« Je vous hais déjà »
 
Plutôt que de choisir un homme du sérail, le conseil d’administration de Nintendo réuni en conseil extraordinaire hier a désigné Tatsumi Kimishima à la tête de l’entreprise. Il succède à Satoru Iwata décédé en juillet dernier d’un cancer. Jusqu’à sa nomination, la transition du pouvoir était pilotée par le tandem Shigeru Miyamoto/Genyo Takeda.
 
Le parcours professionnel de Tatsumi Kimishima est atypique pour un homme appelé à diriger Nintendo. La majeure partie de sa carrière s’est effectuée en dehors du périmètre du géant japonais. Après 27 longues années passées à travailler pour une filiale nord-américaine de la Sanwa Bank of Japan (principalement au coeur des principaux centres financiers des États unis) tout s’accélère pour lui. C’est en 2000 qu’il devient responsable du bureau financier de The Pokémon Company avant d’être propulsé un an plus tard président directeur général de la branche américaine de cette florissante filiale. Les déboires commerciaux de la Gamecube sur fond de retrait partiel du pouvoir d’Hiroshi Yamauchi, incite le dirigeant historique à l’introniser président de NoA en 2002, haut poste que Kimishima dirigera pendant quatre ans non sans bénéficier d’autres promotions telles que chef de la direction puis président du conseil d’administration. En avril 2013, il est promu directeur général de Nintendo Co. Ltd. à Kyoto et se rapproche de Satoru Iwata qu’il ne quittera plus jusqu’à la tragique disparition de ce dernier.
 
Son profil d’homme d’affaires et sa profonde connaissance du marché nord-américain préfigurent d’une accélération des réformes structurelles lancées par son prédécesseur, à la grande satisfaction des cercles financiers. Les craintes qu’une logique comptable prenne le pas sur une stratégie d’entreprise propre sont donc réelles, d’autant que le profil atlantiste de Kimishima entérine l’affaiblissement de l’influence conservatrice japonaise. À ce titre, le déclassement de Miyamoto et Takeda au sein du conseil d’administration, respectivement devenu Technology Fellow et Creative Fellow, (un titre honorifique réservé à des figures historiques de la société) est patent. D’autant que le communiqué de presse officialisant sa nomination précise que c'est le prélude à “une révision à grande échelle de la structure organisationnelle de l’entreprise”. Mais le jeu de chaise musicale a d’ores et déjà démarré. En plus d’avoir relégué les deux figures historiques, le nouveau PDG s’entoure d’un bras droit au profil financier comme lui, tandis que le responsable du pôle R&D Nintendo SPD devient le directeur d’un tout nouveau département Nintendo EPD.
 
Selon le Nikkei, le nouveau chef de l’exécutif de Nintendo s’est autrefois distingué de l’administration précédente en pronostiquant l’échec de la Wii U en raison de la forte similarité avec le modèle antérieur avant de se ranger au consensus d’entreprise.
 
Les réactions des analystes n’ont pas tardé. Selon Serkan Toto situé à Tokyo « Kimishima est un choix intelligent », « orthodoxe » souligne le responsable du cabinet Ichiyoshi Asset Management. Jamais rassasié, un observateur déclare qu’il « s’attendait à des changements plus importants ». David Gibson de l'agence Macquarie estime que Nintendo cherche à gagner du temps en nommant un décideur âgé de 65 ans, l'âge de la retraite pour les non-administrateurs, « il est peu probable qu'il soit encore présent dans cinq ans ».