Epilogue douloureux pour l'ex fleuron Silicon Knights. Le développeur canadien au destin prometteur cumule les déboires depuis son divorce d'avec Nintendo. Bien que toujours actionnaire du studio, le constructeur a observé en spectateur navré cette pépite se brûler les ailes. Parce que la montée en puissance de Microsoft a remodelé le marché du jeu vidéo et fait vaciller un temps Nintendo, le studio s'est émancipé à tord de sa tutelle. Depuis, SK cumule les déboires professionnels. Après avoir perdu son procès avec Epic et ses illusions, le studio est parti à la dérive. Rappel des faits.
 
Son directeur-fondateur Denis Dyack espérait enfin voir le bout du tunnel après qu'une décision de justice très attendue devait être prononcée par le parquet américain. Son bras de fer avec le studio Epic devait prendre fin mi-mai cependant l'un des deux plaignants a tenté de faire appel, en vain. Lorsqu'en août 2008, SK a pour charge de mettre sur pieds une superproduction sur Xbox 360, le studio est à son firmament dans les médias mais en coulisse, c'est une autre facette. Persuadé d'avoir fait l'objet d'un sabotage en règle de la part d'Epic accusé de rétention, son dirigeant historique souhaite rendre public les basses manoeuvres dont il a fait l'objet et qui ont entaché sa réputation.
 
D'après Denis Dyack, Epic a sciemment noyauté le développement de Too Human en n'apportant qu'un soutien de façade dans l'appréhension de son moteur 3D Unreal Engine : << ça été un véritable enfer >> déplore son responsable. D'après lui, Epic ne voulait pas que la licence Gears of War souffre d'une concurrence directe avec ce qui devait constituer une trilogie de poids dans le portfolio de la 360. Too Human a été sacrifié sur l'autel du business as usual selon l'expression anglo-saxonne consacrée. << Nous avons essayé de dompter l'UE3 malgré l'absence de soutien caractérisé d'Epic [...] cette situation nous a profondément heurtée [...] nous attendons depuis cinq ans une décision de justice qui fera toute la lumière sur les basses oeuvres d'Epic >> déclare optimiste Dyack. << Ce sont des déclarations sans fondements >> avait alors vivement réagit un porte-parole d'Epic.
 
Le jeu s'est en effet fait guillotiner par la presse web et papier, Microsoft s'opposera au développement d'une suite laissant ainsi un boulevard à Epic et son poulain Gears of War pour s'installer comme la franchise star de cette génération HD. Les conséquences ont été terribles pour le studio. En plus de supporter l'ostracisme dont il a été victime, des dégraissages massifs ont été nécessaires pour restructurer le studio : << je pense qu'annoncer notre liquidation aura été grandement exagérée. Nous sommes là et pour longtemps >> semble jeter à la face de ses détracteurs Dyack.
 
 
 
Le dirigeant de SK attendait avec sérénité les résultats de l'enquête judiciaire et se montrait tout aussi optimiste pour l'avenir du studio : << nous sommes très impatients de lever le voile sur notre prochain jeu, nous travaillions actuellement sur une propriété intellectuelle plébiscitée par de nombreux fans >> se réjouissait le dirigeant. Eternal Darkness était dans tous les esprits mais le responsable opposait farouchement une fin de non recevoir à la moindre précision demandée par les journalistes. Est-ce que pour autant Silicon Knights devait perdre son âme après avoir bu le Styx : << la dimension de notre studio est plus modeste, nous sommes revenus à nos racines fondatrices >> déclarait son fondateur.
 
Hélas, Dyack est renvoyé dans les cordes, ses lubies avec. Le règlement de compte judiciaire qui opposait Silicon Knights au studio Epic Megames depuis 5 ans a tourné au fiasco pour le plaignant. L'ancien fleuron des studios proches de Nintendo exigeait une conséquente réparation financière (58 millions de $) en raison des difficultés rencontrées lors du développement d'une franchise en devenir sur Xbox 360, Too Human. SK accuse Epic d'avoir sciemment fait preuve de rétention technologique (UE3) dans le but de saboter son titre et d'installer Gears of War comme fer de lance de la nouvelle console de Microsoft.
 
Cette rondelette somme d'argent devait renflouer les caisses désespérément vides de Silicon Knights, fragilisé par une longue traversée du désert. Mais le juge a en première instance décidé autrement du montant des réparations financières exigées par l'accusation. Sûrement motivé par la légèreté du dossier et l'absence de preuves matérielles, le montant des dommages intérêts est symboliquement fixé à 1$. En décembre 2011, l'expertise réalisée par un ingénieur de SK a été rejetée par le juge sur demande d'Epic.
 
 
Cette bataille judiciaire qui empoisonne la vie des deux studios impliqués aurait pourrait trouver un dénouement rapide et plus heureux après un dernier tour de table des parties concernées. Mais le jusqu'au-boutisme de son dirigeant précipitera le studio à l'asphyxie financière. A la lumière de la première décision de justice, Dyack aurait dû revoir à la baisse le montant des dommages et intérêts escompté. Il fera appel de cette condamnation mais le juge confirmera une seconde fois l'injonction du studio à indemniser Epic, reconnue dans ce dossier judiciaire comme victime.
 
Un camouflet pour son dirigeant. Un de plus dans une carrière rythmée par des procès en série.
 
Accroché désespérément à son poste, aucune contestation interne n'atteindra Dyack sous peine de prendre la porte. Et cette personnalité autocrate et butée alimente à nouveau la controverse. D'anciens employés ont récemment claqué la porte et ne se privent pas pour dénoncer anonymement la gestion catastrophique du studio Silicon Knights. Celle-ci sera exacerbée pendant le développement de X-Men Destiny pour le compte d'Activision. Il sera décrit comme << déconnecté des ses obligations professionnelles >> préférant mobiliser près de la moitié des effectifs du studio en faveur de la création d'une démo d'Eternal Darkness 2.
 
Tout ceci au mépris du titre de commande d'Activision, véritable dindon de cette mauvaise farce. Il est en effet de notoriété publique que Silicon Knights << soit considéré par les éditeurs comme parasitaire au lieu d'être symbiotique. Cette réputation n'était pas portée à la connaissance d'Activision >> confie à Kotaku un ex-employé sous couvert de l'anonymat.
 
Les équipes dispersées, le développement d'X-Men Destiny avancera lentement. Ce qui provoquera naturellement les foudres d'Activision. L'éditeur américain ordonnera à SK une augmentation des cadences de travail afin de tenir les délais de production. Au lieu de tenir ses engagements, le studio demandera une rallonge budgétaire ce qui lui sera naturellement refusée. La pression exercée par le numéro un mondial de l'édition n'en sera que plus vive.
 
 
Les employés se plaindront alors des désastreuses conditions de travail (semaine de 6 jours, 10 heures minimum de travail par jour...). Dyack opposera aux légitimes revendications de son personnel un chantage éhonté : << effacer votre nom et prénom des crédits du jeu était le moyen de pression favori de Denis Dyack >> regrette un ancien employé. Le jeu lancé en septembre 2011 sera un flop. Comme pour se défausser de la responsabilité de ce bide commercial, Activision mettra bien en évidence la signalétique du studio Silicon Knights sur la jaquette et jure qu'on ne lui prendra plus.
 
Cet énième gaspillage des ressources financières et humaines sous la coupe d'un dirigeant inconstant pousse ce qui reste de viable de ce studio dans une dangereuse spirale. 45 employés seront remerciés après ces déboires, le studio est devenu une coquille vide avec comme seul maître à bord, un responsable qui n'en n'a finalement que le titre.