Un épisode de la vie tumultueuse de Nintendo n’avait, jusqu’à maintenant, pleinement révélé tous ses secrets. C’était il y a vingt ans, la division Xbox fraîchement créée était dévorée par un appétit d’ogre. Elle ciblait tous azimuts plusieurs acteurs de grande importance, dont Nintendo fragilisé par la perte de son leadership… mais à l’orgueil intact.

Bien décidé à se faire une large place dans l’industrie, la puissance financière de Microsoft s’est exprimée activement. Bob McBreen, responsable du bras armé du géant américain se souvient pour nous dans les colonnes de Bloomberg, des péripéties rocambolesques qui ont rythmé leur frénésie d’achats. Première cible, premier refus courtois, l’éditeur roi Electronic Arts. « Ils nous ont dit non merci », se remémore l’ancien dirigeant. D’autres éditeurs occidentaux ont suivi, tel que Midway dont les actifs avaient été réévalués à la baisse à son grand dépit. « Ils voulaient vraiment être racheté » , appui Kevin Bachus, ancien directeur des relations avec les éditeurs.

Loin d’être découragés par l’absence de résultats, les cadres dirigeants de Microsoft prirent l’avion en direction du Japon. Leur ambition ? Arraché à Sony les faveurs de l’éditeur Square dont le catalogue riche des meilleurs RPG de l’archipel fait et défait la position concurrentielle d’un constructeur. Comme pour signifier au spécialiste du jeu de rôle des intentions sérieuses de Microsoft, le bouillonnant PDG Steve Ballmer était présent sans pour autant peser dans les négociations. Dans le huis clos du bureau de l’éditeur nippon, celui-ci oppose une fin de non recevoir par la voix de leur banquier : « Nous ne pouvons conclure cet accord car le prix demandé est inférieur à la valeur de notre société » , précise Bob McBreen.

La fine équipe partit donc frapper à la porte de Nintendo. Malmené par la PlayStation, Microsoft fît le pari qu’un constructeur en plein doute serait ouvert à des discussions hautement stratégiques. L’offre du numéro un de l’informatique reposait sur un partage des tâches : « Nous leur avions proposé de se limiter au développement de jeux vidéo tandis que nous nous chargions de la fabrication de la console » , détaille l’ex-responsable du département Xbox. Pour les convaincre de la supériorité de la Xbox sur Dolphin, nom de code de la future Gamecube, « nous leur avons présentés les spécifications techniques de la Xbox (…) mais les pourparlers n’ont abouti à rien » , grince le dirigeant.

C’est en des termes plus crues, reflétant certainement au plus près l’ambiance dans laquelle les échanges de vues se sont déroulés, que Kevin Bachus en décrit sèchement la teneur : « Ils se sont littéralement payés notre tête. Imaginez une heure de négociation pendant laquelle votre interlocuteur se moque de vous ». En lot de consolation, Microsoft s’offrira quelques années plus tard le studio Rareware…