Hello tous,

Cette nuit, comme toutes celles qui ont précédé pendant la semaine qui vient de s'écouler, je patrouille dans les rues désertes d'une capitale éreintée. Il neige, il fait froid; où que je pose les yeux, un spectacle de désolation s'offre à moi. Manhattan a cessé de respirer. Je suis à New York, alors qu'un virus terrible, mutation de la variole, a emporté la plupart des habitants. Des bioterroristes l'ont diffusé en un rien de temps, simplement en imprégnant les billets de banque de la substance létale un jour de Black Friday. Et les dollars ont circulé, et circulé encore. Le symbole de notre toute puissance nous aura finalement tués. Drôle de destinée pour notre dieu-papier.

Les survivants ? Ils se cachent, attendent leur heure. The Big apple est aux mains désormais de ceux qui ont versé dans la folie et le crime. Le danger guette, à chaque coin de rue, mais je ne dois pas avoir peur. A la Division, nous sommes préparés à affronter ces moments-là. Enfin, on le croit. On nous le dit, en tout cas.

Traverser le pont de Brooklyn n'a pas été une mince affaire. Mais j'ai pu rejoindre les forces armées qui ont installé leur quartier général dans la public library, sur la cinquième avenue. On est loin de mes souvenirs. Une zone de décontamination à franchir pour accéder à ce maigre saint des saints logé au milieu des bouquins. Malgré mes efforts pour tenter de développer un embryon de base digne de ce nom, la pénurie y est la règle. Et toutes ces plaintes, tous ces cris... Je les retrouve dans chaque planque, je les devine chez chaque quidam qui vient quémander une boite de conserve pour pouvoir manger. On en est réduit à ça, ici.

La situation est désespérée. Alors je me dis qu'il dépend de moi et des autres membres de mon unité de rétablir le calme dans la ville, quartier par quartier. Nous sommes si peu, ils sont partout. La tâche s'annonce ardue, d'autant que je suis encore loin d'être équipé comme il le faudrait. Quelques missions prioritaires m'ont permis d'étoffer un peu mon expérience et mon inventaire, mais en face aussi, la menace est de plus en plus sérieuse. Combien sont-ils à sillonner les rues, les bâtiments et les souterrains armés de lance-flammes ou de grenades incendiaires? Comment diable ont-ils pu trouver un tel arsenal? Des unités de production de napalm sont apparues dans la ville, je me suis chargé de les démanteler. Mais j'ai l'impression qu'il faudra du temps pour que les munitions déjà produites soient épuisées. Et peut-être la production, ailleurs, a-t-elle déjà recommencé...

Les membres de la Division se serrent les coudes, heureusement. La plupart du temps en tout cas. Au coeur de Manhattan, une zone de non droit est apparue, dans laquelle peu se risquent depuis que certains de nos agents se sont retournés contre nous. Ils s'ajoutent à des ennemis particulièrement redoutables, et décidés à en découdre. Comment survivre dans un tel contexte ? Pourtant, c'est bien là qu'il faut aller pour continuer à progresser, à s'équiper, à obtenir cette puissance de feu si indispensable pour rétablir l'ordre dans les rues de la cité. Alors observer, attendre, tenter une approche mesurée pour forger des alliances fragiles, qui peuvent à chaque instant s'écrouler. S'aventurer seul dans la dark zone, c'est prendre le risque d'être la victime perpétuelle d'un feu croisé, ou d'être trahi au moment précis où l'on pense être sauvé. J'ai retenu ma leçon: je n'y vais plus qu'accompagné de quelques fidèles équipiers.

Echos de souvenirs pas si lointains, indices disséminés au gré des immeubles abandonnés... Je commence aussi à reconstituer le puzzle des événements qui ont mené à la pandémie. Je n'y suis pas obligé, mais je veux comprendre, savoir pourquoi nous en sommes arrivés là. Et je progresse, pas à pas. J'ai l'intime conviction que quelque chose d'énorme se joue en sous-main, à l'abri des regards. Dans cette ville aussi belle que pleine de désespoir se cache un secret, je le sens, un de ces climax comme seul un romancier à la Tom Clancy pourrait les imaginer. Alors je patrouille, je parle à ceux que je peux aider, j'écoute, je rassemble les indices, je me fais des alliés qui parfois m'aident à comprendre, à remettre les éléments du puzzle en place. J'avance. J'ignore depuis combien de temps je n'ai plus passé une véritable nuit, mais je sais que je n'irai me coucher, pour dormir vraiment, qu'une fois cette mission accomplie. Mon petit doigt me dit qu'il y va d'une question de survie...