Cinématographie, le jeu vidéo va-t-il trop loin ?

Les forums de discussion sur les jeux vidéo auront au moins eu le mérite de me faire prendre conscience qu’il existe absolument tous les types de joueurs. Je ne les fréquente plus vraiment mais il y a ceux qui apprécie fortement ces moments détentes où l’on apprécie une belle réalisation, ceux qui en profitent pour les passer si possible ou alors pour aller tondre la pelouse le cas échant ; et ceux qui s’en foutent qu’il y en ait ou non. Je pense que je fais partie de la première catégorie. J’ai toujours apprécié les cinématiques dans un jeu vidéo, une belle sucrerie pour ma part. Cependant, peu à peu je sens que je penche de plus en plus vers la dernière catégorie. Ce que je ne supporte plus aujourd’hui, c’est surtout la CGi et le décalage monstrueux qu’elle induit par rapport aux phases de gameplay qui ne peuvent pas être du niveau pré calculé par des batteries d’ordinateurs.

Depuis le « sans transition » que j'ai personnellement découvert lors de mon run du premier Uncharted, je ne supporte que très difficilement le CGi/gameplay/CGi et ainsi de suite. Donc FFXIII, je t’aime bien mais ça fait mal aux yeux à chaque fois de revenir sur Terre. Coccoon plutôt. Et avec des jeux comme Bioshock, Borderlands, Batman Arkham ou les Souls qui restent des jeux « à histoire » (pour contraster avec des jeux de course par exemple ou de versus combat)  se permettant le luxe de s’affranchir de cinématiques pour distiller leur propos formidablement ou suffisamment selon le titre considéré, je deviens de moins en moins cinématiquo-dépendant. Même si dans le même temps, je reste convaincu qu’il s’agit du moyen le plus clair et efficace d’emporter le joueur loin dans le trip.

 

I Non

II Oui

III Conclusion

 

 

I Oui

 

Oui, trop, c’est trop. Le jeu vidéo doit se raconter par ses ficelles, ses codes, son langage, sa grammaire. Il doit arrêter de puiser si ce n’est pas pomper dans le 7ème Art et s’exprimer par lui-même. Ok, c’est beau, ok, ça fonctionne, mais il est temps de s’émanciper et d’introniser Bioshock comme le Citizen Kane du jeu vidéo et interdire le recours de la cinématique par les développeurs. Il faut que cet amendement constitue le fondement de la nouvelle Constitution du Jeu Vidéo à paraître dans vos kiosques à journeaux la semaine prochaine. Les 3 seules cinématiques de Bioshock ne sont-elles pas la preuve de l’intelligence d’un système affranchi du procédé. Une d’ouverture pour poser l’univers, l’aventure et l’intrigue. Une pour la fermer à la fin selon le choix final opéré par le joueur nous permettant de mesurer les conséquences de nos actes. Et enfin une au 2/3 du jeu, au turning point de celui-ci, à l’énonciation de la morale de toute cette épreuve.

En dehors de ça il ne se passe rien dans Bioshock, rien n’évolue. Que dalle ! Les évènements passés de la Cité immergée, le joueur les découvrent via les voxopohnes, les journaux auditifs. Au présent, les péripéties surviennent à la gueule du joueur soit par contact radio avec les différents protagonistes qu’ils rencontrent au cours de son épopée, soit directement par l’occurrence dynamique ou statique d’éléments narratifs. Quand un sas se ferme, qu’un gaz mortel s’échappe et qu’il faut s’en sortir vivant de préférence, c’est l’histoire qui poursuit son petit bonhomme de chemin. Quand les différents décors et lieux arpentés de Rapture affichent des marques de phénomènes terminés ou encore en cours (le nouvel an 1959, la flamboyance des fontaines/statues/escaliers, la décadence du mobilier comme de l’immobilier, etc.), ça raconte, ça dit, ça s’interprête.

Puis bon, autant dans Gears, dans Halo, dans GoW, dans Uncharted, dans The Order 1886, on joue un peu (parfois on tient même plus la manette qu’on ne la lâche), on peut au moins se mentir en se disant qu’on contrôle bel et bien l’avatar mais ça dépasse les bornes quand on en arrive à la catégorie du film interactif. Je veux dire, on est privé de notre droit le plus stricte : le contrôle du personnage nous ait enlevé pour réduire l’interaction à son expression la plus minime : « appuie sur ci, appuie sur ça », c’est bon, on n’est pas en gériatrie ! Désolé mais ce n’est plus du jeu vidéo à ce niveau-là. Déjà que la narration qui doit aller puiser dans celle du cinoch pour se donner de la valeur, ça fait mal à l’égo de notre medium qui ne s’assume pas entièrement, mais si en plus elle mène à l’inutilité du cerveau pendant les phases « jouables », c’est le pompon. Il faut savoir raison gardé et conserver l’interactivité comme leitmotiv de toute production et ne pas trop s’appesantir sur une limitation de celle-ci.

De plus, les jeux qui se racontent sans cinématiques sont légions : Bioshock, inFamous, Batman, Borderlands, LBP, Mario, DK, Mirror’s Edge, TES Skyrim, Fallout et j’en oublie des tonnes parce que soit j’y joue pas/je n’y ai pas encore joué, ou soit je n’y pense pas. J’exclu tout de même les plateformers 2D, les vs fighting, les jeux de courses parce qu’il faut tout de même un minimum qu’il y ait une intrigue, un propos pour justifier la question du recours à la cinématique ou non. Je ne vais pas décortiquer tous les cas de figure de jeu n’usant pas de la cinématique et distillant pourtant une histoire forte. Un cas que j’aime particulièrement tant pour la différenciation singulière que la réussite de l’ensemble, c’est inFamous premier du nom. Une intrigue simple et motivante (la métasphère, les Premiers Fils, l’infiltration d’un « agent du Fbi » au sein de l’organisation millénaire, le rôle de Cole McGrawth dans tout ça, la lutte de pouvoir au sein de la société secrète, etc.) propulsée par des tableaux dynamiques du plus bel effet graphique racontant les évènements avec la voix de Cole en narrateur. Double casquette puisque c’est aussi le héros du jeu, du coup, ça se ressent dans la façon très spécial de raconter ce qui se passe mais aussi ses questionnements et appréhensions constantes.

 

 

II Non

 

Ouaip mais tout ce que fait Bisohock, d’autres le faisaient avant et les jeux blindés de cinématiques l’ont intégrés depuis fort longtemps du coup, ça sert à rien de râler comme des vieux cons.

Et puis, on ne peut pas comparer les cinématiques disséminées le long de l’aventure avec un film, ce n'est pas aussi simple que ça. Généralement, les jeux incorporent des cinématiques afin de poser les propos de temps à autre. Il ne s'agit pas de singer le cinéma', il s'agit surtout de mettre en oeuvre un procédé efficace pour capter l'attention du joueur, peu importe la forme qu'il prend. Et au même titre que les bulles de BD à la Max Payne, les journeaux audio à la Bioshock, les tableaux stylisés dynamiques à la inFamous, les cinématiques sont un recours à même de satisfaire la fonction attendue. C'est avant tout ce ce qu'on fait de la cinématique et comment on l'a façonne qui importe et dicte son résultat et donc sa légitimité. Il est par exemple intéressant de voir l'évolution de cette mécanique à travers plusieurs épisodes d'une même licence.

Je pense notamment à Assassin's Creed, l'évolution est significative entre le premier épisode et le dernier en date. Oui, il aura fallu 10 ans mais l'évolution crescendo et le rapport différent à l'outil est palpable. Autre cas, radicalement différent, la série Metal Gear Solid. Je ne parlerai que du Guns of the Patriots puisque c’est mon seul arpenté. Est-ce que les cinématiques « Kojima-style » ont quelque chose à voir avec ce qui se fait dans le cinoch ? Niet. Tout est très spé, façonné au bon vouloir de la légende, des plans au mixage son en passant par les ralentis et la patte inimitable de l'équipe de Kojima. La preuve que l’outil cinématique, on en fait ce qu’on veut. On veut du pur cinoch qui marche bien, mocap, on y va. On veut quelque chose de très personnel, mocap, on y va ! Réalisation et post-traitement adapté à chacun des cas.

La cinématique n’est pas l’outil du mal, tout dépend de ce qu’on en fait. La preuve avec la série Far Cry qui prouve qu’en ne changeant absolument pas la direction de la réalisation (le jeu est un FPS et les cinématiques sont en vue FPS depuis la même vue du personnage incarné), on peut habilement prendre à son compte les codes de la cinématique pour se l’approprier et atteindre une personnification vidéo ludique cohérente du procédé.

 

 

III Concusion

 

Certains ne remettront pas en cause le procédé cinématique mais carrément l’intérêt des histoires dans le jeu vidéo. Sujet intéressant mais dans la mesure où il est hors-jeu pour ce post, il sera l’objet d’un prochain article-débat. Par contre, si un jour, la Bien Pensante arrive à faire ratifier une convention interdisant les cinématiques, j'arrête le jeu vidéo. Vous n'aurez pas ma scène de la douche.

 

2014-2018 Time Neves, La cinématique, une affaire de gout Réservé.