Souvenez-vous, il y a quelques mois, je vous contais les aventures de Saga Noren et Martin Rohde en Scandinavie aux prises avec le Tueur de la Vérité, eh bien, il est l'heure de juger la version britannico-française portée par Canal, Sky, Clémence Poésy et ce diable de Stephen Dillane. Pour l'anecdote, j'avais eu l'occasion début de 2014 de commencer soit par The Bridge Bron Broen ou soit par Tunnel et j'avais opté pour l'original plutôt que la copie. Question de principe probablement. Ce n'est pas sans appréhension que je jetta mon dévolue 2 années plus tard sur l'adaptation franco-britannique inquiet à l'idée de se retrouver devant une version téléphonée de bout en bout à quelques détails prêt comme peut l'être Malaterra, la version française de Broadchurch. Ce qui n'empêche pas Malaterra d'être une bonne porte d'entrée au concept si d'aventure, vous n'avez pas succombé à son modèle anglais.

En ce qui concerne Tunnel, premier bon point : les langues. A l'instar de la série dont elle se veut la descendante, Tunnel est tourné en franglais. TheBridgeBronBroen était tourné en danosuédois. C'est vraiment sympa car naturellement, entre français au comissariat de Calais, ça parle français et en Angleterre à Douvres, ça cause anglais. Et puis logiquement, comme les anglais sont des billes en langue étrangère doublé de gros flemmard (en même temps, la planète entière est obligé d'apprendre leur langue, il est de mon devoir de le rappeler aux têtes en l'air), ça discutaille en anglais lorsque nos 2 héros sont à l'écran. Tout ce mic-mac est sous-titré ; pour faire les choses bien. Niveau scénario, on repart sur les mêmes bases à l'exception du Channel qui remplace le pont de l'Orelsund. La co-enquête emmnène le spectateur de part et d'autres de la côté Manchienne et le Tueur de la Vérité semble pouvoir naviguer ou manipuler aisément de part et d'autre du rivage. Les meurtres se succédant sur fond de démonstration de thèses sociologiques correspond aux défis sociétaux écartés par les 2 gouvernements européens.

Esthétiquement, c'est propre. Le Nord de la France et le Sud de l'Angleterre semble comme connecté par le même appel du large conférant au paysage un je-ne-sais-quoi d'attendrissant. Une espèce de quiétude parsème les faubourgs de ces 2 stations balnéaires qui n'en sont au diable pas. Du côté du duo à l'affiche, c'est une nouvelle fois la grande force du show. Le choix de Clémence Poésy pour camper le rôle de la prude Elise Wassermann n'est pas dénué de sens même si j'ai pendant longtemps scruté son jeu afin de savoir si elle allait s'extirper ou non du jeu très conséquent (tant dans sa justesse que dans sa frugalité) de sa counterpart Saga Noren (campé par Sofia Helin) de l'original. Et en l'occurrence, même si les 2 partitions sont évidemment assimilables, la psychologie et le background du personnage n'ont pas changé, Clémence Poésy y apporte indéniablement son répertoir jusqu'à s'en détacher sous certaines latitudes.

Karl Roebuck prenant la relève de Martin Rohde change finalement bien plus de l'original à l'adaptation que sa partenaire française. Personnifié par un Stephen Dillane à propos, Karl Roebuck est un cran moins jovial que son alter-égo danois même si il incarne bien un mari, père et beau-père cool et aimant. Disons qu'il se montre plus réfléchi et professionnel que Rohde. Et qu'il est aussi plus difficile à cerner. Là où on lisait assez amplement dans les pensées du personnage originel, son successeur devient plus volatile pour ne pas dire volage. A l'instar de Bron, les relations de famille comme professionnelles sont au coeur de l'intrigue et pour le coup, les libertés prises vis à vis de cette dernière tracent une route sensiblement divergente à-même de brouiller un peu plus les pistes pour le vieux de la vieille qui connait les ficelles embrumées du modèle. Une belle attention.

Tunnel est vraiment une bonne adaptation qui ne singe pas bêtement l'originale. Elle dystille avec parcimonie ses petites touches personnelles jusque former un tout très cohérent et assez différent sans pour autant renier les excellents préceptes mis en place par les Scandinaves, notamment en matière d'écriture qu'il s'agisse de l'intrigue ou de la psychologie des personnages. Le générique d'intro est vraiment bon et la série parvient à conserver ce charme nordique bien que le théâtre des péripéties s'écarte sensiblement de la froide Scandinavie. Le ton gris bleu est globalement conservé même si les plaines verdoyantes anglaises et les fôrets françaises glissent ce tont verdâtres du plus bel effet. J'ai ainsi hâte de lancer saison 2 de ce Tunnel et je ne saurais trop vous conseiller de faire de même. 'fin, matez quand même la Saison 1 avant, ça vaut mieux de faire les choses dans l'ordre ...

 

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