« Si vous décidez de vous lancer dans le développement d’un jeu VR, commencez par vous réinventez ». C’est l’avertissement sans frais trompété par James Chung à tous les professionnels qui se hasarderaient à sous-estimer le travail à fournir. « C’est comme un retour à l’époque de la PSone » renchérit ce développeur ayant fait ses gammes sur la juteuse licence Call of Duty. Avec son collègue Taehoon Ho, expatrié du studio Infinity Ward, ils fondent Reloads Studios, une structure entièrement dévolue à la réalité virtuelle. Depuis plusieurs mois, ces derniers se démènent pour accompagner le lancement commercial de cette technologie d’affichage renversante d’un titre multijoueurs nommé World War Toons.
 
Le temps presse, les trois principaux acteurs (Sony, Oculus VR, Valve/HTC) siffleront le coup d’envoi de la VR début 2016. Mais les mauvaises habitudes de la profession installent dans d’inconfortables dispositions les candidats à ce qui ressemble à un véritable sacerdoce. « De nos jours, je pense que la finalité des développeurs sombre dans la facilité en surchargeant leur jeu d’éléments dispensables. Que l’époque PS1/PS2 est loin. Les limites techniques respectives de ces consoles encourageaient la créativité » regrette James Chung.
 
Bien que les deux programmeurs aient tous deux travaillé sur une simulation guerrière photo-réaliste, leur nouvelle création World War Toons prend à contrepied leurs propres acquis pour mieux s’en éloigner. « Avec ce positionnement visuel cartoon, les joueurs comprendront qu’ils peuvent plier les règles selon leur désir », promet le game designer. La réalité virtuelle leur a imposé une remise à plat de leur expérience professionnelle, en dépit des compétences développées ces dernières années parmi la fine fleur des studios d’Activision. C’est à cette profession de foi que répond le réexamen des savoir-faire. « Vous ne pouvez pas représenter les éléments visuels habituels de l’affichage tête haute (HUD), car le joueur sera rapidement pris de malaise » averti James Chung. Or, dans un champ de bataille même coloré, ces repères sont indispensables à la bonne lecture des affrontements.
 
le diable se cache dans les détails
 
« Nous avons donc dû trouver une façon de reproduire cette fonctionnalité comme l’illustration de la mini-carte, composante essentielle dans un jeu de tir à la première personne » glisse J. Chung. L’astuce dénichée, conforme à la dédramatisation de cette simulation guerrière, consiste à faire apparaître « un ange s’élevant dans le ciel lorsqu’un ennemi est touché, vous identifiez immédiatement le théâtre des opérations militaires ». Cette réécriture du FPS s’applique également à la jouabilité, notamment dans la configuration des touches où le stick analogique communément attribué à la gestion de la caméra « n’est pas recommandé [...] le joueur ressent aussitôt une nausée » alerte le développeur. Ainsi, le pas de côté ou “strafing” est abandonné, « le joueur devient soudainement vaseux ».
 
De même, l’échelle des valeurs se trouve bouleversée par l’affichage cerclant le regard du joueur. Les armes de différentes classes « ne se distinguent pas sur un écran plat. Avec la VR, vous sentez réellement la distinction (entre arme lourde et légère). Des choses comme cela nous surprendront toujours ». Elle s’étend à la répétitivité des textures « responsable de trouble optique [...] nous avons donc dû casser cette récurrence pour prévenir toute gêne ».
 
Cette technologie d’affichage est enfin arrivée à maturation. Ce qui lui a permis de se relever spectaculairement d’un crash survenu il y a près de 25 ans. Toutefois, la théorisation de la réalité virtuelle nécessaire à sa compréhension et en corolaire sa domestication est encore hésitante dans ses propositions/solutions empiriques. « Beaucoup de théories circulent, nous n’avons qu’à nous asseoir pour les piocher ici ou là, cependant lorsque nous étions amenés à les expérimenter... Il y a tellement de choses que nous pensions réussir, elles échouaient systématiquement. »
 
World War Toons est prévu sur Vive, Oculus Rift et Morpheus pour le premier trimestre 2016.