" sur la plateforme. » comme l'indique cet article du site d'Europe 1.

 

En conclusion...

 

 

Voilà, nous avons fait ici un petit tour rapide des contre-vérités et réels enjeux de la directive européenne relative au droit d'auteur. J’espère que la situation est plus claire pour vous comme elle l'a été pour moi après mes recherches. J'espère également qu'on cessera bientôt d'accuser le texte et les institutions de tout les maux.

 

Le plus triste dans cette histoire, c'est sans doute de voir que nous faisons aujourd'hui plus confiance à une entreprise privée américaine pour défendre nos libertés qu'à nos propres élus. Les accuser d'être déconnectés, inconscients de ce qui se joue avec cette directive, ou à la solde des lobbys (lol) c'est un peu les prendre pour des imbéciles mais aussi leur manquer de respect. Ils ne sont pas nés de la dernière pluie, eux aussi savent ce qu'ils font, ils connaissent leur boulot, et leur métier c'est le juridique.

 

Les Youtubeurs pris de panique se trompent d'ennemie et le public, qui leur fait naturellement confiance, suit le discours consistant à tout reprocher à l'UE et louer Saint YouTube pour son éternelle générosité. Ceux et celles qu'on appelle parfois "des influenceurs", ont aussi la résponsabilité de verifier leurs informations avant d'adopter une position malheureuse qu'ils vont ensuite transmettre à leur audience.

 

Vous êtes bien evidemment libres de faire ce qui vous chante, mais vous vous doutez bien qu'après ça, je ne vous invite pas vraiment à signer la fameuse pétition qui tourne un peu partout, évitons de faire ce beau cadeau à YouTube. Mais je le redis, cela ne regarde que vous.

 

Même si l'Union Européenne est une atroce dictature, nous le savons tous. Je l'ai appris sur YouTube perso... ▲

 

 

Je tiens à nouveau à remercier Quentin Deschandelliers qui a accepté de répondre à mes questions ! Si vous en avez vous aussi, il se fera je pense, un plaisir d'y répondre ! Vous pouvez également remonter cette page pour retrouver ses threads qui pourront, j'en suis sûr, apaiser bien des craintes.

 

Je vous laisse aussi cet article très interessant de Chloé Woitier pour le Figaro.fr publié hier en début de soirée : «Ils m'ont dit qu'Internet était en danger»: Comment Google mobilise les youtubeurs contre l'article 13.

 

Un grand merci également à Tihmoty qui a réalisé l'image d'entête de cet article !

 

Je précise à toutes fins utiles que les propos tenus ici n'engagent que moi et moi seul !

 

Promis, la prochaine fois je reviens avec du jeu vidéo, probablement Red Dead Redemption II...

 vge

 

MISE À JOUR

Rebonjour à toutes et à tous !

Vous avez été nombreux à réagir et je vous en remercie, tout comme pour l'accueil que vous avez reservé à cet article ! Merci beaucoup !

C'est pour illustrer, en vrai je suis bien plus beau.

Face aux nombreuses interrogations portant entre autre sur le statut juridique de YouTube une fois l'article 13 fixé et adopté (ce qui n'est toujours pas fait je le rappelle), je suis retourné en quête de réponses auprès de Quentin Deschandelliers. Je vous les ramène toutes chaudes sortant du four, dans cette mise à jour, en espérant qu'elles puissent donner satisfaction à votre soif de savoir.

Et que je puisse aussi passer à autre chose ! Je sais, je sais, j'ai voulu lancer le truc, j'assume ! ? 

 

YouTube responsable devant la loi.

 

Faisons d'abord le point sur ce que l'article 13 souhaite véritablement modifier par rapport à YouTube. Le service sera t-il réellement considéré comme responsable juridiquement du contenu mis en ligne sur sa plate-forme une fois la directive adoptée ? La réponse est, comme dans tout problème complexe, un peu plus nuancée.

 

Tout d'abords, ils n'ont une responsabilité que par rapport au contenu soumis au droit d'auteur. Tout ce qui ne rentre pas dans cette catégorie n'est pas concerné par la directive. En d'autres termes, et pour prendre un exemple concret, le contenu produit par David Loarpe de l'excellente chaîne Science Étonnante, qui réalise lui même ses vidéos, sa musique, ses animations etc. n'a en théorie, pas à inquiéter YouTube.

 

Et ensuite, « La responsabilité ça ne veut pas dire qu'ils doivent tout vérifier eux-mêmes, mais que si jamais un ayant droit veut quelque chose par rapport à son contenu, c'est YouTube qu'il doit aller voir » et le service ne pourra plus dès lors refuser une négociation. Parce qu'on en revient toujours à là. Le but, c'est de responsabiliser Google, pour éviter qu'ils refusent de répondre à leurs interlocuteurs. Comme dit dès le départ donc, de mettre tout le monde autour de la table, en laissant des marges de manœuvres à tous les partis.

 

Mais alors, comment ça va se passer tout ce bazar ? Est-ce que ça veut dire que YouTube pourra être attaqué en justice de toute part, par n'importe quel ayant droit ?

Là encore, c'est plus compliqué.

 

L'article 13 à l'épreuve.

 

Faire du service de vidéos made in Google un responsable juridique ne veut pas dire que cela va provoquer (comme une sorte d'effet pervers) une augmentation drastique du nombre de poursuites pour atteinte au droit d'auteur. Pour mieux illustrer, Quentin Deschandelliers m'a fourni quelques exemples théoriques, je vais ici énormément le paraphraser pour rester le plus juste possible.

 

Retenons quand-même, et ce n'est pas sans importance, que l’affinage de la directive étant toujours en cours, les choses peuvent encore changer. Mais voilà un peu comment l'Union Européenne voudrait que les choses se gèrent désormais.

 

Exemple n°1 : Vous êtes un ayants droit et vous souhaitez rédiger une licence pour l'exploitation de vos œuvres. Une autorisation d'utilisation si vous voulez, qui se fait en général par contrat. Vous en informez donc YouTube qui désormais, est obligé de négocier cela avec vous. Une fois que la dite licence est établie, si chacun l'applique convenablement, il n'y a plus de problème de responsabilité car tout est définit dans le cadre de cette licence.

 

Exemple n°2 : Vous êtes toujours ayants droit, mais cette fois, vous n'avez pas envie de passer une licence avec le service. Pour des raisons qui vous regarde. Cependant, vous voulez tout de même protéger vos œuvres. Dans le carde de cette coopération obligatoire, YouTube et vous-mêmes allez vous entendre pour protéger des œuvres spécifiques (pas un catalogue, mais bien des titres en particulier) de manière spécifiques également. Cela peut être l'interdiction de mettre l’entièreté d'un film, n'autoriser que des extraits de tant de secondes, etc.

Ensuite, tant que YouTube appliquent cette coopération dans les critères définis, ils ne risquent rien. Au cas où certains contenus violeraient les conditions établies, là encore pas de poursuite judiciaire, mais probablement une notification de la part des ayants droit à YouTube (j'ai constaté telle vidéo, je vous la signal et vous la supprimez). Le service ne craint rien tant qu'ils répondent correctement aux demandes.

 

Exemple n°3 : En cas d'absence de tout accord entre YouTube et les ayants droit (licence, notifications...), une vidéo qui utiliserait du contenu tiers n'aura rien à craindre, et YouTube non plus. Ils n'auront alors rien à faire. C'est en quelque sorte à l'ayant droit de lancer les négociations, de reclamer son dû.

 

C'est assez clair ? :S

 

Dans tous les cas, même si YouTube a une responsabilité juridique vis-à-vis du contenus déposé sur son site, cela ne leur donnera pas le droit de devenir à la fois juge, juré et bourreau : « Il [YouTube] ne doit agir que dans le cadre très précis où les ayant droits lui demande d'agir. Parce que s'il allait plus loin (par exemple en bloquant tout contenu qu'il pense sous copyright), ça ne serait pas légal car il se substituerait à l'ayant droit […] et agirait de manière disproportionné par rapport à ses obligations réelles, ce qui serait susceptible d'engager sa responsabilité (pour cause d'abus). ».

 

Pour résumer, le blocage abusif ou systématique serait illégal, et rappelons-le, à l'initiative intégrale de YouTube (non de l'article 13). Ce n'est pas à eux de juger seuls le contenu, en tout cas pas pour des soucis de droit d'auteur.

 

Si ce n'est pas YouTube qui censure, ce seront les autres !

 

Monsieur Disney devant une parodie de Star Wars.

 

Ce qui nous amène naturellement aux inquiétudes vis-à-vis, non pas de YouTube, mais des ayants droit. Vous avez en effet manifesté une certaine crainte quant au fait que, devenus plus forts sur le plan juridique, les détenteurs des droits pourraient procéder à une certaine censure sur le service de vidéo en ligne américain. Par exemple, pourraient-ils user de l'article 13 pour bloquer une vidéo très critique envers leur produit ? Pourront-ils mieux invoquer le droit d'auteur de façon abusive ?

 

« Ils pourraient essayer d'utiliser le copyright pour faire ça en effet (ça existe déjà, mais surtout pour des entreprises de biens pas des artistes) »

 

Aaaaahhhhh !!! C'est la fin ça y est !!!

 

Sauf que... « ça serait dans de nombreux cas de l'abus donc illégal. »

Ah... me voilà partiellement rassuré...

 

« Dans tous les cas, la Directive ne permet ni ne facilite cela (car pour ce genre de cas les boîtes utiliseront le système de notification tel qu'il existe déjà, étant donné qu'ils voudront bloquer un contenu spécifique). Au contraire, le fait qu'on impose un système de plainte (qui n'est pas obligatoire aujourd'hui) pourra potentiellement faciliter les recours contre ce genre de méthodes. ».

 

Ce qu'il faut retenir de ces éventuelles abus, c'est qu'ils ont malheureusement toujours lieu. Mais on ne peut pas accuser la directive européenne de l'encourager ou de la facilité. C'est peut-être dommage, mais elle n'est pas rédigée dans l'optique de réssoudre ce problème particulier.

En donnant des recours aux vidéastes, elle permettra peut-être tout de même de freiner des ayants droit qui seraient pris de l'envie d'user du copyright pour stoper un bad buzz (J'ignore si c'est quelque chose de fréquent, mais vu le nombre de critiques ciné, musique, JV... un peu partout dans le monde, on peut se dire que ça ne doit pas être très répandu non plus).

 

Voilà, cette fois je crois que c'est la bonne, on devrait avoir fait le tour de la question maintenant ! ✌️

 

Rassuré ?

 

Je remercie à nouveau Quentin Deschandelliers d'avoir supporté mes trop nombreuses sollicitations ! Promis c'est terminé ! ^-^