Hello tous,

 

Une fois n'est pas coutume, c'est d'un jeu vidéo diffusé sur tablettes et smartphones que je vais vous parler aujourd'hui. Ceci parce qu'il le vaut bien : sorti pendant la 22e conférence des parties sur le réchauffement climatique (COP 22) qui se tenait à Marrakech du 7 au 18 novembre dernier, Carbon Warfare est ce que l'on appelle un jeu militant. A travers lui, ce sont les problématiques environnementales majeures de notre planète qui sont explicitées au grand public, et ceci très simplement.

Développé par le studio Virtuos, Carbon Warfare a bénéficié de l'expertise de Yoram Bauman, un économiste du climat qui lutte pour l'instauration d'une taxe carbone et a d'ailleurs bien failli réussir à en mettre une en application dans l'Etat de Washington, via une démarche que l'on appelle l'initiative 732. Celle-ci proposait d'instaurer une taxation environnementale progressive des énergies fossiles dans l'Etat, ce qui aurait constitué une première mondiale. Présentée à l'occasion des élections générales dans l'Etat, la mesure, qui était soumise à approbation dans le cadre d'un referendum populaire obtenu par pétition, a cependant été rejetée par 59% des votants le 8 novembre dernier. Déception , mais il reste que l'I732 a fait débat des mois durant, et que la prise de conscience semble réelle dans les rangs des politiques. Un premier pas vers un monde plus durable? Allez savoir...

C'est cette démarche de sensibilisation qui est également à l'oeuvre dans Carbon Warfare. le joueur, paradoxalement, y est invité à détruire la planète en favorisant la destruction de l'environnement. L'équation peut paraître simpliste - et elle l'est, évidemment -, mais elle donne une lisibilité immédiate à la chose : le jeu postule que c'est l'économie et ses sacro-saints profits qui empêchent l'établissement d'une législation verte à travers le monde, en dépit de l'accélération des problèmes environnementaux. Illustration de cette position, deux jauges évoluent simultanément lorsque le joueur fait des choix (sur un arbre technologique typique des jeux de stratégie PC) qui le rendent plus riche: la première témoigne de l'accroissement de la production de CO2, la seconde marque les profits engendrés par les options choisies.

Le jeu se fait volontairement caricatural, postulant que le businessman n'a d'autre objectif que faire le mal et détruire la planète. Mais qu'on ne s'y trompe pas: les moyens utilisés pour parvenir à cet objectif final sont en revanche très réalistes. L'impact de la construction immobilière, les différences entre logement dense et logement étalé, le développement des cheptels pour soutenir la consommation de viande, la destruction des forêts pour créer du mobilier et laisser la place à l'agriculture intensive... La modélisation des facteurs néfastes pour l'environnement est diablement réaliste, et la gestion des conséquences l'est tout autant. Ici, à mesure que l'argent est réinvesti pour continuer à faire toujours plus de profit, la production de CO2 croît et donc favorise la hausse des températures moyennes dans le monde. Carbon Warfare se jouant sur des dizaines d'années, la dynamique permet d'entrevoir les désastres potentiels que cette fuite en avant pourrait engendrer. Tsunamis, hausse du niveau des océans, incendies gigantesques, ouragans, puis famines, épidémies et guerres... L'ensemble, derrière un concept prenant, est d'un réalisme glaçant.

Bien sûr, il y a un challenge derrière tout cela. Car l'IA prend la place des défenseurs de l'environnement. Eux se piquent de sensibiliser l'opinion, de faire bouger les gouvernants. Leur mobilisation peut  mener à des législations contraignantes, à de grandes concertations comme les COP où sont décidées des orientations plus durables à l'échelle mondiale. Et là où Carbon Warfare se fait optimiste, c'est qu'il n'est pas si facile d'y détruire la planète, et donc de remporter la partie. Lorsque les hommes sont acculés, en effet, les mesures se multiplient pour préserver ce qui peut l'être, l'opinion devient  difficile à manipuler, l'urgence mène à des réactions radicales qui peuvent changer la donne. Le postulat du titre, c'est que nous avons tous un rôle à jouer dans cette bataille, et que les jeux n'y sont pas faits. Un message qui s'adresse autant à nous qu'aux fameux "Saboteurs de climat" dont parle très bien Nicolas de la Casinière - son ouvrage éponyme est paru au Seuil. Lecture conseillée en bonus...

Carbon Warfare est disponible à 2,99 euros sur iOs et Android.