L'actualité récente et passée me fait réfléchir quand à la présence historique de la violence dans le jeu vidéo.

En regardant ma ludothèque, je constate que  80% de mes jeux approchent de près ou de loin des concepts violents: Batman AA, Mass Effect, Assassin's Creed, Braid...Loin de moi les idées et postures liberticides de Familles de France ou de la bureaucratie Suisse cependant. La norme PEGI, la responsabilité individuelle et les filtres parentaux constituent des garde-fous suffisants pour sélectionner un contenu adapté à chaque joueur.

Work in progress

En écoutant le podcast featuring David Cage, j'ai apprécié énormément son recul vis à vis des gameplays systémiques qui nous ont été imposées (ou que l'on a voulu) depuis 20 ans. Son propos mettait le focus sur les mécaniques redondantes du sauter/courir/tirer, et de la nécessité ou du moins la pertinence d'avoir une ligne de conduite différente. J'aimerais perso insister sur la systémisation du recours à la violence comme base de progression dans le jeu. Je suis papa, et un soir, jouant à Braid, ma fille (5 ans et demi) me rejoint et se pose sur le canapé à côté de moi. Elle me prend la manette des mains, et commence à jouer. Au bout de quelques secondes, elle saute sur un monstar, et me dit "papa, quand je saute sur lui, ça le tue?"...

                                                                              

Point de vue

Le regard d'un gamer est différent de celui d'un non-initié. Ma femme ne joue pas au jeu-vidéo, et nous avons entamé une discussion sur la présence d'actes "violents" dans des jeux qui ne sont pas étiquetés comme tels. Force est de constater que "tuer" est une sinon LA composante de gameplay la plus répandue. Les exemples sont nombreux: dans Rayman, Mario, Sonic, ou Katamari Damacy on génocide des pans entiers de la faune vidéoludique, sous prétexte de devoir avancer dans le jeu. Les artifices sont nombreux: sauter sur la caboche, aspirer, frapper, passer par le sas...j'avais à mon passif bien plus de frags que je ne le pensais.

 

 

                                                                

Guilty

C'est ici que j'aimerais en venir a un des principes les plus fondamentaux de ce chef d'oeuvre qu'est Shadow of the Colossus. C'est la première fois qu'un jeu m' a donné l'occasion de réfléchir à la conséquence de mes actes, ainsi qu'à leur impact sur le monde. Je n'ai jamais autant regretté de devoir ôter la vie. A part mon poney Framboise que j'ai du piquer irl. Cet amour que Fumito Ueda insuffle dans chaque parcelle de son univers m'a estomaqué, au point qu'à mi-jeu, je ne tuais plus les lézards pour augmenter ma barre de vie. J'étais tellement persuadé de la profonde égocentricité de mes aspirations, que tuer un colosse devenait un calvaire. Leur majestueuse démarche, leur enracinement dans cette terre face à mon chagrin de petit garçon. Le premier titre suffisamment mature, par son langage et sa maîtrise artistique, à me donner envie de perdre. La maestria évidente de la team Ico, qui nous positionne face aux enjeux de la mort et de la violence: ce n'est ni gratuit, ni anodin. On ne revient pas sur ses décisions une fois l'acte commis...  

                                                                 

Distanciation

Même si l'acte violent est un des principes de base du jeu-vidéo, cela n'en fait pas un argument justifiant la violence de notre époque. Violence relative d'ailleurs, puisque notre société est de plus en plus safe. Tout simplement parce que les joueurs ne sont pas neuneus, et qu'ils savent que buter des gens/monstres sur une console c'est pas pour de vrai. Distanciation donc. Je constate cependant que la violence est au coeur de millions de gameplays, et que cette tendance n'est que trop rarement contournée ou utilisée avec intelligence. L'exclure totalement avec Flower, ou jouer sur la culpabilité et le sens dans Shadow of the colossus, en sont des totems que je loue.

 

                                                               

Attention, j'adore une multitude de jeux sanglants, et ne me prive jamais d'occire des formes de vies diverses pour m'en fabriquer des colliers d'oreilles. Mais en tant que citoyen, et papa aussi, j'estime que la production de titres non-violents est trop marginale. Certes des jeux viennent compenser ce manque (là je pense à Cooking Mama, Electroplankton, ou des tonnes de titres XBLA) mais peu de grosses productions (des Triple A :)) l'ont constaté, et varié leurs prods en ce sens. La maturité de ce média ne se mesure pas à sa capacité fulminante à fabriquer des oeuvres pour adultes. Elle se juge et se jugera dans son orientation tournée vers une plus grande variété de sujets et de thèmes abordés.

 

Je veux du cul et du sang, mais des fleurs et des lits à baldaquin aussi.

Et du panache.