Les amateurs de Suikoden II se rappelleront peut-être ces phases de jeu tactiques consistant à affronter des armées adverses, bien que celles-ci fussent, pour la plupart, scriptées quant à leur dénouement et limitées quant à leur caractère ludique. Cependant, avec les duels, ces petites joutes apportaient une variété appréciable dans les sempiternels combats au tour par tour.

Mais l’idée, en elle-même, n’était guère nouvelle, puisqu’en 1991, déjà, voyait le jour sur Megadrive un RPG tactique disposant d’un principe similaire. Langrisser, rebaptisé Warsong dans sa version US, permettait déjà à deux factions de se rentrer dans le lard, avec des bonus ou des malus façon pierre-feuille-ciseaux pour déterminer quel type d’unités avait l’avantage sur l’autre.

Je vais en dire deux mots, parce que, ben… j’y trouve deux mots à dire.

D’abord, qu’il n’est pas très accueillant, puisque la première mission est d’une confusion extrême pour qui n’est guère familier de la série – on commence dans un château assiégé de toutes parts, avec des unités, alliées comme ennemies, réparties dans tous les sens, sans que l’on nous explique quoi que ce soit, si ce n’est qu’il faut fuir, et vite !

La vie à la dure des années 90 : pas de tutorial, lis la notice et fais pas chier.

Ensuite, s’il est un élément qu’on assimilera sans difficultés au bout d’un certain temps, c’est que les Commandants, les leaders d’armées si vous préférez, sont complètement pétés et qu'ils peuvent très bien se passer de leurs incompétents subordonnés pour écraser l’adversaire – quand ce n’est pas lui qui vous écrase. Et que, si l’on peut faire évoluer la classe de nos personnages-commandants, c’est une mécanique très inégalitaire, et handicapante lorsqu’on ignore ce qui nous attend – le guerrier-crocodile, par exemple, est très l’aise dans l’eau, sauf que la dernière moitié du jeu n’en comporte quasiment pas – ce qui aura tôt fait de transformer notre Crocodile Dundee en Crocodile du Lundi.

Enfin, dans la version US susmentionnée, le titre n’est pas le seul élément qui ait subi des modifications. La jaquette, évidemment, grand classique de localisation US qui consiste à injecter un surplus de testostérone aux designs d’origine, mais surtout les portraits de certains protagonistes en jeu, qui ont été refaits pour je-ne-sais-quel motif absurde...

Pourtant, en dépit de ses déséquilibres et de ses quelques maladresses de game-design, qui rendent le jeu fichtrement dur par à-coups, le concept est plutôt cool et les batailles prenantes, portées par les compositions de l’illustre Noriyuki Iwadare (Lunar, Grandia, Ace Attorney) qui compte parmi les quelques élus à avoir su dompter la puce audio de la Megadrive, bête sauvage intenable dont les griffes auront charcuté bien trop d’oreilles innocentes. Une pensée pour tous ces malheureux qui ont souffert qu'on ne leur ait pas acheté la bonne console...

Hein, oui, je suis plutôt Super NES, pourquoi ?...

Tiens, d’ailleurs, parlons de Langrisser II, sorti trois ans plus tard en 1994, toujours sur Megadrive – mais aussi sur Super Famicom, sous le titre Der Langrisser (Le Langrissier, en bon français).

Der version à faire, dans ce cas !

Non, Das.

Die ?...

Le lecteur érudit dans la langue de Goethe me corrigera s’il le souhaite, mais qu’il soit averti, malgré tout, que j’ai fait espagnol LV2, et que donc je m’en bats les castagnettes.

En parlant de langue étrangère, les deux versions restent, pour l’heure, inédites en occident – un fait qui s’apprête à changer d’ici peu, avec la sortie annoncée de la compilation Langrisser I & II en mars prochain. C’est peut-être pour éviter cette confrontation directe que FFVII Remake aura été repoussé d’un mois, allez savoir.

Ainsi donc, c’est via une traduction amatrice que j’ai pu découvrir le jeu.


laborieux – rien de pire, dans le premier opus, que d’avoir à se trimballer des cavaliers en intérieur qui avancent au rythme effréné de deux cases par tour…

Puisque j’en suis à parler de ça, les unités à gérer étant beaucoup plus nombreuses que dans la plupart des autres T-RPG, le jeu dispose d’une petite fonction pratique, dans l’idée, qui permet de laisser à l’IA le soin de déplacer les unités subordonnées à vos commandants, vous laissant le choix d’une formation serrée, en carré, en losange, etc., autour de ceux-ci. Mais bon, vous savez ce que c’est, l’IA ; je préfère encore déplacer tout ce beau monde moi-même, quitte à rendre le processus fastidieux, plutôt que de laisser à un tel étron niqué d’électronique l’importunité de me changer une stratégie en stragédie.

Mais l’ajout le plus notable – qui le fut tant, d’ailleurs, que je ne l’ai noté qu’une fois le jeu terminé –,  c’est la présence d’embranchements scénaristiques qui consistent, dans les grandes lignes, à déterminer pour quel camp vous lutterez – quitte à rester dans le même tout du long, sans rien remarquer, soitprécisément ce qui m’est arrivé.

En fait, si, j’ai bien remarqué qu’il fallait faire un choix à un moment donné, entre deux unités adverses qu’il me fallait terrasser – celle des deux survivante conditionnant alors la suite de l’histoire et les batailles proposées. Mais dans le cas présent, on ne vire pas de bord, on obtient juste une variante scénaristique du cheminement "lumineux". À ce titre, on peut aussi se ranger du côté des forces sombres, et de l’empire que défend le charismatique général Léon, ou alors opter pour la neutralité, qui seule peut conduire, étrangement, jusqu’au chemin du Chaos.

C’est ce que m’indique, en tout cas, le schéma détaillé que j’ai sous les yeux.

En ligne droite, ça représente une vingtaine de batailles, mais au cumul, ça flirte avec les quatre-vingt. De quoi légitimer qu’on y retourne, pour peu que l’on eût goûté aux joies de cette première partie…

Pour ma part, je ne l’ai pas refait.

Mais j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire, et c’est sans conteste le meilleur T-RPG auquel j’aurais joué en 2019.

Le premier Langrisser m’aura plu, mais frustré de par sa rigidité. Ici, le gameplay est beaucoup plus flexible, et de ce fait, le concept est plus affiné, plus efficace, alors on profite. On profite de la stratégie, on profite des combats, on profite du superbe character-design de Satoshi Urushiharale Philippe Chevalier du Japon –, on profite de la musique, toujours signée Iwadare…

Sur ce dernier point, les puristes viendront peut-être me dire que la version Megadrive est supérieure, comme j’ai pu le lire à moult reprises dans les commentaires de vidéos Youtube, avec plus ou moins de diplomatie. Mais j’ai beau avoir écouté les pendants MD de ces musiques, je préfère toujours les itérations SNES. Sans doute parce que ce sont celles-ci que j’ai entendues en premier et qui se sont gravées dans ma mémoire, à force de réécoutes, et que les premières impressions ont souvent plus d’impact que les secondes.

Alors laissez-moi apprécier ces piètres musiques SNES dans mon petit coin d’homme de non-goût, merci.

Que dire de plus ?

C’est l’ennui avec les bons jeux : il m’est plus ardu d’en dire tout le bien que d’en dire tout le mal.
Allez quoi, juste un petit défaut ?...Bon d’accord, hmm…

Pouvoir emprunter plusieurs chemins, c’est bien, mais plus d’indices quant aux conditions à remplir pour s’orienter vers tel ou tel d’entre eux eussent été appréciés. Ouais, ça, quelque part, ça a toujours ce petit je-ne-sais-quoi de fâcheux. D’un autre côté, si on le savait à l’avance, pourrait-on encore goûter au plaisir d’avancer dans l’inconnu ? Tâtonner, c’est jouer. Terminer l’aventure sans trop s’embarrasser de ces questions, c’est une expérience qui n’est pas dénuée de charme, tout comme le fait d’entrevoir, à posteriori, les possibilités qui nous y ont été offertes. Charmant, ou amer ; là encore, c’est au joueur de décider quel sentiment le prédomine. Mais quels regrets peut-on nourrir si l’on estime la conclusion satisfaisante ? Je n’en ai pas.

J’entends également ces mêmes puristes cités plus haut râler contre la difficulté revue à la baisse comparée à la version Megadrive. Je ne l’ai trouvée ni trop simple, ni trop dure ; mais c’est peut-être mon ressenti de joueur blasé par la difficulté excessive de RPG comme Fire Emblem ou FFT qui fait que j’en viens à apprécier les aventures plus douces. En plus, comme on peut sauvegarder quand on le souhaite, pas besoin d’opérer un reset intégral en cas de pépin.

C’est cool, c’est relax, c’est confort.

Voyons voir, que pourrais-je encore ajouter qui me permette d’allonger artificiellement la durée de vie de cet article ?...

Les batailles sont longues et haletantes – non, trop banal.

Bon, les enjeux scénaristiques sont basiques – comme cet argument.

Je vous ai dit que la musique était chouette ? – oui.

Que c’était mon Role-Playing GOTY 2019 ? – non, ça, c’est le prochain.

Ou que le remake avait l’air tout lisse, berk – osef de tes goûts, mec.

Ah bon, alors, euh…

Auf wiedersehen ?