The Art of Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty - Yoji Shinkawa Official Illustrations Book Part 2
Origine
: Japon
Année d'édition
: 2002
Nombre de pages
: 161

N'ayons pas peur des mots : Yoji Shinkawa, directeur artistique de Kojima Productions, est un génie. Un artiste de haut vol, révélé aux yeux du monde par son travail sur Metal Gear Solid. Et quel travail ! Il est difficile de décrire son style, absolument inimitable.

Né un 25 décembre à Hiroshima (ça ne s'invente pas), Yoji Shinkawa a très vite pris conscience de son talent. La valeur n'attend pas le nombre des années et ce n'est pas un hasard si, dès ses 22 ans, ce grand amateur de jeux vidéo a frappé à la porte de Konami. Après avoir bossé sur le debugging de Policenauts (et effectué quelques illustrations pour le même jeu), il a tapé dans l'oeil de Kojima qui lui a donné la lourde tâche de ressusciter Solid Snake. Evidemment, le petit prodige a rempli sa mission à la perfection et s'est ainsi lancé sur les chemins de la gloire...

Yoji Shinkawa en action, ça donne ceci ou plus récemment, cela. Bref, du grand art. On retient son souffle. On observe, bouche bée. Le style est tellement proche du croquis nonchalant et pourtant, tellement détaillé... Un paradoxe qui rend ces dessins irrésistibles.

On est happé par ces coups de pinceau d'une précision extraordinaire, qui semblent pourtant jaillir au hasard. En quelques traits fugaces et incomplets, Shinkawa peut mener à bien un dessin d'une complexité inouïe. A certains moments, les lignes sont claires et nettes. D'autres fois, le croquis est si saturé qu'on a l'impression d'être devant un test de Rochschach (les deux exemples en lien sont volontairement issus du même jeu, MGS3 Subsistence).

Au rayon des influences avouées de Shinkawa, on trouve sans surprise l'américain Frank Miller (Sin City) ou le français Jean Giraud (Blueberry). Ainsi que plusieurs artistes japonais, moins connus de par chez nous (l'un d'eux est Yoshitaka Amano, dessinateur intimement lié à la série Final Fantasy). En tout cas, pour ce qui est de Miller et Giraud, y'a pas photo : les similitudes sont évidentes. Mettez un bandana à ces personnages et vous pourrez les appeler Snake...

Bref, revenons-en à l'objet qui nous intéresse, à savoir l'artbook de Metal Gear Solid 2. Pourquoi avoir choisi de le présenter, lui, plutôt qu'un autre ouvrage de Shinkawa ? Tout simplement parce qu'il est le premier que j'ai eu entre les mains, celui qui m'a initié au style de l'artiste.

Aussi parce que The Art of MGS2 reste, pour moi, le plus brillant des artbook de Shinkawa. 161 pages de pur bonheur, comprenant tout ce qu'il faut : artworks finalisés, croquis de production, dessins des environnements, détails sur la création des personnages, etc. Certaines choses sont vraiment surprenantes et amusantes, comme ce fameux costume de pingouin qui était censé donner à Raiden de l'oxygène à l'infini sous l'eau. Cet accoutrement a finalement été remplacé par la perruque bleue (dans le genre ringard, également). Au passage, le costume de pingouin est une référence non dissimulée au premier jeu auquel a participé Hideo Kojima, le loufoque Penguin Adventure.

Enfin, l'artbook de MGS2 est celui que j'ai choisi de présenter à Yoji Shinkawa, ce jeudi 10 mai 2012 à Paris. Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, l'artiste m'a fait don de ce croquis de Solid Snake.

Avant de m'évanouir devant tant de splendeur, j'ai eu le temps d'observer Yoji Shinkawa à l'oeuvre, en live. Une chose est sûre, on ne peut jamais deviner exactement ce qu'il va produire avant de voir le résultat final. Que ce soit volontaire ou non, il brouille les pistes constamment, en traçant un trait tout en bas, puis un trait tout en haut, etc. Et pour terminer : six petits points (de suspension ?) au-dessous du dessin, comme pour dire que s'il avait eu le temps, il aurait continué là.

L'art du croquis, c'est de suggérer. Et pour ça, Shinkawa est très fort. Le bandana est là sans y être vraiment, la chevelure est présente en à peine deux courbes... On peut presque deviner la combinaison furtive en dessous du visage. L'artiste l'a prouvé dans bien d'autres croquis, il est capable de faire vivre un personnage entier à partir de deux yeux et une mèche de cheveux. Pourtant, il confie lui-même que lorsqu'il dessine un oeil, il dessine "tout sauf un oeil". Encore un paradoxe invraisemblable... Allez comprendre !