Hello tous,

Je sais, vous allez encore me dire qu'on ne parle plus beaucoup de jeux vidéo sur ce blog, mais il se trouve qu'en cet été particulièrement calme sur le plan vidéoludique - en attendant la rentrée, qui s'annonce bien plus mouvementée puisqu'incluant d'office une balade dans les studios Quantic Dreams -, c'est sur le front du manga que se situent mes plus jolies découvertes du moment. Je vous propose donc de m'accompagner dans la présentation de quelques séries et one-shots qui pourraient vous plaire, la production nippone bénéficiant depuis quelques semaines d'une actualité franchement intéressante dans l'hexagone.

 

Nouvel ordre mondial

On va commencer par une série qui n'est pas encore dans les bacs, puisque prévue pour le 28 août. Sakka a en effet eu la gentillesse de me faire parvenir une épreuve non corrigée du shônen BIG ORDER, petite bombe en gestation de Sakae Isuno (Mirai Nikki). Le pitch, pour une fois, change un peu des sempiternels jeunes héros en quête de reconnaissance et affrontant des ennemis toujours plus puissants pour se surpasser et remporter la victoire : ici, l'on suit la trajectoire d'un jeune majeur, Eiji Hoshimiya, qui a la particularité d'avoir en lui la capacité de donner corps à son voeu le plus cher. Le seul problème, c'est que ce voeu, formulé dix ans plus tôt, consistait à détruire la terre, et a provoqué un gigantesque cataclysme qui a en grande partie ravagé la planète. Du moins, c'est ce que pense le jeune Japonais, qui va être rapidement amené à s'interroger sur la véritable nature de son souhait à l'époque, alors que partout dans le monde surgissent des "Orders", des humains capables eux aussi de donner corps à leurs souhaits les plus fous... Evidemment, les combats ne tarderont pas.

Pour l'heure, je n'ai pas encore parlé de cette nouvelle série dans la rubrique manga que je tiens dans mon canard. Mais je compte le faire dès la rentrée : sacrément bien dessiné même si, une fois de plus, le trait souffre du manque de temps chronique des mangakas pour livrer des productions fignolées aux petits oignons - les arrières-plans sont, notamment, une fois de plus très pauvres -, Big Order a pour lui une narration fluide et quelques bonnes idées qui permettent à l'intrigue de se démarquer du reste de la production shônen, pléthorique. Le pouvoir dont dispose Eiji, ainsi, repose sur un souhait, et se veut donc indépendant des efforts produits par le héros pour évoluer, ce qui remet en cause de manière assez fondamentale la structure classique des oeuvres de ce genre. Un signe qui ne trompe pas, c'est la stratégie et la ruse qui permettent au héros de remporter ses premiers affrontements, rien de plus. Un autre aspect de l'histoire, également, attire l'attention, puisque le héros entretient une relation assez ambiguë avec son pouvoir, quelque part entre répulsion et tentation d'y succomber. Difficile pour l'heure de définir la nature profonde du personnage, de fait, qui hésite entre lumière et obscurité et qui, en prime, semble soumis à la manipulation par des intérêts qui le dépassent de beaucoup. Big order, dans ce premier tome, met en place les éléments d'une intrigue assez dense, tout en montrant une belle capacité à mettre en scène des combats efficaces et rythmés. A mon sens, c'est à suivre de près. Trois volumes sont pour l'heure sortis au Japon, la série y est toujours en cours de publication dans Monthly Shônen Ace.

 

 

Du côté de chez Taniguchi

Bon, c'est vrai, Taniguchi est sans doute le plus Européen des mangakas, mais il n'en reste pas moins que sa nouvelle publication, une série de one-shots liées entre eux par un même personnage principal, est un petit miracle de seinen pur jus. Si vous ne connaissez pas encore LES ENQUETES DU LIMIER, je vous conseille de vous précipiter dans la première librairie que vous croiserez.  Ces histoires, qui suivent la trajectoire d'un détective spécialisé dans la recherche de chiens de chasse perdus ou volés (sic!) sont étonnantes de cohérence et d'humanité.

Pourtant, le pitch a de quoi inquiéter. Comment diable rendre attractive l'histoire d'un détective pour chiens ? J'avoue m'être moi-même posé la question avant de me lancer dans la lecture, qui a du coup traîné quelques semaines au pied de mon lit. Mais c'était sans compter le talent de conteur de Jiro Taniguchi, qui part de ce postulat peu académique pour inviter le lecteur à le suivre dans deux histoires indépendantes (pour l'heure, du moins, et intitulées Chien d'aveugle et Pur sang en cavale) dont on découvre bien vite qu'elles parlent de la belle relation de confiance et d'amitié qui lie l'homme à l'animal plutôt que de l'animal lui-même. Chien d'aveugle, le premier tome, s'attarde ainsi sur la relation unissant une jeune non-voyante à son chien-guide, ce qui permet au passage à Taniguchi de mettre en lumière un monde que l'on connaît mal, dans lequel la relation d'amour entre l'homme et le chien se fonde aussi sur un besoin vital. Les émotions en sont exacerbées, et l'histoire offre autant de larmes que de sourires attendris à celui-ci qui veut bien s'y plonger. Pur sang en cavale, de son côté, amène le limier à poursuivre un homme en cavale... avec un chien et un cheval. L'occasion de parler, cette fois, de l'univers des haras, mais aussi de mettre en avant la proximité qui peut naître avec un chien dit d'utilité. Un autre aspect de la relation homme-animal qu'on aurait tort de sous-estimer.

Taniguchi oblige, le trait est léché, et ici chaque planche se veut presque toile de maître, le mangaka recherchant systématiquement l'élégance et le choix idéal des proportions. Mais ce qui compte, c'est la force des sentiments que parvient à susciter l'auteur au travers d'histoires auxquelles, sans talent, l'on n'aurait guère prêté attention. Si vous avez envie de goûter au manga dans ce qu'il a de plus noble, vous savez ce qu'il vous reste à faire...

 

 

 

Manhattan, XIXe siècle

Dans un registre totalement différent, voici une autre série à suivre dans le registre du seinen : GREEN BLOOD. Ici, oubliez les beaux sentiments, vous allez plonger dans la fange, celle des gangs qui ont contribué à écrire l'histoire de New York. Five Points, c'est en effet ce fameux quartier dans lequel se déversaient tous les émigrés venus d'Europe, en ces temps où les Etats-Unis  se voulaient le creuset du melting-pot. Ce quartier qu'a si brillamment mis en images Martin Scorsese dans Gangs of New York, et qui sert ici de cadre à la sombre histoire de deux frères, faite d'espoir et de compromissions, où sera versé le sang des innocents. Masami Kakizaki (Rainbow, Hideout) raconte ici l'histoire du Grim Reaper, l'assassin de l'un des gangs les plus puissants du quartier, et des efforts qu'il doit consentir pour cacher sa véritable nature à son jeune frère, encore empreint de candeur et d'humanité.

Autant le dire tout de suite : âmes sensibles s'abstenir. Green Blood ne concède rien au politiquement correct, et montre de manière très crue la violence, parfois sous son jour le plus abject. Mais rien n'est ici gratuit, et l'on se laisse embarquer par ce qui ressemble fort à une belle histoire de survie dans un monde hostile et décadent. Pour ne rien gâcher, le trait de Kakizaki est absolument magnifique, en particulier dans sa manière de traiter les visages, et le mangaka, visiblement fan de western spaghetti, s'offre moult références cinéphiliques à Sergio Leone, ce qui ne sera pas pour déplaire aux amis du septième art. J'attends la suite avec impatience...

 

 

 

Y'a pas que City Hunter dans la vie

Pour finir, quelques oeuvres méconnues du génialissime Tsukasa Hojo, que tout un chacun connaît pour City Hunter et Cat's Eye. Si le mangaka n'est pas du genre prolifique, il s'est malgré tout offert quelques jolies respirations entre ses séries les plus importantes avec des nouvelles, des petites histoires qui ont pour point commun de parler de l'homme, et des petites choses du quotidien. Amis de la poésie, c'est par ici...

Les fêlures et les qualités de cœur des personnages les plus connus de Tsukasa Hojo deviennent le sujet principal des TRESORS (du nom de la collection) de manga livrés par Ki-Oon au lecteur. À travers l'histoire d'une jeune fille capable de ressentir l'âme des arbres et des fleurs, le recueil Sous un rayon de soleil (trois tomes annoncés) plante une belle histoire d'amitié qui ose le merveilleux pour parler des choses toutes simples de la vie, avec un beau brin de poésie. La mélodie de Jenny, de son côté, aborde la douloureuse question de la Deuxième Guerre mondiale à travers trois petites nouvelles intrinsèquement liées, jamais manichéennes et dont le propos, simple et lumineux, tient à montrer combien ce sont les gens simples, Américains comme Japonais, qui ont souffert de ce conflit qui les dépassait. L'on y passe du rire aux larmes en compagnie d'hommes et de femmes portés, chahutés, trahis par la grande Histoire, parfois sans même le savoir.

Les deux œuvres, servies par le trait fin, réaliste et reconnaissable de Tsukasa Hojo - les fidèles de l'auteur y retrouveront d'ailleurs des visages bien connus -, viennent lancer la collection des « Trésors de Tsukasa Hojo », dans laquelle figureront également, à terme, Le cadeau de l'ange, Rash !! et Le temps des cerisiers. Si vous avez envie de découvrir une autre facette du travail de ce manka cultissime, il serait dommage de passer à côté...