Malgré un incontestable succès populaire, l'échec critique rencontré par All The Bravest - le dernier dérivé de la saga en date, développé pour téléphones portables - a amené le géant nippon Square Enix à évoquer le futur proche de la licence sur ce support. C'est donc à la surprise générale qu'a été annoncée la sortie prochaine d'un nouveau spin-off, intitulé avec sobriété « Final Fantasies : Battle of Dreams » - ou « ファイナルファンタジ : 夢の戦い », en japonais. Il ne s'agira évidemment pas d'un épisode canonique, ni d'un remake, mais d'un volet d'un genre nouveau, d'ores et déjà présenté (à tort ou à raison) comme « une révolution dans l'univers du J-RPG ».

 

 

Sous ses aspects très convenus de RPG Maker, Battle of Dreams se présente avant tout comme une véritable expérience créative et communautaire. De quoi titiller la curiosité, d'autant que Wada Yôichi (président de Square Enix et initiateur du projet) sait vendre son bébé :

 

 

Avec l'avènement prochain d'une nouvelle génération de consoles, nous avons éprouvé le besoin de regarder en arrière et de nous rappeler d'où nous venons. Les récents épisodes ont essuyé de virulentes critiques de la part de certains joueurs, dont nous nous sommes éloignés avec le temps et vers lesquels nous voulons revenir aujourd'hui. C'est dans cet état d'esprit que Final Fantasies propose à tout un chacun de créer son épisode idéal, puis de le partager avec le reste du monde. Ainsi, tous pourront faire l'expérience des joies, des satisfactions, mais aussi des difficultés et des frustrations qui entourent la création de ce type de jeu.

 

Pour lui, cette sortie a une portée symbolique forte :

 

Après avoir nourri l'imaginaire de milliers de jeunes hommes et femmes de toutes les nationalités, nous souhaitions ardemment leur donner l'occasion d'inscrire leurs noms dans l'histoire de cette série qu'ils affectionnent. Au cours de ces 25 dernières années, nous avons constamment cherché à innover d'un épisode à l'autre, et Battle of Dreams constitue pour nous l'aboutissement de cette démarche, en ce sens qu'il propose à l'individu de jouer le plus grand des rôles : celui de créateur à part entière. C'est notre manière de rendre hommage aux origines de la licence, dont le but premier était de raconter des histoires. (...) Nous espérons ainsi proposer un produit qui satisfera toutes les générations de fans et qui établira un lien entre eux, en dépit de leurs attentes parfois antithétiques.

 

 

 

 

Moyennant un investissement initial d'une dizaine d'euros*, chacun pourra donc se lancer dans la grande aventure et se distinguer par sa créativité.

 

 (*les sommes indiquées ne le sont qu'à titre indicatif, et sont calculées sur la base du cours du Yen au moment de la publication de cet article)

 

Même s'il existera des formules plus complètes (et plus onéreuses), le starter pack « de base » comportera tout le matériel indispensable à la mise en ligne d'une aventure de quelques heures, à savoir :

 

-         Un menu d'introduction déroulant (parmi plusieurs au choix)

-   Une page-titre, incluant un logo (parmi plusieurs aux choix, tous deux personnalisables)

-         Un environnement principal (à construire soi-même, à partir d'un capital de 5000 briques assemblables : plaine, ponts, courts d'eau, montagnes, mers, ...)

-        Un environnement de type « village » (à construire soi-même, à partir d'un capital de 1000 briques assemblables, et incluant quatre bâtiments et quatre villageois personnalisables au choix).

-     Deux environnements de combats classiques (parmi plusieurs au choix, non personnalisables : grotte, plaine, désert, ...)

-         Quatre personnages personnalisables (dont un héros de la saga au choix)

-         500 points d'équipement, pour « acheter » épées, armures, coffres et autres trésors à répartir.

-         500 points de compétences, pour « acheter » les capacités de vos personnages principaux.

-         40 bulles de dialogue.

-         Six types de monstres de catégorie 1 (parmi plusieurs au choix, personnalisables).

-         200 points de compétences, pour « acheter » les capacités de vos monstres.

-         Un environnement de type « donjon » (à construire soi-même, à partir d'un capital de 8000 briques assemblables : château, grotte, espace intersidéral...)

-         Un boss de catégorie 2.

-         100 points de compétence, pour « acheter » les capacités de votre boss  

-         Un staff roll de fin personnalisable (parmi plusieurs au choix)

-         6 thèmes musicaux qualité 8 bits (parmi plusieurs au choix)

 

(Choix à opérer dans une base de données constituée à partir des épisodes 8-16 bits).

 

 

Libre à chacun, ensuite, d'étoffer son travail en achetant personnages secondaires, sets de « briques », sets de bulles dialoguées, capacités spéciales, sortilèges et autres équipements pour quelques centimes d'euros supplémentaires. Il faudra débourser un peu plus (quelques euros pièce) pour acquérir héros de la saga (y compris ceux des épisodes post Super Nintendo !), invocations, environnements de combats, monstres et musiques supplémentaires, ou pour intégrer des jauges d'Active Time Battle dans les combats au tour par tour. Ce qui pourrait refroidir les joueurs les plus méfiants, mais Wada Yôishi se veut rassurant :

 

Il faut garder en tête que la phase de création de ces Final Fantasy s'étalera sur une période de plusieurs mois, ce qui réduira d'autant le coût mensuel de ce développement. Sans compter que, nous le rappelons, ces améliorations restent optionnelles, et qu'il est tout à fait possible de proposer un jeu intéressant construit avec le starter pack de base. Il nous tenait cependant à cœur de diversifier les choix à dispositions, afin de limiter les contraintes matérielles. (...) Qui plus est, le fait de monnayer ces possibilités supplémentaires est tout sauf anodin. Notre intention est d'amener chaque créateur a mûrement réfléchir ses choix, comme n'importe quel professionnel. Nous désirons que les jeux ainsi édités soient d'une qualité optimale, et nous envisageons très sérieusement de proposer les plus réussis en téléchargement sur nos sites officiels.

 

Dans cet ordre d'idée, les plus motivés (ou fortunés ?) pourront investir dans des optimisations ciblées des musiques ou des environnements en leur possession (passage de la qualité 8-16 bits à une qualité « remake » - comme on a pu en voir sur PSP, par exemple).

 

 

 

Mieux encore : des logiciels d'une dizaine d'euro (pièce) permettront d'éditer sprites et thèmes musicaux. Modification des modèles acquis ou création personnelle, la seule limite restera l'imagination, nous dit-on. L'éditeur de musiques, notamment, donnera l'opportunité de remixer les pistes, de les mélanger, d'y ajouter des instruments (instruments supplémentaires disponibles pour quelques centimes d'euros), de passer d'un rendu 8 bits à un rendu orchestral, etc...

 

 Officiel ou non, ce thème, trouvé (comme le logo) sur le site Nico Nico Douga, donne une idée plutôt alléchante des possibilités qui seront données aux mélomanes avertis.

 

De véritables « jeux dans le jeu », en somme, et de quoi passer des heures et des heures à expérimenter, bidouiller, tâtonner pour le plaisir ou pour la gloire. Mais pas à moindre coût, de toute évidence. Qu'à cela ne tienne ! C'est précisément à ce niveau que la dimension participative du projet prend tout son sens.

 

 

Il serait réducteur de ne voir en Battle of Dreams qu'un banal éditeur de RPG, insiste M. Wada. C'est une véritable dynamique de groupe que nous voulons faire naître ici. Les communautés de fans sont très actives, et leurs productions sont souvent de très grande qualité. Il nous semblait important de trouver comment les réunir et mettre leurs talents en lumière.

 

Dans cette optique, tous les jeux ainsi créés seront disponibles sur le hub dédié, et chaque utilisateur pourra voter pour ses préférés, afin de leur donner plus de visibilité... et de leur permettre de gagner des crédits supplémentaires !

 

Plusieurs catégories distinctes seront prévues afin de permettre un catalogage par genres, et des recherches ultérieures à base de mots-clés : « original » (création 100% personnelle), « sequel » (suite directe ou indirecte d'un épisode existant, à la manière de « The Years After » pour FFIV), « cross-over » (rencontre de plusieurs univers Final Fantasy), « what if ? » (version alternative d'un épisode existant, axée sur une modification majeure de son déroulement scénaristique. Exemples : « Et si Cecil n'était jamais devenu paladin ? »,  « et si Sephiroth n'avait pas tué Aerith ? », « et si Serah n'avait jamais été cristallisée ? », ...), « work in progress » (jeux en cours de développement, en attente de béta testeurs), « serials »(saga découpée en plusieurs épisodes) et « patchwork » (jeux construits à la manière des cadavres exquis, des équipes se relayant régulièrement pour amener le travail de leurs prédécesseurs dans de nouvelles directions)... De quoi s'adapter à toutes les idées et à toutes les envies.

 

Nous serons cependant très vigilants à ce que la charte d'utilisation soit respectée. Les joueurs pourront à tout moment signaler un contenu inapproprié. Cette vigilance nous paraît indispensable pour éviter que notre jeu ne serve à véhiculer des idéologies douteuses ou ne viole la propriété morale d'autrui. Dans la mesure où nous nous engageons à ce que nos joueurs restent juridiquement maîtres de leurs créations, tout manquement à ces principes sera sanctionné par un bannissement à vie de nos serveurs. D'un autre côté, nous sommes toujours à la recherche de nouveaux talents, et les œuvres qui sauront retenir notre attention pourraient valoir à leur auteur des stages, voire une embauche au sein de notre entreprise. Tout est envisageable, dès lors que la qualité est au rendez-vous.

 

De quoi se voir déjà en haut de l'affiche.

 

Plus concrètement, chaque starter pack acheté donnera libre accès à ce hub, et permettra de jouer à l'ensemble des travaux finis (ou soumis au beta testing), dans la limite des crédits à disposition. En effet, chaque accès à un titre sera facturé 2 euros, dont 90 % seront virtuellement recrédités sur le compte ingame de l'auteur, lui permettant d'acheter de nouveaux éléments pour améliorer son travail (ou de demander l'accès à plus de travaux disponibles sur le hub. Vous suivez ?). Un principe simple, décliné en de multiples variations, qui permettront de réduire d'autant les frais réels de chacun, tout en resserrant les liens communautaires.

S'il sera possible, par exemple, d'utiliser les services d'un correcteur orthographique automatisé (moyennant quelques centimes d'euros supplémentaires), on pourra aussi faire appel aux autres joueurs qui, à tout moment (là encore, moyennant quelques centimes d'euros), seront habilités à relever une erreur et à proposer une correction... Correction qui, si elle est validée par le demandeur, leur rapportera des crédits supplémentaires.

 

De la même façon, celles et ceux qui auront investis dans les éditeurs de musiques et/ou de sprites dont nous parlions plus haut pourront proposer leurs créations à la vente, au même tarif que ceux proposés par Square Enix lui-même. Là encore, 90 % du produit de ces ventes seront crédité sur leur compte ingame. A moyen terme, les dessinateurs qui le souhaitent se verront même offrir (contre quelques centimes d'euros, vous avez compris le principe) la possibilité d'intégrer des illustrations personnelles à leur récits, qu'ils pourront vendre dans des conditions similaires : une manière de se faire connaître, de rentabiliser les crédits investis et  de réduire les coûts.

 

Loin de ne constituer qu'un aspect accessoire de l'entreprise, cette gestion pécuniaire sera au cœur de l'expérience de jeu. Pour autant, il suffira souvent de jouer aux travaux d'autrui, d'y vaincre des ennemis ou d'y faire de bons choix, pour débloquer aléatoirement des éléments gratuits supplémentaires.

 

 

Pour couronner le tout, chaque starter pack acheté permettra de jouer gratuitement à Dream Alive, une sorte de tutoriel d'une quinzaine d'heure - co-écrit par le tandem Nojima /Nomura, et réalisé dans des conditions identiques à celles du joueur lambda. Il s'agira principalement d'apprendre à celui-ci à utiliser au mieux les outils à sa disposition...

 

Mais il s'agit aussi d'un vrai jeu, doté d'une véritable intrigue, insiste M. Wada.

 

On y suivra l'aventure d'un petit garçon qui, investi des pouvoirs d'une mystérieuse divinité, détruit son univers sans le vouloir et entame un voyage initiatique pour le recréer tel qu'il était avant la catastrophe. En cela, il sera secondé par un personnage aux visées plus troubles, mais rien de plus n'a été dévoilé à ce sujet.

 

Celles et ceux qui voudront approfondir de façon plus « professionnelle » pourront en parallèle suivre des cours magistraux, animés par des grands noms tels que Nojima Kazushige, Nomura Tetsuya (encore eux !) ou même Akao Minoru, entre autres.

 Nojima Kazushige

Ces derniers reviendront en vidéo sur leurs spécialités respectives et donneront de précieux conseils sur l'écriture de personnage, la conception des intrigues ou les compositions sonores. Ces cours pourront être suivis en auditeur libre (achat des leçons au cas par cas, en fonction des besoins) ou en cursus complets (incluant chacun 10 leçons, des exercices en auto-correction ainsi qu'un examen récapitulatif pouvant, en fonction des résultats obtenus, rapporter des crédits à réinvestir). L'occasion, surtout, d'en apprendre plus sur les méthodes de travail de ces maîtres en la matière, et de glaner moult anecdotes sur la conception des épisodes précédents. Un must pour les fans de la première heure, qui devrait connaître plus tard une édition DVD.

 

Last but not least, chaque développeur amateur possèdera une page attitrée sur le hub, à la façon de Facebook ou Twitter, sur laquelle il pourra communiquer sur l'avancée de son projet, échanger des astuces, discuter de la saga, etc, etc... Les possibilités, une fois de plus, sont presque illimitées.

 

En développement depuis bientôt quatre ans, le réseau Final Fantasies devrait être ouvert au public japonais dans le courant de l'été 2013 (fin septembre au plus tard).

 

Initialement, Final Fantasies était prévu pour septembre dernier, conclue M. Wada, et devait constituer le point culminant des célébrations du 25ème anniversaire de la saga. Malheureusement, des problèmes techniques nous ont contraints à reporter d'un an. Nous avons donc missionné dans l'urgence une partie de l'équipe pour créer All the Bravest, afin de permettre au public de patienter, ce qui explique ce caractère inabouti que nous ont reproché certains.

 

 

En Amérique et en Europe, la sortie de ce Battle of Dreams reste toutefois sujette à caution :

 

Nous avons envisagée une version internationale, compatible PSN et X-Box Live, qui sortirait début 2014, mais nous attendons de voir si la recette fonctionne sur le territoire japonais avant de décider si oui ou non nous exporterons la formule.

 

Alors si vous aussi, vous vous sentez l'âme Final Fantasienne, si votre cerveau bouillonne d'idées ou si vous rêvez, comme moi, d'envoyer Edgar Figaro botter l'arrière-train de Tidus, il ne vous reste plus qu'à croiser les doigts et faire comme le Comte de Monte Cristo : attendre et espérer.  

 

 

(Sources : Infos et screenshots : Square Enix

                 Logo et piste sonore : Nico Nico Doga )

 

 

Un IMMENSE merci au camarade Kenkun pour sa traduction. Ton blog d'informations est un des meilleurs sur le marché, mec ! ;)