En dépit des efforts du service communication de Konami pour étouffer l’affaire, le scandale commercial qui éclabousse depuis lundi son département « produits dérivés » n'a pu être circonscrit au seul territoire japonais ; et c’est désormais avec beaucoup d’attention que les observateurs de l’ONU surveillent l’évolution de la situation.
 
Il faut dire que suite au dépôt de plusieurs centaines de plaintes alarmantes, dont la plupart émanent de familles sans histoires, ce sont des milliers de poupées à l'effigie du célèbre créateur de jeu vidéo Hideo Kojima qui vont être retirées de la vente et renvoyées au fabriquant, conformément aux préconisations de l’agence nationale de la santé publique. Des mesures dont la radicalité ne manquera pas d’interpeller, et qui suggèrent un problème d’une ampleur sans précédent.
 

En effet, il n'est pas question ici de ces malfaçons ordinaires, contrefaçons, peinture au plomb et autres « petites parties amovibles susceptibles d’être avalées à la succion » (principalement situées en-dessous de la ceinture, dans le cas du présent modèle), dont est tragiquement émaillée l'histoire des jouets fabriqués en Chine. Bien au contraire. Si l'on s'en réfère aux (nombreux) témoignages collectés par les forces de l'ordre, la nature des réclamations serait cette fois beaucoup moins terre-à-terre, et autrement plus saugrenue. Si saugrenue, en fait, que les plaignants se sont d'abord heurtés à  la perplexité, pour ne pas dire à l'incrédulité du personnel de garde, habitué aux élucubrations des alcooliques, des drogués et autres schizophrènes notoires (on se souvient de ce malade mental qui s'est pris, pendant plus de trente ans,  pour un mangaka à succès du nom de Masami Kurumada). Ce n’est qu’après avoir pris conscience du systématisme avec lequel les dépositions concordaient que les autorités ont pris la décision d’ouvrir une enquête officielle, afin de calmer les esprits et d’éviter les mouvements de panique. Difficile de croire, comme l’indiquent pourtant les plaignants, que ce qu’on leur a vendu comme d’inoffensives poupées promotionnelles s'animerait la nuit et se déplacerait librement de pièces en pièces, éclairé par la lueur de yeux rouges phosphorescents. Pourtant, la liste non-exhaustive des exactions dont elles se sont rendues coupables – et qui ont été attestées par contrôle d’huissier de justice -, a de quoi faire froid dans le dos, comme le raconte l’agent Foxu Muruderu :
 
Si vous avez des armes chez vous, et notamment des armes à feu, il est fortement conseillé de vous en débarrasser sans délai, car ces poupées semblent mues par un même besoin maladif  de presser leurs gâchettes - et les dégâts qu’elles peuvent occasionner ne sont pas négligeables. De manière plus générale, pour une raison qui nous échappe, elles s'en prennent sauvagement à tout matériel Microsoft qu’elles trouvent sur leur chemin - et particulièrement aux consoles X-Box One, qu’elles démontent en totalité avant de remonter en PS4. On a également constaté chez elles une tendance compulsive à s'approprier les boîtes en carton vides de taille moyenne, dont elles se servent pour se dissimuler afin d’accomplir leurs forfaits en toute impunité. Mais la plupart du temps, elles se contentent d’attendre que leurs propriétaires aillent aux toilettes, ou bien que les couples fassent l'amour - ensemble ou séparément -, pour surgir de l’obscurité, se planter face à eux et les fixer sans sourciller, immobiles, silencieuses, avec sur le visage une expression indéchiffrable qui évoque, selon les cas de figures, l’indifférence intriguée ou l’indifférence désapprobatrice. Suite à quoi elles demanderaient d’une voix aigue : "didju rike it ?" et le répéteraient sans fin jusqu’à ce que réponse soit donnée - ou que dépression nerveuse s’ensuive. Avec une violence psychologique telle qu’on a dû mettre en place une cellule de soutien pour les victimes traumatisées.

 

Mais le pire, c'est leur sourire, confie l’une d’elles, qui a tenu à conserver l’anonymat de peur des représailles. Leur sourire. Leur sourire. Encore et encore. Jusque dans mes cauchemars. Enfin, quand je dis leur sourire... je suppose que c'en est un, parce que c’est à ça que ça ressemble. Mais en quarante ans d’existence, je vous jure, j’en ai jamais vu de pareils, si plein de malveillance, de haine, de morgue, de fièvre, de fureur ou de tension musculaire inappropriée. Et pourtant, ça fait vingt cinq ans que je suis auxiliaire de vie dans le milieu pénitencier, alors des sourires effrayants, j’en ai eu mon lot. Mais celui-là, celui-là... c’est comme s’il n’était qu’un masque, une façade. Ou une fenêtre ouverte sur les flammes de l’enfer. 

 

 
 
Plus inquiétant encore : il serait matériellement impossible de détruire ces envahisseurs modèle réduit. Ciseaux, cisailles, sécateurs, grille-pains, mixers, tondeuses, hachoirs à viande, désosseuses, poêles à bois, scies circulaires, broyeurs ménagers, lave-vaisselles, fours à micro-ondes, plaques à inductions, épées ornementales, fusils de chasse, fusils d’assauts, fusils à canons sciés, fusils lasers expérimentaux top-secret-encore-en-phase-de-test, presses à ferrailles et autres accélérateurs de particules seraient sans effets sur ces jouets monstrueux, aussi est-il inutile de les couler dans le béton et de les enterrer dans le jardin. Ce serait, précisent les spécialistes, courir le risque de les retrouver le lendemain sur l'étagère de la commode, à la place de l'oeuf Fabergé de Grand Maman.
 
Dans un communiqué de presse qui se veut rassurant, l'équipe de conception précise qu'il s'agit vraisemblablement ici d'un phénomène "d'hystérie collective" relevant du champ de "l’autosuggestion hypnotique", imputable à "la nature profondément anxiogène du produit incriminé", dont "la seule vue pourrait, c’est envisageable, provoquer des crises de démence ou de paranoïa". Elle ajoute cependant que dans l’éventualité peu probable où, en dépit de leur nature diffamatoire hautement préjudiciable, ces allégations devaient s’avérer fondées, et où le constructeur ne serait pas à même de se débarrasser du matériel défectueux, il faudrait alors "que les peuples du monde entier s’unissent pour faire front commun afin de repousser l'invasion de quarante mille petits Kojima articulés de 25 centimètres, hostiles, infatigables et potentiellement immortels". Une perspective qui ne ravira ni les fans de l’illustre programmeur, ni ses détracteurs, surtout lorsqu’ils apprendront que celui-ci a fait le forcing pour que ces créations soient équipés de mini lance-missiles.
 
Quoi que nous réserve l’avenir, à ce sujet, une chose est sûre : c’est la dernière fois que nous faisons appel à une entreprise construite sur un ancien cimetière indien, nous confie le porte-parole de Kojima Production, excédé.

 

EDIT : à l’heure où nous imprimons cet article, on nous informe de source sûre qu’un second modèle, beaucoup plus agressif, aurait également été commercialisé à l'occasion des cinquante ans du développeur. Bien que les probabilités soient minces, si d’aventure vous vous retrouviez nez-à-nez avec une ou plusieurs figurines de ce type, mobiles ou immobiles, la procédure est simple.

Fuyez.

Mais sans faire de mouvements brusques.

Bonne chance et que Dieu nous protège.

 

Oui, ça existe vraiment.

 

Je l’ai écrit, "Que Dieu nous protège !", ou pas?