L’Europe a beau se fissurer au moment où j’écris ces lignes – c’est BREXIT Day – reste que ces diables d’anglais restent plutôt doués pour nous sortir de leur chapeau magique quelques belles réussites, qu’il s’agisse de Broadchurch, No Offense ou donc Happy Valley, ils ne sont certes jamais les derniers à faire la fête mais pas non plus les moins doués pour accoucher de concepts séristiques alléchants. Happy Valley inscrit son déroulement dans la campagne anglaise, dans le Yorkshire. D’entrée, le ton est donné. L’inspectrice Carwood, la fraiche cinquantaine doit faire face avec les laissés pour compte et convaincre l’un d’eux de ne pas se suicider. Vous avez dit décrépitude totale ? Le patelin ne fait pas rêver mais ne nous laissons pas trop berner par les apparences. Sous une société passablement à la dérive se cache une majorité de cœurs tendres qui ne cherchent qu’à aider leur prochain.

Trop gros ? Oui, trop gros. Mais revenons sur le propos de départ. Plutôt lourd puisqu’elle enjoint deux facettes distinctes du canton local où évolue les évènements. En effet, la fille d’un prospère industriel local se fait enlever. Le fil narratif est unique même s’il mélange habilement le passif de ses protagonistes aux évènements qui se jouent. La narration elle est double puisqu’il s’agira de suivre le cours du fait-divers du côté de la police municipale en charge de l’enquête sur le rapt ainsi que de celui des malfrats commettant le forfait. Dépeint comme ceci, l’ensemble semble banal et pourtant … Le particularisme tient en aux caractères très marqués de chacune des parties prenantes, qu’il s’agisse du père de l’enlevée qui est enclin à accepter le chantage pour récupérer sa petite fille (il l’a eu tard), de son second qui entretient une rancune viscérale contre lui et qui est impliqué lui aussi vis à vis cet enlèvement (à la fois en bien et en mal), de la bande de caïd l’ayant monté ou encore de la courageuse inspectrice Carwood.

Implication personnelle car au même moment, l’ex-gendre de Carwood revient en ville après s’en être écarté un bon moment. La raison ? Sa fille s’est suicidée à cause de lui. Laissant alors son jeune fils (lui n’est pas au courant qu’en la quittant, il la laissait enceinte) seule avec sa grand-mère. Ainsi, lorsqu’on comprend que le gendre est lié de près ou de loin à cette affaire d’enlèvement sur laquelle bosse l’inspectrice, on se doute que cela ne va pas en rester là. Ce que réussi très bien la série, c’est la retranscription de la chasse aux auteurs par une police locale sans trop de moyens ni d’effectifs – il en va de même pour les malfrats ceci-dit – sur la base de descriptions ou d’intuitions de l’antenne locale de la police. En résulte un équilibre entre les tractations des maîtres chanteurs avec le père de la victime, le déplacement de celle-ci dans de lieu en lieu, le rôle ambigu du second du patriarche local dans cette affaire, la prise en charge du gosse (central dans l’histoire) un peu pénible de sa fille décédée ou encore de l’évolution de l’enquête.

Happy Valley détonne par ses attributs aussi intimistes que frénétiques dans une bourgade où les uns et les autres savent très bien cachés ce qui doit l’être. Renforcé par un format court en 6 épisodes et surtout un casting vraiment solide, Happy Valley semble être le juste nom pour ne surtout pas caractériser une vallée qui n’a rien de foncièrement Happy même si l’on reste irrésistiblement attaché aux héros et assez admiratifs de l’écriture conférer pour concevoir les antis. Se payant même le luxe d’afficher une saleté crasse de l’esprit – no mecy pourrait-on dire – à la lecture de certaines scènes mettant aux prises les auteurs parvenant tant bien que mal à faire le ménage à la fois pour ne pas qu’on remonte jusqu’à eux et aussi afin d’épurer leur propre rang quand certains semblent se détourner de leur loyauté (ceux qui l’ont visionnée me comprendront). Happy Valley prend donc aux tripes ce qu’il rend à l’écran pour mieux nous surprendre au crépuscule d’une fin tout à fait réussie.

 

2014-2017 Time Neves, Rosbeef à point Réservé.