A l'occasion de la sortie de ce jeu sur PC, j'en profite pour publier le test que j'avais écrit à l'époque où le jeu était sorti sur Xbox Live Arcade et où ce blog n'existait pas.


Qui n'a jamais rêvé de maîtriser
les arcanes de la magie? La présence quasi impérative de la magie
dans tous les récits du genre heroic fantasy et le succès de
grandes sagas nous montrent que la magie fait de plus en plus rêver
notre société. C'est de la magie que Wizards of the Coast, comme
leur nom l'indique, a fait son fond de commerce avec le mastodonte du
jeu de cartes : Magic the Gathering. Depuis leur lancement en 1993,
les cartes Magic figurent parmi les nombreux jeux qui ont envahi les
cours de récréation au même rang que les pogs, Dragonball, les
cartes Pokémon, Yu-Gi-Oh! et bien d'autres encore! C'est désormais
en jeu vidéo que Wizards of the Coast essaie de transposer le succès
de son jeu de cartes à travers la sortie de
Magic the
Gathering : Duel of the Planeswalkers
sur le Xbox Live
Arcade pour 800 points Microsoft et désormais sur PC via Steam pour 8,99€ . Opération réussie?

 

Fort comme une guivre?

Il est extrêmement difficile de
résumer ce qu'est Magic The Gathering en quelques phrases mais
tentons le coup. Les cartes Magic permettent de recréer des
affrontements entre deux magiciens, les joueurs. Chacun dispose d'un
deck, ou jeu de cartes, duquel il tire les cartes, ou sorts, qu'il va
jouer durant la partie. Il existe différents types de cartes : les
terrains que le joueur doit impérativement poser avant de pouvoir
jouer un sort, les sorts de créature que le joueur utilise pour
attaquer son adversaire ou bloquer les attaques faites à son
encontre et enfin différents types de sorts, enchantement, éphémère
ou rituel, qui ont une durée d'utilisation bien spécifique, ce qui
détermine la stratégie du joueur. Chaque joueur commence la partie
avec un stock de vingt points de vie, le premier qui arrive à zéro
ou moins perd la partie.

L'adaptation d'un jeu de cartes en jeu
vidéo est toujours un projet ardu, surtout en ce qui concerne
l'interface. En effet, le pad doit réussir à remplacer de façon
ergonomique la main du joueur, ce qui n'est pas chose aisée. Dans un
jeu comme Magic, le nombre de cartes présentes sur la table est
souvent conséquent, ce qui peut poser problème lors de sa
transposition à l'écran. Il faut avouer que les développeurs de
Stainless Games s'en sont très bien tirés de ce côté là. L'écran
de jeu présente toutes les spécificités du jeu de cartes sans que
certaines prennent le pas sur d'autres. En effet, un système de zoom
plutôt bien pensé nous permet de nous renseigner sur les capacités
spéciales de chacune des cartes présentes sur le terrain ou dans
notre main. Après quelques heures de jeu, le joueur se surprendra à
reconnaître la plupart des cartes et n'utilisera le zoom qu'avec
parcimonie. Toutes les règles sont rendues accessibles par la simple
pression d'un bouton lorsque l'on regarde une carte. Bref,
l'interface est bien faite et accessible à tous ceux qui se prennent
un tant soit peu au jeu.

Mais Magic c'est tout d'abord un
univers graphique dans la mesure où, comme chacun le sait, chaque
carte est divisée en deux parties : une réservée aux règles qui
s'appliquent à la carte et une autre qui est une représentation
picturale de cette carte. On reste souvent quelques minutes à
regarder ces illustrations sans rien faire d'autre qu'admirer. Duel
of the Planeswalkers
nous permet de savourer ce plaisir béat
devant notre écran de télévision. Il reste à souligner que les
cartes présentes dans Duel of the Planeswalkers sont toutes
connues par les joueurs de Magic, qu'ils soient des vieux de la
vieille ou des nouveaux venus. En effet, le jeu se contente de
reprendre les cartes les plus fameuses et les plus intéressantes à
jouer, à la manière de l'édition de base 2010, la onzième édition
du jeu de cartes. Les cartes rappelleront donc de bons souvenirs aux
anciens tout en donnant aux nouveaux joueurs la possibilité
d'abattre des cartes qu'ils n'ont encore jamais vues. L'aspect
graphique respecte traits pour traits les cartes originales, ce qui
est en soi un très bon point. Enfin, il faut souligner un certain
effort des développeurs pour rendre le jeu vivant. Néanmoins les
animations restent cheap et ralentissent souvent le rythme de jeu,
laissant place aux vociférations du joueur. La bande original n'est
aps non plus d'une qualité mirobolante et d'autant plus agaçante
qu'elle doit être constituée de deux morceaux en tout et pour tout,
ce qui finit très vite par taper sur le système. Ces légers
défauts ne gâchent pourtant pas le fait que la prise en main soit
irréprochable.

             

 

Magie rime avec stratégie

L'aspect graphique est une chose, mais
ce jeu de cartes est aussi et surtout renommé pour sa dimension
hautement stratégique, on aurait donc pu craindre une adaptation en
jeu vidéo plutôt édulcorée de ce côté ci. Les règles basiques
du jeu de cartes sont assez simples pour être comprises par tous. Il
faut néanmoins ajouter à cela une myriade de règles spéciales
car, de fait, chaque carte que l'on pose sur le tapis de jeu est une
exception en soi. Les capacités qui ont fait le succès du jeu
répondent toutes à l'appel (Vol, Célérité, Piétinement...) Il
est vrai que l'initiation avec de vrais decks peut se révéler semée
d'embûches pour le néophyte. Toutefois, conscients de l'aspect
parfois assez exclusif du jeu de cartes, les développeurs de
Stainless Games ont incorporé un didacticiel simple et plutôt
rapide qui posera les bases du jeu pour le nouveau joueur. Pour ceux
qui ont quelque peu oublié les mécaniques du jeu, ce tutoriel vous
rafraîchira la mémoire de la meilleure façon qui soit. Passée
cette initiation, le vrai jeu peut commencer.

Dès lors, le jeu propose deux modes
différents : Campagne et Défi. Il est fort conseillé de commencer
par la campagne, qui permettra aux joueurs de se mesurer à
l'intelligence artificielle dans des duels pouvant aller de dix
minutes à une demi heure pour les plus longs. La campagne se divise
en seize duels différents qui nous opposeront à des magiciens, ou
planeswalkers, qui se feront un malin plaisir de vous mettre des
bâtons dans les roues. Les différentes couleurs de mana sont toutes
représentées, Magic mettant en scène des magiciens aux spécialités
différentes. Les différences de chaque type de magiciens sont bien
retranscrites dans le jeu : le deck vert cherchera à vous écraser
lentement mais sûrement grâce à des monstres gigantesques, le deck
bleu jouera avec vos nerfs en renvoyant vos sorts d'où ils viennent,
le deck blanc se chargera de pacifier vos créatures tout en faisant
regagner des points de vie au magicien, et ainsi de suite pour le
deck noir et rouge. Cerise sur le cake, les développeurs ont même
pensé à inclure des decks bicolores et tricolores qui sont à
réserver aux planeswalkers les plus aguerris. D'une manière
générale, la campagne nous oppose des adversaires plutôt dignes de
ce nom même si l'on remarquera çà et là de grossières erreurs de
stratégie chez l'ordinateur, mais ne vous en faites pas, quand il
s'agira de vous achever, vos adversaires se feront un plaisir
d'abréger vos souffrances! Notons enfin que la campagne se révèle
d'autant plus addictive que chaque duel gagné nous permet de
remporter une nouvelle carte pour notre deck. Vous aurez ainsi la
possibilité de gagner de nouveaux decks mais aussi de les compléter
à mesure que votre expérience grandira. Il est possible de
déverrouiller dix-sept cartes pour chaque deck, le collectionneur
aura donc de quoi faire.

Le mode Défi se chargera de vous
faire réfléchir sur une situation donnée, vous imposant de gagner
la partie en un seul tour avec un nombre de cartes limitée. Si les
premiers défis se révèlent faisables, les suivants sont à s'en
arracher les cheveux!

Il est donc possible de retrouver
toute la dimension stratégique qui a fait la renommée du jeu de
cartes original. L'ordinateur se révèle souvent à la hauteur,
proposant un challenge toujours plus relevé à mesure que le joueur
avancera dans la campagne. De plus, en finissant la campagne, le
joueur rendra ses adversaires encore plus coriaces. Avant chaque
duel, on se surprend à imaginer quel deck serait le plus à même de
contre-carrer le prochain adversaire. On enrage souvent, comme dans
le jeu original, lorsque l'âme des cartes semble jouer contre nous.
On s'exclame de temps en temps « Il me faudrait cette carte
là ». Bref, la sauce prend. On se remémore les bons moments
passés dans la cour de récréation à combattre ses amis, à
rabattre le caquet de son rival, à échanger certaines cartes pour
constituer son deck pour qu'il soit le plus parfait possible...

Des cartes, pas mescartes...

C'est justement l'aspect qui manque le
plus à cette adaptation. En effet, même s'il se fait fort de mettre
à notre disposition trois cents cartes environ, l'aspect de
construction du deck qui est crucial dans le jeu de cartes Magic est
le grand absent de ce jeu. Le jeu de cartes original a bâti son
succès d'estime (et commercial...) sur ce système que l'on retrouve
désormais partout qui est celui des starters et des boosters. Le
joueur achète tout d'abord un starter qui lui offre une quarantaine
de cartes, un deck clé en main avec lequel il peut jouer tout de
suite. Vient ensuite l'achat de dizaines de boosters, sorte de
recharge qui donnent accès à de nouvelles cartes potentiellement
plus intéressantes que celles du starter et qui serviront donc à
améliorer considérablement la force du deck original. Vous l'aurez
compris, c'est un aspect extrêmement coûteux de Magic mais qui a su
se justifier par la nécessité de s'équiper contre n'importe quel
adversaire. Dans Duel of the Planeswalkers, on passe tout à
fait à côté de la construction de son propre deck. On déverrouille
de nouvelles cartes, point final. On aurait aimé avoir accès à
plus de cartes et ainsi s'approprier les cartes afin de créer des
cocktails détonants. Un éditeur de deck aurait été bienvenu...
C'est là que Duel of the Planeswalkers s'écarte du jeu qu'il
adapte, il manque totalement un de ses aspects les plus intéressants
pour ne livrer que des decks faciles d'accès. Le joueur aguerri sera
déçu par ce manque certain de profondeur, il aura du mal à créer
un véritable lien entre lui et son deck, ce qui est souvent le cas
dans le jeu original, où les joueurs mettent parfois des années à
perfectionner leur paquet de cartes.

Le Live c'est bien, avec des
joueurs c'est mieux...

Xbox Live Arcade oblige, Duel of
the Planeswalkers
offre des options de jeu en ligne. Il existe
différents modes de jeu : parties en un contre un, deux contre deux,
à quatre chacun pour soi. Néanmoins, on a clairement du mal à
trouver un adversaire. Il faut souvent faire preuve d'une grande
patience et insister pendant un moment pour trouver un duel. De plus,
les déconnexions en cours de partie sont légion, surtout lorsque
l'un des deux adversaires se retrouve sur la pente descendante. Bref,
on se lasse vite de la fonction Xbox Live. Il faudra donc réserver
les matchs sur le Live pour des duels entre amis ou à deux en
coopération sur une même console.

Les développeurs surfent aussi sur la
vague des contenus téléchargeables. Ceux qui se lasseront de leur
tapis de jeu ou de leur avatar pourront changer tout cela moyennant
quelques points Microsoft. Anecdotique. Le jeu semble toutefois rencontrer un
certain succès dans la mesure où les développeurs ont sorti, fin
octobre, une extension pour le jeu. Cette extension permet de
débloquer trois nouvelles cartes pour chacun des decks ainsi que
trois decks entièrement nouveaux. De plus, le deuxième pack d'extension propose deux nouveaux decks. A l'avenir, on aimerait bien retrouver certaines
cartes issues des nouvelles extensions du jeu, histoire de ne pas
avoir que les fonds de tiroir. Enfin, signalons que Duel of the
Planeswalkers
connaîtra un portage sur PC et Playstation 3 en
2010. On n'en a donc pas fini avec nos jolies cartes!

 

En somme, Duel of the
Planeswalkers
est une adaptation excellente du jeu de
cartes Magic the Gathering. Il a le mérite de pouvoir faire
découvrir le jeu à des néophytes qui comprendront en l'espace de
quelques parties comment l'on joue.
Duel of the
Planeswalkers
se révèle tout aussi parfait pour
réveiller la flamme de Magic qui sommeille chez les anciens joueurs.
Néanmoins, au bout de quelques dizaines d'heures de jeu, si les
nouveaux venus se contenteront des decks préconstruits, les
connaisseurs regretteront l'absence totale d'éditeur de deck et le
nombre relativement limité de cartes. Tout ceci appellera une bonne
partie des joueurs à se réorienter vers le jeu de cartes qu'ils
avaient délaissé quelques années plus tôt. Ainsi,
Duel
of the Planeswalkers
atteint clairement le but de Wizards
of the Coast, il rameutera non seulement les vieux briscards mais
aussi quelques nouveaux joueurs autour du vrai jeu de cartes. Et,
dans le fond, c'est bien là tout l'intérêt de
Duel of
the Planeswalkers
, que Magic the Gathering assemble autour
d'une table de nouveaux joueurs avides de duels magiques.

Mordraen