Dénué de pouvoir de séduction particulier ou de parcours fulgurant connu au sein de la très hiérarchisée entreprise Nintendo, le PDG Shuntaro Furukawa tire de son inexpérience des hautes sphères décisionnelles un goût certain pour les grandes réformes structurelles. Son seul crédo, le compte de résultat de fin d’exercice fiscal.

A chaque fois qu’il ouvre la bouche, l’action Nintendo dévisse sur les places financières internationales dit de lui une catégorie d’observateurs. En interne, c’est plus compliqué. Ce technicien de la finance affiche une sympathie lointaine au monde du développement. Il ne se mêle pas de leur travail. Se place juste en spectateur bienveillant. Pour le moment.

Car au regard de ses récentes interventions médiatiques, son profil se dessine lentement. S. Furukawa pense hors cadre, casse l’existant sans regret ni nostalgie pour l’ancien monde incarné – entre autres, par le vieillissant Shigeru Miyamoto. Les fans de Nintendo ? Il se montre indifférent à leur émotion. Le liant ‘’Nintendo Direct’’ n’est pas une priorité pour lui. Sa présence est illusoire.

Adepte de l’effet bulldozer, il fait l’anathème des fondamentaux d’une société séculaire attachée à son glorieux passée qu’il caractérise comme un frein au changement radical de culture d’entreprise et de business model qui s’impose à Nintendo.

Après la désacralisation du hardware, ce dernier s’attaque désormais au bien-fondé de la stratégie de l’océan bleu qui a encadré avec succès la conquête des marchés émergeants. Il ne s’agit plus de se soustraire temporairement à la concurrence pour en tirer rapidement les bénéfices qu’octroie le statut de pionnier. Mais de livrer bataille au sein de marchés matures – océan rouge, couleur du sang de faillite d’entreprises.

Et l’un des principaux viviers de croissance qui exerce une fascination décisive sur le jeune dirigeant se nomme le marché des jeux sur iOS/Android. « Avec l’omniprésence de ces supports intelligents, la population des joueurs s’est rapidement étendue, au-delà même de la portée commerciale des jeux vidéo proposés par Nintendo », concède le chef de file S. Furukawa lors de la traditionnelle conférence financière post présentation de ses résultats.

Il n’est donc plus nécessaire « d’étendre la population de joueurs » par des produits spécifiques « qui ne sont pas limités par la définition jeu au sens stricte du terme » puisque ce marché porteur existe déjà. C’est donc avec un nouvel état d’esprit, doté d’un nouveau modèle économique que Nintendo s’engage dans la bataille du contenu. Non plus en faveur d’une réorientation de ces joueurs vers le périmètre restreint des consoles du constructeur mais d’un éveille et d'une fidélisation à la marque sur supports indifférenciés.

La fin d’un dogme comme prélude à un retrait progressif du marché des consoles de salon ?