Bonsoir à tous,

 

J'ai toujours bien aimé Hokuto no Ken. Gamin, je regardais le Club Dorothée le mercredi après-midi rien que pour savoir ce qu'il allait advenir de la sanglante bataille opposant le Hokuto de cuisine au Nanto de vison. C'était le bon temps, du mois jusqu'à ce que Familles de France fourre son nez là-dedans...

Puis, quand j'ai grandi, j'ai découvert l'oeuvre originale de Buronson et Tetsuo Hara, première grande interrogation de la culture nippone sur le cataclysme qui s'est abattu sur l'île au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Je fus soufflé, en ce temps-là. N'en déplaise à certains, Fist of the North Star est en effet loin d'être une oeuvre idiote. Si certains de ses traits sont critiquables - la violence pour répondre à la violence, la métaphore christique parfois maladroite (et c'est un euphémisme)... - la dimension post-apocalyptique de l'oeuvre témoigne du traumatisme terrible dont a souffert - et dont souffre encore - le peuple japonais depuis le bombardement d'Hiroshima et Nagasaki, mais aussi de l'antagonisme historique qui oppose la population de l'archipel à celle de la Chine. Et puis, nom de nom, c'est tout de même d'une gigantesque épopée que l'on parle, l'une des plus riches que le manga, en tout cas, ait pu imaginer. Il faudra que je songe à vous rédiger un billet sur le sujet.

Le jeu vidéo, pourtant, a rarement su rendre hommage au matériau originel du manga. Un problème qui remonte à loin. Les adaptations 8 et 16 bits de la franchise sont assez navrantes, ainsi, hormis Black Belt, sorti en 1986 sur Sega Master System et qui constitue la première adaptation de la saga dont je me souvienne. Ah, Black Belt. Le titre original du jeu au Japon était bien Hokuto no Ken, mais le logiciel avait subi une refonte totale pour son exportation à l'international, des graphismes à la bande son, et toutes les références au manga, alors inconnu hors des frontières nippones, avaient été évacuées. Kenshiro avait été remplacé par un karatéka, vous imaginez le tableau. Néanmoins, c'était bien le concept Hokuto qui était à l'oeuvre, sensible tout particulièrement dans les combats contre les boss dont il fallait trouver le point faible avant de leur infliger la rafale de coups qui convenait. Black Belt était un pur divertissement arcade, sans doute l'un des premiers vrais beat'em all de l'histoire des jeux vidéo. J'y joue encore régulièrement, en heureux possesseur de Master System. J'évite en revanche la version japonaise du titre, bien trop difficile à mon goût.

Mais comme je le disais plus haut, le reste de la production vidéoludique était loin de faire honneur à l'homme aux sept cicatrices. Le Last Battle de la Megadrive est désespérant, antiludique au possible, et je ne parle même pas des adaptations Super Nes de Toei Animation qui ont enchaîné, opus après opus, des catastrophes monumentales. J'imagine que j'oublie, ça et là, quelques adaptations de la saga (après vérification, il y a d'ailleurs eu des versions C64, NES et Amiga), mais je préfère me cantonner dans ce billet aux titres que j'ai pu pratiquer. De toute manière, si un Hokuto no Ken valable était sorti à l'époque, je veux croire que je ne l'aurais pas raté.

De fait, les consoles 32 bits ont quasiment fait l'impasse sur la saga. Aucun éditeur hormis Banpresto ne s'y est frotté sur Saturn et Playstation, et encore : Fist of the North Star n'était même pas un véritable jeu, puisqu'il ne s'agissait que de choisir les actions que l'on souhaitait réaliser parmi le panel proposé, avant de voir le résultat de ce choix à l'écran. Un gigantesque QTE avant l'heure...

A l'époque, on pensait la franchise vouée à la disparition. C'était cependant sans compter SEGA, qui a repris la licence en proposant en arcade, sur le hardware Atomiswave, sa propre vision du mythe. Ne pas connaître ce jeu est un crime pour tout fan de Hokuto no Ken. A mon sens, il s'agit du titre le plus abouti ayant jamais été réalisé d'après l'oeuvre. Beat'em up survolté, Hokuto no Ken Fighting a en effet bénéficié d'un développement assuré par le studio Arc System Works (Guilty Gear, BlazBlue...). Et le résultat, en arcade, est bluffant : sorti au début des années 2000, Hokuto no Ken Fighting permet d'incarner les plus grands combattants de la saga, de Ken à Raoh, en passant par Toki, Jagi, Rei, Shin, Sauzer, Mamiya, j'en passe et des meilleures, et propose l'un des gameplays les plus riches de l'histoire des jeux de combat 2D. Surtout, il se fait fort de proposer des graphismes impressionnants pour l'époque - au-delà de la claque Street Fighter III, c'est dire -, jouit d'une animation sans faille et, cerise sur le gateau, embarque la bande son originale de l'anime. Si vous avez une borne chez vous, prévoyez l'acquisition d'urgence. Et si vous n'en avez pas, mettez la main sur une PS2 dézonée et commandez le titre au Japon : une adaptation du logiciel, un peu décevante certes si l'on a goûté à l'original mais néanmoins de bonne qualité, a été consentie à la console de Sony... mais uniquement pour le marché nippon. Encore aujourd'hui, je ne comprends pas pourquoi Sega n'a pas donné à ce jeu une chance à l'international, ne serait-ce qu'en dématérialisé...

 

Depuis, en dehors de quelques jeux de pachinko qui font notamment le bonheur des fans sur les portables de Nintendo, pas grand-chose à se mettre sous la dent. Du moins, si l'on omet les deux adaptations proposées par Koeï et calquées sur la jouabilité des Dynasty Warriors. La première, Hokuto no Ken : Ken's Rage, a vu le jour en 2010 et souffrait de trop de faiblesses, à commencer par une vitesse de déplacement incroyablement faible, pour être convaincante. La seconde arrive le 8 février prochain. Et bonne nouvelle, elle change quelque peu la donne. J'ai pu m'y essayer.

 

Ken's Rage 2 : une bonne surprise ?

Au terme de deux bonnes heures de jeu et après avoir mis Shin, le premier vrai grand boss, au tapis, un premier constat: le scénario suit assez scrupuleusement celui du manga, quand bien même le look général affiché à l'écran se rapproche davantage des Shin Hokuto No Ken que de l'animé et du manga originaux. Autre bon point, Koei a vraiment retravaillé le fond de jeu, et propose désormais un gameplay moins pataud, plus vif. L'on sent que les coups sont réellement portés, et un effort a été consenti pour rendre les enchaînements nettement plus impressionnants. Vous pourrez y faire usage des 1000 poings du Hokuto à répétition au beau milieu de vos combos, mais aussi introduire vos pouces dans le crâne des ennemis pour les voir exploser quelques secondes plus tard sous vos yeux. Quant aux esquives, elles ont été simplifiées et sont désormais très agréables à utiliser en plus d'être visuellement attractives.

Visuellement, si un effort a ici encore été fait pour rendre la chose plus acceptable, il ne faudra pas s'attendre à des miracles. Du moins, dans les zones où pullulent les sous-fifres et les commandants des boss, désespérément raplapla. En revanche, pour ce que j'ai pu en voir, les choses changent du tout au tout lorsque l'on arrive en fin de niveau: par exemple, la tour de Shin revêt un aspect nettement plus léché que le reste des environnements qu'il faut traverser pour y arriver. Vous me direz, cela n'enlève rien à la modélisation ratée des visages des principaux protagonistes. Heureusement, ce n'est réellement gênants que lors des gros plans des cut-scenes.

Un autre aspect agréable du titre tient d'ailleurs, justement et paradoxalement, à ses cinématiques. Si celles-ci sont le plus souvent constituées d'écrans fixes modélisés en 3D, ces écrans sont agencés de manière à donner l'impression au joueur de lire un manga. Les voix, en japonais, sont également assez convaincantes. J'ai l'impression que les doubleurs sont ceux qui ont officié sur les anime Shin Hokuto No Ken, mais je dois encore le vérifier. Toujours est-il que l'on se laisse guider avec plaisir à travers l'histoire de Hokuto No Ken, pour le coup assez complète et bien narrée. Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, puisqu'un autre mode permet de revivre l'histoire en empruntant le chemin d'autres héros de l'aventure. Autant dire qu'il y a de quoi faire.

Concernant le système de progression en expérience du personnage principal, le titre offre la possibilité de l'upgrader au moyen de parchemins qu'il faut glâner en solo ou en ligne - un mode online existe, que je n'ai pas encore essayé ; donc, j'y reviendrai. Le système me laisse toutefois un peu dubitatif. Pas franchement clair, pas réellement cohérent - que font ces parchemins au beau milieu de l'histoire du Hokuto ? - il aurait peut-être gagné à proposer une évolution plus classique, avec déblocage progressif de nouvelles facultés et, pourquoi pas, arbre d'évolution dans lequel le joueur oriente son personnage à son gré vers les compétences qu'il souhaite privilégier. Mais ici encore, je laisse sa chance au concept : je l'évaluerai réellement une fois que j'y serai plus habitué.

Enfin, je terminerai sur ce qui constitue à mon sens la plus grande aberration de cet opus : la bande originale de l'anime a à nouveau été évincée, au profit d'arrangements rocks et classiques de bonne facture, mais fadasses et sans personnalité. Sans doute un problème de droits, une fois de plus, mais il faudra que les éditeurs successifs s'attaquant à la franchise finissent par le comprendr : la musique fait partie intégrante de l'expérience Hokuto no Ken, le titre s'adressant pour l'essentiel à une frange de joueurs qui sont des fidèles de la saga...