Cela fait plus d'une décennie que le géant du jeu vidéo (par forfait) Micromannia propose à ses clients de racheter leurs jeux usagés pour, ensuite, les revendre d'occasion dans les magasins franchisés. Une possibilité qui, en théorie, pourrait en intéresser plus d’un sur le plan financier, compte tenu du prix parfois prohibitif des produits proposés. Or en pratique, c’est une autre histoire puisque la plupart des gamers lambdas ignoreraient tout de cette lucrative opportunité : 

 

On a bien remarqué que certains jeux étaient vendus plus chers que d’autre, rapporte Steven, client de longue date depuis que le Game de sa ville a mis la clé sous la porte, mais dans la mesure où ce sont les jeux neufs qui sont les moins onéreux, on n’aurait jamais pu imaginer que les autres étaient des titres d’occasion. On pensait plutôt à du collector, à des exemplaires dédicacés, à des cartmod ou à des façons discrètes de dealer de la drogue. J’ai même un pote à moi qui voulait qu’on se cotise pour en acheter un, le faire fondre dans son bang et le revendre sur Orencash.

 

Ce que confirme Mathias, gérant d’un magasin sur Bordeaux depuis que son Game a mis la clé sous la porte :

 

Croyez-le ou non, 80 % des gens qui rentrent aujourd’hui dans un Micromannia ne savent pas qu’on vend des jeux vidéo. La plupart d’entre eux pensent qu’on fait dans le trafic d’ivoire et nous demandent des défenses d’éléphant, quand ce n’est pas de la poudre de corne de rhino pour leurs problèmes érectiles.

                                                                                                              

On aura vite fait d’en déduire que les hardcore gamers ne représentent qu’une infime fraction de la clientèle de ces magasins où, dans la plupart des cas, ils n’entrent que par erreur, trompés par les jolies couleurs des posters Mario ou King of Fighters collés sur la vitrine comme des phéromones-papillons-femelles dans la gueule d’une plante carnivore.

 

 

On voit aussi passer pas mal de dépressifs, mais on ne les intègre pas aux statistiques car ils n’achètent rien : c’est juste une façon pour eux d’attirer l’attention de leurs proches et de les appeler à l’aide.

 

Les éditeurs seraient-ils vraiment menacés par le marché de l’occasion, alors ? Contre toute attente, il semblerait que oui car en conclusion, Mathias a une statistique intéressante à nous communiquer - une statistique d’occasion, bien sûr, qui nous aura quand même coûté 80 et quelques euros alors qu’elle n’avait même plus de livret (désavantageusement remplacé par des traces de sandwich jambon-mayonnaise sur le CD. Enfin... on espère très fort que c'était de la mayo) :

 

70 % des crédits obtenus en magasins sont utilisés par nos clients dans la journée pour payer une partie du ticket de bus qui leur permettra de rentrer chez eux. C’est que 3 euros le trajet, même avec les correspondances, ça reste une somme, et nous sommes heureux de contribuer à rendre ainsi les transports en commun accessibles au plus grand nombre.

 

Autant d’euros qui ne tombent pas dans l’escarcelle des éditeurs, ce qui pourrait faire légitimement grincer quelques dents. Pourtant, il serait caricatural d’imaginer que ce marché puisse générer d’importants bénéfices :

 

De temps en temps, rapporte Stéphane, gérant d’un magasin sur Montpellier depuis que son Game a mis la clé sous la porte, une vieille nous ramène un Nintendogs, un Léa Passion, un GTA ou un Call of, en tapant très fort sur la boîte et en nous disant « regardez, c’est cassé, ça ne s’allume plus ». On lui reprend 4 euros, pour le revendre 70, ce qui ne représente pas une si grosse marge que ça dans la mesure ou ça nous permet à peine de payer notre coke et nos putes.

 

Des chiffres qui ne trompent pas.

 

 

Ou, en tout cas, pas comme ceux sur les étiquettes des jeux Micromannia. 

 

 

Sources.