Il semble nécessaire de distinguer plusieurs populations de pirates. Tout d'abord, nous avons les pirates à l'ancienne, les bidouilleurs qui cherchent à customiser leurs consoles et à les débrider pour des usages communautaires. Ensuite, à partir de la PSX, nous avons connu une industrialisation du piratage par le biais de la puce qui permettait de passer des disques gravés directement dans la console.

 

 

 

Réalisée le plus souvent par des boutiques spécialisées, la pratique concernait avant tout des populations de joueurs initiés, des hardcore gamers insatiables au porte-monnaie trop léger et ne pouvant se limiter au seul marché européen. En outre, internet en était encore à ses balbutiements et il n'était pas facile de se procurer des jeux gravés. Cela se déroulait entre amis, dans des réseaux privés, des cercles d'amateurs. Le développement d'internet et de l'Adsl a changé la donne, dès la Dreamcast, avec des jeux téléchargeables directement depuis son ordinateur personnel. En parallèle, les pirates ont déjoué toutes les protections matérielles des consoles, offrant le champ libre à une mutation de la pratique du piratage. Avec les consoles portables PSP et DS le piratage est devenu si simple, si autonome, qu'il s'est normalisé. Sans éducation, la dernière génération n'a plus aucun scrupule. En effet, pourquoi payer quand il est si facile d'avoir TOUT gratuitement ou presque. Selon un sondage de jeuxvideo.com, 70% des 30 000 votants admettent avoir déjà joué à un jeu piraté.

En appeler au bon sens, à l'honnêteté, c'est je crois une erreur de moraliste. On n'a jamais éduqué personne avec de la morale mais avec des impératifs. Diaboliser le piratage des K7 audio et vidéo, puis des CD et des DVD n'a strictement rien changé au problème. Quelles solutions s'offrent alors à l'industrie pour contrer le piratage ?

Solution 1 : la politique tarifaire

Depuis des années, le taux de piratage des jeux sur PC atteint jusqu'à 80%. On apprend depuis que les jeux Iphone le sont à plus de 90%. En somme, pour 10 achats réglementaires, 90 jeux sont téléchargés illégalement. L'exemple de l'Iphone est le plus frappant sur l'évolution des mentalités puisque les jeux y sont très peu chers, nombreux se fixent le tarif classique de 0,79 centimes d'euros, presque un standard désormais. Du coup, l'argument économique ne tient plus la route. Qu'est-ce à dire ? Tout simplement que même si les jeux Xbox 360, Wii, DS et PSP étaient vendus dix fois moins chers, leur vente augmenterait substantiellement mais la piraterie serait toujours aussi présente. En gros, il est trop tard pour une prise de conscience au niveau de la politique tarifaire.

Iphone

Solution 2 : la répression

Les grands procès contre les joueurs qui téléchargeaient du Britney Spears ou du Metallica ainsi que la fermeture de Napster ont fait un peu vaciller le milieu du piratage, tout comme plus récemment celle de Megaupload, apôtre du téléchargement fractionné et crypté. Seulement, malgré ces contretemps, le pirate s'est endurci, fort de son nombre et de son sentiment d'impunité. Un pirate stoppé dans sa course au téléchargement c'est un peu comme un conducteur qui se prend un arbre, ça arrive jamais qu'aux autres. Dans le milieu du piratage sur console, Sony et Nintendo sont les premiers à faire condamner les revendeurs illicites. Le site de vente hongkongais lik-sang en avait par exemple fait les frais. Depuis, deux cents sites ont repris le flambeau. Coupez une tête à une hydre, il en repousse une paire.

Logo de Napster

Solution 3 : les protections software

Ces dernières sont bien souvent crackées rapidement. Les éditeurs passent plus de temps à coder leurs protections que les pirates à les atomiser, plus facile de détruire que de construire. En sus, la politique de protection software a un effet pervers : les jeux PC achetés dans le commerce sont plus contraignants à installer que leurs versions illégales. Là encore, la politique des éditeurs renforce le piratage et irait même jusqu'à le légitimer. Qui ne peste pas contre les DRM ?

Solution 4 : la protection hardware

La seule solution apparemment efficace. Il existait un moyen de pirater les jeux sur Nintendo 64, le Doctor 64, mais il était cher, très dur à dénicher et techniquement trop compliqué pour son époque. Pareil avec la Nintendo Gamecube : la console avait été hackée en exploitant une faille du jeu Phantasy Star Online mais le support mini-DVD a considérablement bloqué les pirates potentiels.

Doctor 64

Seulement, même des convictions de ce type n'ont rien d'une parole d'évangile. Prenons le cas de la Playstation 3. A la base, le média vierge et les graveurs étaient tellement coûteux qu'il semblait plus intéressant d'acheter en occasion. Néanmoins, depuis plusieurs mois, années maintenant, les pirates de la PS3 proposent des dongles voire de firmwares crackés permettant de jouer à des jeux téléchargés et stockés sur le disque dur interne de la console ou un disque dur externe.

En tous les cas, le piratage n'est plus un phénomène marginal mais un véritable fléau qui va jusqu'à occasionner des semi-flops. On repense à GTA Chinatown Wars sur Nintendo DS et à son fort taux de piratage qui occasionna des ventes décevantes pour un opus d'une telle série. Pourtant, le pirate n'est pas en cause. Toutes les possibilités de pirater lui sont offertes. Apercevant un portefeuille bien garni, combien passent leur chemin ?

GTA Chinatown Wars (DS)

Il convient aux constructeurs et à eux seuls de protéger leurs consoles contre le piratage. De taper à la source d'une certaine manière et n'ont de taper sur ceux qui exploitent une manne (excluons donc l'injuste politique d'HADOPI). Ou alors, pour les développeurs, à se replier vers des jeux de niche en pensant aux joueurs. On se remémore par exemple au cas de Tim Schafer ayant récolté plus de trois millions de dollars via Kickstarter pour son jeu d'aventure à l'ancienne. Le piratage évolue, c'est donc aussi à la manière de créer et de consommer des jeux vidéo d'évoluer également.

L'article d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=188:reflexions-le-piratage-des-jeux-video&catid=35:reflexions&Itemid=29

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