Ah, Versailles … Son château, son Chaptal et donc … ses canadiens ! C’est quoi ce casting !? En réalité, je n’ai pas vraiment eu le temps de me poser la question puisque j’avais déjà entamé mon forfait au moment de douter de la synchronisation labiale – non pas qu’elle soit mauvaise d’ailleurs -  mais ça ne sentait pas le français de France pur souche AOP bande de tarba. Donc une série majoritairement produite par Canal+ sur l’Histoire de France #big-up-Stephane-Bern et même pas en patois local !? Je plaisante, je comprends les enjeux commerciaux ainsi que le casting très anglophone … Reste qu’il y a à redire (et pas qu’en mal !) sur cette reconstitution partielle de la fresque historique du Roi Soleil : Louis XIV. Louis, c’est son nom et XIV son prénom. Serait-ce l’inverse ?

Versailles prend place à Versailles (troll facile) au XIVème siècle alors que le jeune Louis XIV s’évertue à marquer de son empreinte son règne entamé 24 ans plus tôt. Précoce le con. La cour balbutiante acquise à Sa Majesté se voit contrainte de suivre les désirs de leur vassal en prenant la poudre d’escampette pour rallier Versailles depuis Paris soumis à la Frondre des Sans-Strings. Ou des Jacobins, je ne sais jamais. Une cour que l’on sent non encore confirmée, établie et où les places se monnaient chèrement. Quelques sommités se détachent au sein ce qui n’est pour l’instant qu’une esquisse du mirifique palais, constituant dès lors à la fois les sources de soucis, tensions, apaisement et manipulation pour le Monarque. Versailles n’est pas une série politique. Mais elle en use. Sous ses traits déterminés, Louis XIV ne fait néanmoins que découvrir et expérimenter son rôle et sa fonction de Régent. Un exercice d’équilibriste lui révélant un certain talent pour affiner sa stratégie et avancer un à un ses pions sur ce glissant échiquier du jeu de Dame.


Versailles est autant l’occasion d’assister aux mondanités – dont n’est d’ailleurs pas plus friand que cela le Roi même s’il tient pourtant à ce que certaines conventions soient respectées comme pour marquer le formalisme auquel doit s’astreindre les quelques-uns qui le rejettent – que de se pencher sur les tractations politiques entre Sa Sainteté et ses dissidents qu’ils viennent de Hollande, d’Espagne, d’Angleterre ou même de France. La restitution n’observe pas vraiment un découpage 50/50 puisque les drama de la vie si difficile au domaine royal semblent prendre le pas sur les conspirations à peine ou bien dévoilées. Ces dernières constituant cependant un met de choix (choix de met !?) puisque ce sont à travers elles que toute la science de la dissimulation de XIV auprès de ses ennemis mais aussi de ses conseillers (ne faut-il pas cacher ses intentions pour pouvoir être conseiller ?).

De conseiller, il n’en manque pas. A commencer par le commensal Bontemps, sorte d’homme à tout faire – de gouter les plats à avertir son maître en passant par coucher avec lui (au propre, pas au sale) – Bontemps permet au Roi de passer du bon temps comme son nom l’indique. Facile celle-là, aussi. Bontemps, la 60 aine (pré fait office de conseiller non officiel (il ne s’agit pas de sa fonction en théorie), confident à ses heures, celui-ci revêt de temps à autre le costume de conseiller – rôle qu’il conchie arguant que le Roi a toujours raison (même quand il a tort) –  quand le Roi le presse de donner sa vision des évènements. Le ministre Colbert arpente le rôle officiel de conseiller. Dissident. Conseiller dissident.

Colbert et Louvois forment un duo de conseillers « balaie dans le fondement » instiguant une certaine crainte pas tant de la part du Roi que de la part du spectateur qui croit tenir en eux les dissidents avides de renverser le pouvoir central. Le policier/détective Fabien Marchal fait figure de 2ème homme de main sur lequel l’autorité se repose comme se personnifie. C’est aussi mon personnage préféré. Campé par un Tygh Runyan simplement excellent dans son jeu non verbal, Marchal tient le rôle des yeux et des oreilles de la Royauté, capable à lui-seul de tout savoir sur tout le monde, non pas sans enquêter en sous-marin. Bien évidemment, d’autres protagonistes jouent un rôle clé politiquement parlant mais on n’a pas toute la nuit. Le reste constituant de toute façon les personnalités dont les ambiguïtés de comportement font planer le voile du doute sur leurs frêles petites têtes.

Ça c’était pour le côté raison, côté cœur maintenant. Comment ne pas commencer par ce Duc d’Orléans ? Le frère du Roi, gay notable, entretient une relation aussi passionnelle que conflictuelle avec son frère de Roi. Non pas qu’il soit négligé, son frère, à l’évidence, l’aime mais ne se sentir que le frère du Roi, n’exister et se réaliser qu’à travers lui le pèse considérablement. C’est donc aux hostilités et connivences qu’est abreuvé le spectateur qui assiste aux passes d’armes répétées de l’un à l’autre. Les états d’âmes du Duc restent la face émergée de l’Iceberg, la plus grosse source de problème. Ce qui ne veut pas dire que les femmes ne sont pas en reste.

 

Qu’il s’agisse d’Henriette d’Angleterre - qui ne doit avoir que 17 ans – la « femme » de façade du frère du Roi, d’Athénaïs de Montespan – la vingtseptaine - ou de Béatrice de Lorraine - qui cherche à tout prix à mettre sur le devant de la scène sa jeune fille dans l’espoir de voir le Roi succomber à cette jeune femme de 14 ans – le Roi ne manque pas de courtisanes. L’occasion pour le Roi de gouter à tous les plaisirs à sa guise puisqu’on ne refuse rien au Roi et que le Roi ne se refuse rien. In fine, les histoires de coucherie entremêlent assez bien les considérations historiques, les mœurs de l’époque et le lien entre lapinage et politique. Lien toujours de circonstance en 2016.

 

Les conspirations vont bon trains à Versailles. Alors que le château n’est même pas, les convives sont soit chiantes, soit avides de pouvoir. Reste qu’ils sont tous attachants et que le marquage évident entre cœur et raison s’effiloche de plus en plus au fur et à mesure du développement de l’intrigue. Versailles ne s’est pas fait sans heurts sur le chantier, il ne l’est pas non plus dans les coursives. Les manipulations qu’elles émanent des conspirateurs ou du Roi sont extrêmement bien enfouies, le choix de réalisation se portant sur le secret jusque le dévoilement en fin d’épisode généralement, une sacrée performance vraiment bien maîtrisée. Tout le monde il est gentil, tout le monde il est suspect, tout le monde il a quelque chose à cacher. Ne reste plus qu’à s’atteler à une suite de cette massive production à 30 millions d’euros les 10 épisodes.


2014-2017 Time Neves, Je signe pour une saison 2 Reservé.