On l’appelle le Malin, Satan, Ahriman, Belzebuth ou encore Sheitan ; le Diable n’a de cesse de revêtir les habits du mal dans toutes les cultures et les sous-cultures qui l’ont engendré. Présence indispensable dans l’ombre des divinités rayonnantes, régent de l’Enfer, de la Géhenne ou du Shéol – où se sont déroulés les Jeux Olympiques d’été de 1988 – il inspire tout à la fois l’effroi, la souffrance, la déchéance, et revêt, à ce titre, de nombreuses facettes.

Bien sûr, on le retrouve en abondance dans les arts.

En littérature, dans la Divine Comédie de Dante, pour n’en citer qu’un des exemples les plus évidents.

En musique, avec des genres à connotation typiquement satanique, comme le hard-rock, le heavy-metal ou le despacito (quel enfer !).

En sculpture, avec les terrifiantes gargouilles de Notre-Dame, actuellement en garde à vue dans le cadre d'une enquête sur la détention potentielle d'allumettes au sein de l'édifice.

Ou encore en photographie, avec le dernier selfie de Kev Adams.

Mais c’est au cinéma, dans le film Legend de Ridley Scott (1985), qu’il y prend son apparence la plus cornue :


Face A, comme Aaaaaah ce que j'ai peur.

On peut toutefois le retrouver sous des formes plus abstraites, car le propre du Diable est d’incarner le mal, et le mal se trouve partout, à commencer par le mâle. Vampires, Incubes et autres créatures méphistophalliques témoignent ainsi d’une lascivité immodérée pour la gent féminine, eux qui, séducteurs, excellent à dissimuler leurs bas instincts sous de faux-semblants de noblesse et de grandeur. Le Diable aurait donc deux facettes, minimum – trois, si l’on considère la précédente – : quand l’une, la face C, relève de l’apparat, l’autre, la face B, relèverait plutôt de Māra, esprit tentateur issu du bouddhisme dont le nom, par extension, aurait donné à la langue japonaise un de ces mots sans équivoque et dont la caractère vulgaire pourrait attenter à l’immaculée pureté de cet article ; aussi, pour me préserver d’un tel déshonneur, me contenterais-je de rediriger le lecteur avide d’élargir son vocabulaire et sa culture du pays du soleil levant, si j’ose dire, vers cette page du très utile wiktionnaire.

Mais illustrons à présent ces deux faces comme il se doit – avec la censure qui s'impose !

  
  Face B, comme Baaaaah, vous voyez, quoi.                                                      Face C, comme Cochon balancé.                

Ensuite oh, attendez, je crois qu'à l'instar de Shoji, j'Meguro quelque part.

...?

Bon, peu importe.

Revenons-en à nos bouquetins.

Car, peut-être le Diable dispose-t-il d’autres facettes encore ?...

Puisqu’on parlait d’Incubes, n’oublions pas son pendant féminin, le Succube – à qui succombe le mâle, bien que mal lui incombe.

Incarnation du désir, du fantasme et des pulsions hormonales, cette jolie demoiselle, loin de n’être qu’une vulgaire séductrice, aura inspiré nombre d’artistes à travers les âges ; peintres, sculpteurs, écrivains ou encore dessinateurs de mangas – dont le crayon, murmure-t-on, prendrait parfois, sous l’effet d’une malice toute diabolique, l’aspect d’une pompe à air.


Face F, minimum.

Le stupre et la luxure ne suffisent pas, néanmoins, à classer une telle engeance au rang des simples démons de l’entrejambe – appelons-les ainsi. Le Diable a bien d’autres hobbies pour occuper ses journées, comme par exemple, passer son temps à semer la zizanie, la discorde et le chaos.

À ce titre, l’un des exemples les plus éloquents nous vient de la mythologie nordique, et du fameux Loki. Un bon malade, celui-là, qui serait allé jusqu’à se transformer en jument et se faire engrainer par un cheval, tout ça pour ruiner un chantier de construction – une version zoophile d’Astérix et Cléopâtre, en quelque sorte. On peut aussi mentionner Sauron, dans le Seigneur des Anneaux, ou même remonter plus loin dans les origines de la Terre du Milieu et citer Morgoth, lequel n’est pas sans évoquer Lucifer de par son statut de divinité déchue – ce qui, accessoirement, me donne l’opportunité de me la péter grave en vous laissant supposer que j’ai lu Le Silmarillion, au contraire de la plèbe peterjacksonienne dégénérée que vous êtes, sans aucun doute.

Et si cette dernière phrase vous agace, vous révolte et vous donne une envie irrépressible de rédiger un commentaire cinglant à mon encontre, alors, c’est que j’aurai su illustrer mon propos avec brio.


L'un des innombrables outils du Diable et de Jean-Luc Mélenchon (Face D).

Enfin, comment ne pas évoquer la sorcellerie, art diabolique par excellence, condamné depuis des siècles par l’érudition d’un peuple qui ne s’y est jamais trompé. Le Diable est esprit, le Diable est partout, le Diable est invisible, ainsi, toute conséquence qui ne peut être rationalisée par une cause relève de son fait – et de son existence, manifeste. Les voix qu’entendirent Jeanne d’Arc, les malformations physiques à la naissance, les épidémies inconnues et incurables, la pluie, la poussée d’Archimède, le principe de traction, la roue, les chansons de Mylène Farmer...

Autant de manifestations de l’ange déchu pour éprouver la sagesse des hommes vertueux – et exercer leur maîtrise du feu.


What sorcery is this !?  (Face Euh...)

Tout ça c’est très bien, me direz-vous (?), mais où est-ce que vous voulez en venir, mon petit monsieur ? Il est où le Lucifer de Shin Megami Tensei que vous m’aviez promis dans le titre ? Ne me dites pas que c’est cette ignominie verdâtre que vous avez dressé devant mon regard prude et innocent ?...

Non, bien sûr, comme je l’ai dit, il ne s’agit là qu’une de ses innombrables facettes qui, si vous avez bien compté, sont au nombre de six.

Or, le véritable Diable, le Mal Ultime, le Tourmenteur Absolu, l’Adversaire Suprême, ne peut se limiter à une seule de ces faces.

Il incarne les six à la fois.

Le Diable est cornu.

Le Diable est chaos.

Le Diable est ignorance.

Le Diable est humain.

Le Diable est Succube.

Le Diable est… Incube.

 

 

 

 

Voyez !

Contemplez la véritable apparence del Diablo !

Amalgame immonde et repoussant des déjections décrépies de l’enfer, fusion grossière de malice et de souffrances exaltées, ire spirituelle condensée dans un étau de formes simplistes et trompeuses,  il est là, devant vos yeux, guettant l’erreur qui lui permettra d’engloutir votre âme !

Vous qui vous égarez dans les bas-fonds du quartier d’Asakusa, méfiez-vous. Pas de ces créatures d’aspect démoniaque qui essaieront de vous tuer, non, ni de ces giclées de sang qui tapissent les murs, non, non, non ! Le Diable est bien plus traître, bien plus fourbe, infiniment plus subtil – une simple suggestion lui suffit pour attirer votre âme sur les sentiers de l’Enfer.

Un mioche, une proposition qui pique l’intérêt du joueur, puis, en guise de carotte, une récompense alléchante – les insectes en question étant des objets-clés dans le système de progression du jeu. Voilà comment, sans que votre garde en fusse alertée, vous sauterez de votre plein gré dans le puits sans fond qui vous attend.

Mais trêve de babillage : je vous présente, sans plus tarder, le premier sous-sol de l’Enfer tel qu’imaginé par Atlussifer !

LOL, mais c'est hyper facile ça.

Pourriez-vous me dire dans un rictus auto-suffisant que j'imagine fort bien.

Certes, de prime abord, le concept est simple : dans la peau du démon Pyro Jack, vous devez vous arranger pour rejoindre le petit point bleu qui vous emménera au stage suivant.

Mais à l’instar des neuf Cercles de l’Enfer, à mesure que l’on s’enfonce dans les multiples niveaux qui constituent l’endroit, les tortures et les souffrances imposées à notre esprit deviennent d’une atrocité grandissante.

Et s’il vous semble absurde qu’une activité aussi innocemment simpliste que pousser des cubes dans des trous puisse être à l’origine des pires supplices, apprenez, si vous ne le saviez pas déjà, que la CIA a permis qu’on torture des terroristes présumés en leur passant des chansons de l'émission pour jeunesse Sesame Street – oui, c'est le truc avec Elmo, là.

Il n’existe rien que le Diable ne saurait pervertir.

Or, je l’écris haut et fort, les degrés de perversité atteints par ce mini-jeu feraient passer Guantanamo pour un château gonflable – et je pèse mes mots (pas vraiment).


Allez courage, c’est le dernier !

Mais la persévérance, dit-on, est une vertu, d’autant plus précieuse face à une adversité si cruelle. Après deux bonnes heures passées à surmonter l’épreuve de Satan, on finit, ô joie !, par atteindre la sortie du niveau 10, chiffre symbolique qui, dans la culture Maya notamment, marquait souvent la fin d’un cycle.

Enfin, s’exclame-t-on, nous voici à toquer aux portes du purgatoire, et bientôt celles du paradis !...


Espoir, es-tu là ?...


Non.

Hélas, le Diable en culotte courte nous informe avec malice que nous n’en sommes qu’à mi-chemin, et nous confronte par-là même à un terrible dilemme : continuer, avec la perspective de tourments toujours plus terribles, ou abandonner, reconnaître son échec et anéantir deux heures et demi d’un effort mental intense.

Le bon sens nous commande de nous retirer pendant qu’il en est encore temps, de saisir la perche qu’Il nous tend, et de trivialiser cet échec ainsi que son impact, négligeable !, sur notre égo.

Alors, bien sûr, on décide de continuer – quitte à sacrifier, sur l’autel du temps perdu, six bonnes heures qui en paraitront cent-onze fois plus.


Au secours, Obi-Wan Kenobi. Vous êtes mon seul espoir !

Tout ça nous amène, naturellement, à relativiser sur tout un tas de sujets.

Qu’est-ce que la fin du monde, après tout, à côté d’une éternité passée dans la peau d’un démon à tête de citrouille, à servir de diable au Diable lui-même ? Quelle importance peuvent bien revêtir les mystères de la physique quantique, quand on souffre tant à faire pivoter dans le bon sens les tourniquets de l’Enfer ?...

À quoi bon s’esquinter de la sorte si, par la suite, nous devenons incapables d'effectuer un jet de dés sans qu'un frisson viscéral ne vienne ébranler la fermeté de notre lancer ?...

À quoi bon si, par la suite encore, nous développons une paranoïa toute religieuse à la simple contemplation d’un tableau de Picasso ?...

À quoi bon si, par la suite enfin, nous ne pouvons réprimer un cri d’angoisse et de terreur à l’approche d’un dangereux plateau d’apéricubes ?...

Les insectes sont nos amis, chantaient pourtant les Inconnus, parodiant ainsi Chantal Goya. Alors pourquoi, pourquoi faut-il que cet ami-là, s’il en est réellement, pourquoi faut-il qu’il nous invitât à le rejoindre dans cet abime de tourments qu’il aura pris pour demeure ?...

Pourquoi me suis-je battu, tout un après-midi durant ?...

Pour un misérable petit hexapode, dont les propriétés, d'ailleurs, sont une fraude ?...

Pour compléter une collection qui, de toute manière, sera restée incomplète ?...

Pour raviver la flamme d’un jusqu’au-boutisme vacillant ?...

Pour me gargariser d’une obstination creuse ayant porté ses fruits desséchés ?...

Pour obtenir de cet épisode un dernier mot mal-traduit, ironique, pourtant, quant à son inaptitude à agir sur ce souvenir marqué au fer rouge ?...

Ou bien serait-ce, au contraire, pour m’emplir la tête d’une anecdote à vous conter ?...

On fait parfois des choses étranges, irrationnelles, dénuées de logique ou d’un soi-disant bon sens. On peut chercher à l’expliquer, mais en trouver la raison n’est pas une certitude, ni une obligation. Néanmoins, les faits sont là, indéniables : six heures, une manette dans les mains, à pousser des cubes dans des trous via un diablotin à tête de citrouille, dans ce qui s’apparente à un logiciel ludique générateur de "fun".

...

Et si le Diable n'était, au fond, qu'Absurdité ?...