Nom : Child of Light
Année de sortie : 2014
Support : Partout partout partout...
Genre : RPG
Editeur : Ubisoft
Développeur : Ubisoft

Compositeur de la musique : Béatrice "Coeur de pirate" Martin
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Sorti il y a deux semaines, Child of Light est considéré comme le dernier petit bijou d'Ubisoft Montréal, attendu comme rarement pour un jeu ne bénéficiant pas de sortie physique. Parce que Ubisoft, déjà. Donc aussi parce que Ubi Art, le moteur graphique utilisé pour les deux derniers Rayman, d'une beauté qui n'est plus à prouver. Ensuite, parce que toute la narration et les dialogues sont en vers, fait rarissime. Il n'en faut pas moins pour que la critique encense la poésie du jeu, le plus souvent. La patte graphique et artistique a d'ailleurs été en partie insufflée par le Cirque du Soleil, excusez du peu.

Autre fait qui attire tout de suite : la musique est l'oeuvre de Béatrice Martin, jeune québécoise plus connue sous le nom de Coeur de Pirate. On parle donc là de près d'un million d'albums vendus...

Avant de parler musique, petit rappel sur l'univers de Child of Light : on y incarne Aurora, fille du duc d'Autriche à la fin du XIXe siècle, qui "décède" après être tombée gravement malade. Aurora se réveille à Lémuria, monde fantastique dirigé par une reine noire qui a volé la lune et le soleil. Le jeu commence ici, votre but étant de retourner dans le "monde réel" pour y retrouver le père d'Aurora. Très conte de fées comme ambiance, vous en conviendrez.

Coeur de Pirate a donc composé une bande originale de 18 morceaux, longue de 49 minutes au total, enregistrée avec l'aide de l'Orchestre Symphonique de Bratislava. Une petite vidéo a d'ailleurs été réalisée, dans laquelle elle explique un peu son travail sur le jeu (in english, sorry) :

 

La vidéo parle presque d'elle-même : si le côté "variétoche" des albums de Coeur de Pirate disparaît quelque peu, à la faveur de morceaux exclusivement instrumentaux, l'univers musical de la jeune femme est clairement présent dans l'utilisation de son instrument fétiche, le piano, rappelant parfois les mélodies de ses albums, lisses, glissantes, et au ton souvent mélancolique et enfantin, collant parfaitement à l'univers de Child of Light.

Et, au final, voici ce que j'en retiens :

 

CHOIX N°1 : AURORA'S THEME

Bien sur, on ne peut que retenir le thème d'Aurora, thème principal du jeu. Joué à diverses reprises dans le jeu, il possède aussi sa version à la flûte, qu'Aurora jouera elle-même face à des personnages en situation de détresse (je jure de ne pas spoiler davantage). Ici, le piano et les cordes placent la mélodie sur un pied d'égalité, et sont tranquillement poussés par un accompagnement d'accords doux et subtil. Un thème qui donne le sourire à l'écoute, et qui pose un peu toutes les bases émotionnelles du jeu : la simplicité, l'incarnation de l'enfance, un peu de nostalgie, d'amitié aussi.


Sur la même mélodie de piano, le morceau Path of the Eclipse est pourtant nettement plus sombre, me faisant penser tout de suite, par son arpège, aux destins tragiques illustrés par la bande originale de Bioshock. Aurora fait alors face à ses craintes et ses ennemis (la Reine de la Nuit en tête).

CHOIX N°2 : BOLMUS POPULI

Cette simplicité d'émotion et de musicalité est encore parfaitement retransmise dans le thème des Bolmus, petit peuple de souris commerçantes toutes mignonnes.
La mélodie à la flûte traversière, appuyée par un xylophone, est tout simplement splendide et des plus agréables, mais remarquez plutôt la ligne de basse jouée par le piano : il s'agit là de la marque de fabrique de Coeur de Pirate. Comme sur plusieurs des compositions de ses albums, la quasi-totalité des morceaux de la BO de Child of Light propose cette rythmique, ce gimmick de piano qui donne finalement tout son aspect reconnaissable à la bande son. Parfois trop redondant, mais imparable pour rendre une oeuvre unique et marquante.

CHOIX N°3 : JUPITER'S LIGHTNING

 

J'ai beaucoup hésité entre les différents thèmes de combat, et j'ai finalement choisi Jupiter's Lightning, peut-être celui qui reste le plus en mémoire. Il est un parfait exemple de l'utilisation de l'orchestre pour insuffler la part d'épique nécessaire à l'affrontement, à l'instar d'autres titres de la BO comme "Metal Gleamed in the Twilight", le thème des boss. Une boucle de 2 minutes qui aurait pu lasser, mais je lui trouve un côté accrocheur qui, couplé à la relativement courte durée du jeu et à la variété de thèmes de combat, le rend implacablement fort.

 

CHOIX N°4 : WOODS DARKER THAN NIGHT

 

Je voudrais quand même vous présenter un quatrième morceau qui me touche particulièrement, et que j'aurais aimé avoir composé : le thème le plus sombre du jeu sans aucun doute, Woods Darker Than Night. C'est encore une mélodie très simple au piano (remarquez, depuis le début de l'article, comme chaque titre touche par sa sobriété, preuve qu'on n'a pas besoin de plus, parfois), qui se balade sur une variation d'accords mineurs que les cordes appuyent légèrement sur nos glandes lacrymales. Toutefois, cette mélodie est porteuse d'espoir, les aigus apportent la lumière comme s'ils tenaient le nom et le sens du jeu à bout de bras.
Bref, avec peu de notes, on peut en signifier beaucoup, et parfois le mieux.

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Finalement, la bande originale de Child of Light apporte peut-être une réponse à beaucoup de questions de "music design" : mieux que de lancer de grands chantiers, il suffit de trouver le bon architecte. Coeur de Pirate, dont les réfractaires au style pouvaient douter, offre ici ce qu'elle sait tout simplement faire pour sublimer la poésie et les émotions clés du jeu.

Non, malgré son gameplay (trop ?) léger, Child of Light n'est pas qu'un jeu fait de rimes et de graphismes sympas : c'est une très belle oeuvre.