Série évènement de l’année 2015, True Detective aura fait forte impression auprès de nombre des nantis ayant eu le privilège de poser leurs yeux sur elle. Je vous le dis tout de suite, j’en fais partie ! La réputation précédant le rejeton du scénariste Nic Pizzolato et du réalisateur Cary Fukunaga est à la fois lourde et légère à porter tant les premières minutes sur le pedigree de ce à quoi nous allons probablement avoir droit sur la huitaine d’épisodes qui composent la fresque. True Detective inscrit son intrigue dans les vertes et vierges contrées de Louisiane selon une double timeline. En effet, un meurtre sordide à la mise en scène macabre commis en 2012 jette tout de suite le froid sur une affaire similaire non élucidée s’étant produite en 1995. Les 2 inspecteurs ayant collaboré à l’époque sur la résolution du crime et que tout oppose sont interrogés – de nos jours – pour comprendre ce qui s’est passé pour que l’enquête fasse choux blanc malgré les éléments suspects collectés 17 années auparavant. Une manière comme une autre de résoudre les 2 crimes à la fois. Deux crimes potentiellement signés par la même personne.

Ces deux inspecteurs de police sont bien évidemment campés par les deux têtes d’affiche de la première saison : Woody Harrelson et Matthew McConaughey. La particularité du duo s’attenant aux divergences total de mode de vie, conception de la vie, caractère, personnalité résultant non pas en un affrontement ou snobisme de tous les instants mais une défiance mutuelle aussi bien sur les méthodes d’investigation de l’un que sur le train de vie de l’autre. C’est ainsi un travers le récit séparé de chacun des deux compagnons d’un temps que le spectateur découvre via des flashbacks le couac de l’enquête de 1995, et surtout, ses raisons bien souvent extra-professionnelles. L’intérêt de ces deux interrogatoires prenant sens lorsque celui-ci prend fin au bout de quelques épisodes pour embrayer sur la remise en selle du tandem après toutes ces années dans l’unique but de mettre la main sur le tueur sadique et psychotique qui a très probablement remis ça pour la seconde fois dix-sept ans après son premier forfait.

Bon, si True Detective a tant bonne presse, c’est parce qu’outre l’histoire proposée, son développement ne se laisse pas désirer et capte irrémédiablement l’attention. Il faut dire que les personnalités jonchant cette Louisiane peu accommodante ne sont pas totalement en reste vis-à-vis du rustre qui anime la relation entre Rust et Martin. Qu’il s’agisse d’un groupe de bikers ou de l’orateur d’une convention à tendance sectaire, nos deux acolytes ont fort à faire pour se démener à démêler le vrai du faux tant toutes les rencontres semblent chacune à leur manière indignes de confiance. Une animosité qui tend à souder notre couple goutant pourtant très peu aux commodités amicales même si un semblant de vie associative se dessine entre les 2 comparses par l’intermédiaire de la famille du « en apparence, chef de famille modèle » Martin Hart – Wody Harrelson. D’humeurs plutôt brumeuses, les pistes se font et se défont à la manière de ce qui s’est passé en 1995. Les lieux lugubres, locaux peu coopératifs et péripéties sordides se succédant les unes après les autres.

Bien que de haut vol, il serait erroné de résumer le sel de l’aventure à sa seule écriture puisque les premiers contacts avec cette dernière se font par son imagerie. Une réalisation, mise en scène et photographie là encore hautes perchées qui en ferait pâlir le 7ème Art ou qui n’a en tout cas rien à lui envier. Une certaine convergence des médias s’offusqueront ou s’égosilleront certains. Reste que le cachet conféré par le décorum que procure cette Louisiane naturelle, brute, intimidante – même en plein jour – étale un formidable terrain de jeu pour la caméra dont les plans aussi minutieux qu’étonnants (vue d’oiseau sur une grande route rectiligne frayant son chemin à travers cette nature verte luxuriante et que dévale la voiture de nos deux compères ; par exemple) ravissent même les plus blasés d’entre nous. La mise en scène profite quant à elle du thème borderline de ces crimes (entre mystique et culte dérangeant) comme du travail sur les costumes, objets et autres grigris. Enfin, l’ambiance et l’atmosphère profitent bien évidemment de l’écrin particulier de cet Etat du Sud des Etats-Unis, mis proprement en valeur - sauf de nuit noire peut-être, pourtant la scène en question est l’une des plus marquante de la saison – par le choix retenue question luminosité.

True Dectective, une histoire forte, un scénario impliquant, une narration à timeline double, une réalisation, mise en scène, photographie … Certes. Encore faudrait-il ne pas oublier le jeu d’acteur. Nos deux têtes de gondole en premier lieu tant ils écrasent le show. Les personnages secondaires font le job mais ce ne sont que des personnages secondaires. Soit ce sont des proches de Rust Cohle ou Martin Hart, soit ce sont des témoins ou suspects. Ils jouent tous très bien leur rôle mais difficile de les retenir tant l’omnipotence légitime du duo surclasse toute velléité de dissidences à l’écran. Pour la donner dans le mille, la lecture de l’association des deux bourre-pif s’interprète comme la réunion de la thèse et l’antithèse d’un même sujet. Rust Cohle – porté à l’écran par Matthew McConaughey – incarne un esprit éclairé, posé, un peu ailleurs/lent et pourtant fichtrement perspicace une fois revenu sur Terre menant une vie bien éloignée des sentiers battus que nous enseigne à longueur de journée la société.

Pas de femme fixe, pas d’enfants, pas forcément volatile pour autant, pas de cadre établi et une remise en question perpétuelle des aspirations de l’être. Tout le contraire d’un Martin Hart – prenant les traits de Woody Harrelson – qui lui par contre à cocher une à une les cases de la vie « rangée » - faite gaffe aux guillemets – du foyer familiale à la sociabilisation entre voisins en passant bien évidemment par un petit adultère de temps en temps. Une remise en cause de lui-même par son comparse et le cocktail explosif est prêt à détonner d’autant que lui de son côté ne comprend pas trop le style de vie de celui qu’on lui a mis dans les pattes en 95. Une relation psychologique, vous imaginez bien, amenée à évoluer drastiquement pour le meilleur et pour le pire au fil de la saison. Inutile d’en dire plus.

True Dective donne un gigantesque coup de pied dans la fourmilière tentaculaire des excellentes séries jonchant le cosmos depuis quelques années. C’est grandement de par son style unique qu’elle s’impose dans une jungle farouche où les petites productions comme les grosses rivalisent d’inventivité pour nous asséner leur science si vindicative l’espace d’une huit-dix-douzaine d’épisodes. La lutte est farouche mais il est indéniable que la brillantissime première saison tire son épingle du jeu, sublimant et magnifiant le triptyque histoire, réalisation, performance d’acteurs par rapport à nombre de séries bien plus terre à terre et moins en orbite comme peut l’être True Detective d’un point de vue réalisation (ce qui n’enlève rien à l’extrême qualité de ces dites séries). Définitivement un must. En attendant de pouvoir me mater la seconde fournée. En Californie cette fois, et avec un tout nouveau casting paraitrait-il …

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