C’est le paradoxe de cette génération de consoles taillée pour le triple A. La scène indé n’a jamais été aussi choyée par Sony et Microsoft en dépit de productions au budget minimaliste. Même Nintendo, par un formidable effort de contrition, s’est résolue à mettre en place un programme de prise en charge qui leur est extrêmement favorable. Pour un résultat dérisoire.
 
Dans le but d’inverser cette tendance à la désertion généralisée, les cadres du pôle indé de Nintendo Europe se sont invités à l’Italian Game Developers Summit avec l’intention de briser définitivement la glace. Et les idées reçues sont tenaces. La perception d’un Nintendo jaloux de ses prérogatives dans l’esprit des développeurs indépendants entrave cette dynamique créative de prendre ses marques sur Wii U/eShop. Alors, pourquoi ne pas pointer les irrégularités de la concurrence pour convaincre de sa bonne foi ?
 
« Il n’existe pas de clause d’exclusivité ou de parité », a déclaré Ed Valiente lors de son grand oral (ses propos sont rapportés par le magazine Develop). Sans le nommer, Ed fait référence à une convention contractuelle imposée par Microsoft qui concentre les critiques de la scène indé. Cette clause signifie l’exclusivité temporaire de fait au bénéfice de la Xbox One si le développeur inaugure le lancement de son titre sur celle-ci. « Nous comprenons que les petites équipes ne peuvent travailler sur plusieurs formats à la fois. Si vous avez l’intention de commercialiser votre titre sur d’autres plates-formes que la nôtre, nous serons heureux de vous y aider » jubile le cadre de Nintendo.
 
Autre motif de satisfaction à travailler sur consoles appartenant au géant japonais, la planification marketing. « La publicité, la fixation du prix, le calendrier de lancement ainsi que la vente sont de votre ressort » se réjouit-il. Alors que ces étapes font souvent l’objet d’âpres négociations entre les parties engagées, l’environnement de travail vanté par Nintendo exclut toute ingérence. Mieux encore. Le constructeur n’appliquera plus en amont un barrage filtrant discriminant : « L’approbation du concept du jeu en développement n’existe plus. Les développeurs pensent à tort que nous rejetons ce qui ne nous plaît pas. Si votre production décroche la classification PEGI, nous n’avons aucune raison de nous y opposer. »

 

L’ex numéro un mondial est également au fait des nouvelles habitudes de travail de la scène indé. Il cherche à les conforter. Si bien que l’exigence de détenir un siège social en bonne et due forme vole en éclats face à l’émergence du travail à distance des structures de développement unipersonnelles. Mais sous certaines conditions : « Si vous disposez d’un espace de travail sécurisé dans lequel vous pouvez mettre en sûreté votre kit de développement, le travail à domicile est autorisé », prévient-il. Quand bien même l’intervention ponctuelle d’un codeur, artiste, sound designer géographiquement éloigné de l’habitation est nécessaire pour la réalisation d’un jeu, « nous sommes susceptibles de valider votre organisation comme une équipe de développement. »

Nintendo promet une couverture internationale sans exiger l’ouverture de bureaux régionaux à l’exception du Japon. La notion de « service à la clientèle » est très forte dans l’archipel, une alliance avec un éditeur spécialisé dans la localisation des produits internationaux est donc indispensable. Enfin, les droits d’entrée sont de l’histoire ancienne. La plate-forme dématérialisée Wiiware (Wii) a écarté plus d’un candidat à l’aventure. Coupés dans leur élan par des seuils de téléchargement décidés autoritairement par Nintendo alors au sommet du podium mondial, les développeurs gardent une certaine rancoeur. « Nous l’avions imposé avec de nobles raisons sur WiiWare, un jeu se vend s’il plaît, cependant cette règle ne se vérifie pas toujours. Les seuils ont disparu, vous gagnez de l’argent dès la première vente. »
 
Les conditions sont donc idylliques. Nintendo a (enfin) joint le geste à la parole. Il ne manque plus que des perspectives commerciales dégagées pour convaincre la communauté des développeurs indépendants de sauter pieds-joint dans l’écosystème WiiU/3DS.